Document : 1765-03-30b

Références / localisation du document

ADIV C 5157

Date(s)

1765-03-30b

Auteur ou organisme producteur

Isambert

Destinataire

Commissaires de la commission intermédiaire des domaines et contrôles à Rennes

Résumé et contenu

Compte-rendu d'Isambert sur les difficultés à placer les Acadiens dans les trois paroisses de l'île (= tous ensemble). RED et étrangers.

Résumé court :
Isambert rend compte de l'idée de déplacer les habitants de 18 villages situés à l'extrêmité de trois paroisses pour y mettre tous les Acadiens groupés. Résistance de ceux du Palais qui contaminent les autres. On pourrait mettre les Acadiens là où il y a de la place, mais les habitants diront qu'il n'y a de la place nulle part et de plus "ces étrangers [les Acadiens] ayant besoin de se secourir mutuellement, c'est leur en ôter la facilité, s'ils sont ainsi désunis ; on craint d'ailleurs que les colons soient peu portés à leur prêter aucun secours puisqu'ils se les refusent pour la plupart ; et la dépense deviendrait plus considérable aux Acadiens par le défaut de secours de leurs voisins."
"De tout ceci on peut conclure que les bellilois ne voient qu'avec peine qu'on appelle des étrangers [les Acadiens] dans l'île, qu'ils voudraient seuls en posséder les terres, afin de suivre constamment leur volonté ".
Isambert préconise toutefois de ne pas céder aux Bellilois :
"L'île n'est pas assez peuplée respectivement à la quantité des terres qu'elle contient. Il faut donc des étrangers pour les cultiver toutes. Les Acadiens se présentent ; mais on prévoit qu'ils ne pourront pas être placés si le Bellilois est livré à sa volonté.".

Résumé long :
Malgré les avantages de l'afféagement, " résistance et opiniâtreté " des habitants de Belle-Île-en-Mer. Veulent rester dans leurs villages, impossible de placer les 77 familles (placement agrée par les Etats et nécessaire à la prospérité de l'île).
S'est conformé à la délibération des Etats du 5 mars et a fait un plan d'établissement dans les extrémités de 3 paroisses (envoi un tableau des nouveaux établissements). A suivi les recommandations de la commission et a " même cherché à ne pas gêner les anciens habitants en prenant particulièrement des villages détruits dont la qualité des terres ne peut être mise pour la plupart dans la première classe ".
A ensuite réuni les collons des villages à évacuer et leur a demandé de choisir de nouvelles terres (sans sortir à chaque fois de leurs paroisses). Personne n'a réagi. Alors on a cru devoir laisser le soin de choisir aux recteurs. Elaboration d'un tableau des chefs de famille des villages destinés aux Acadiens. Au début, les habitants des communes concernées à Locmaria étaient décidées à se déplacer, puis refus. A Bangor, idem. Ils avaient même fait le choix des terres sur lesquelles s'installer, mais 2 jours après, rétractation. A Palais, obstination constante et ils ont donné le mauvais exemple aux deux autres paroisses (à Bangor, plusieurs ont demandé secrètement à aller sur les terres qui leurs sont attribuées).
Il n'y a pas de problèmes que dans les villages qui doivent être abandonnés aux Acadiens ; dans les villages où de nouveaux afféagistes doivent arriver (ceux déplacés à cause des Acadiens probablement), on ne veut pas d'eux. Tout le monde préfère rester dans son village même quand il y a trop de terres et que la redevance à payer risque d'être au dessus de leurs forces.
On pourrait placer les Acadiens dans tous les villages susceptibles d'accroissement de familles, mais problème aussi parce que les habitants diront toujours qu'il n'y a pas trop de terres et que d'un autre côté " ces étrangers [les Acadiens] ayant besoin de se secourir mutuellement, c'est leur en ôter la facilité, s'ils sont ainsi désunis ; on craint d'ailleurs que les colons soient peu portés à leur prêter aucun secours puisqu'ils se les refusent pour la plupart ; et la dépense deviendrait plus considérable aux Acadiens par le défaut de secours de leurs voisins. "
" De tout ceci on peut conclure que les bellilois ne voient qu'avec peine qu'on appelle des étrangers [les Acadiens] dans l'île, qu'ils voudraient seuls en posséder les terres, afin de suivre constamment leur volonté ". Mais il ne faut pas céder ! si les colons ont trop de terres, ils ne pourront pas payer la rente (proportionnelle à la superficie), ou plutôt il payera comme il voudra ; l'afféagiste demeurera dans sa misère ; il ne faut pas que la terre soit réservée aux Bellilois : " l'île n'est pas assez peuplée respectivement à la quantité des terres qu'elle contient. Il faut donc des étrangers pour les cultiver toutes. Les Acadiens se présentent ; mais on prévoit qu'ils ne pourront pas être placés si le Bellilois est livré à sa volonté.". Il faudra donc user d'autorité à l'égard des colons qui savent que les terres ne leur appartiennent pas mais qui affirment qu'on ne peut les déplacer de leurs villages.

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30 mars 1765. Mémoire d'Isambert sur le placement des Acadiens.

Mémoire concernant la translation des Acadiens à BIM.

Les avantages que la province fait aux habitants de l'île par la concession des domaines à titre d'afféagement semblaient promettre un empressement de leur part à se prêter à l'exécution d'un projet si utile et qui peut seul contribuer à produire l'abondance et la population dans l'île. Mais loin d'éprouver leur bonne volonté, ils ne témoignent que de la résistance et de l'opiniâtreté. Entêtés à rester dans leur village, il est de toute impossibilité de placer les 77 familles acadiennes que les Etats ont agrées, et dont l'établissement parait absolument nécessaire dans l'île, pour parvenir à la culture générale des terres.
En se conformant à l'article porté dans la délibération des Etats du 5 mars concernant les Acadiens, on a fixé leur établissement dans les villages qui se trouvent situés vers les extrémités des trois paroisses du Palais, de Bangor et de Locmaria. Ces villages sont au nombre de 18 et sont désignés dans le tableau ci-joint [non inclu] dont les observations font connaître les limites de chaque village et les vallons ou chemins qui en font la séparation de ceux des Bellilois. La commission verra qu'on ne peut les placer plus conformément à la délibération des Etats, et qu'on a même cherché dans cet arrangement à ne pas gêner les anciens habitants, en prenant particulièrement des villages détruits dont la qualité des terres ne peut être mise pour la plupart dans la première classe.
L'inspecteur a rassemblé les collons des villages pris pour l'établissement de ces Acadiens et après leur avait fait connaître en présence de leur recteur l'intention des Etats, il les a engagés à se concilier pour agréer les portions vacantes dans les autres villages de chaque paroisse, et sans sortir chacun de sa paroisse. Ce premier instant ne produisit aucun effet. Ils se replièrent tous sur un exemple, mais aucun ne s'offrait à le donner : on a cru devoir prendre le parti de confier aux soins de Mrs les recteurs le nouvel établissement des colons qui doivent sortir des villages destinés aux Acadiens. En conséquence on a formé pour chaque paroisse un tableau des villages qui désigne les chefs de famille à sortir et les portions de villages dans lesquels ils peuvent être placés ; et on a prié M. les recteurs de les assembler, afin qu'ils fissent entre eux le choix des portions vacantes qui pourraient mieux convenir à chacun. Cette conduite a paru la plus conforme à la volonté des Etats.
Les Lomariaistes étaient décidés à se déplacer, ainsi que l'assura M. le recteur avant son départ du Palais à M. Le Loutre ; mais sa réponse fait connaître leur rétractation.
Les Bangoristes avaient non seulement témoigné la même volonté, mais ils auraient aussi fait choix des portions que chacun voulait avoir, ainsi qu'il est prouvé par l'état qu'en a formé M. le recteur de lui certifié. Cependant deux jours après l'arrangement de cette paroisse, ils se rétractent et deviennent obstinés à ne pas quitter leur village. On dira des Palaisien que leur obstination a été constante et qu'ils ont fait connaître en cette occasion l'entêtement qui les caractérise. C'est à leur exemple que les Lomariaistes et les Bangoristes se sont écartés de la voie de douceur et ont troublé la bonne volonté qu'ils avaient d'abord témoigné. On ajoute que plusieurs de ces derniers ont secrètement demandé à entrer dans la portion vacante qui leur sont offertes, quoiqu'ils s'opposent ouvertement comme les autres à la chose commune. Ce qui prouve évidemment que l'exemple des Palaisiens influe beaucoup sur les autres paroissiens.
Il ne suffit pas de dire que cette opposition est seulement relative à l'abandon des villages destinés aux Acadiens ; on a aussi éprouvé que les colons des villages susceptibles d'un accroissement de familles ou afféagistes respectivement à leur nombre actuel et à la grande étendue des terres, ne veulent pas en recevoir d'autres, et que dans les villages où il y a trop de familles par rapport au peu d'étendue des terres, ils ne veulent pas en sortir, et préfèrent avoir moins de terres dans le village où ils sont actuellement. Est-il un entêtement plus déplacé et moins conforme à leur propre intérêt ? Les uns semblent vouloir se charger d'une redevance au dessus de leur force et les autres préfèrent de rester dans la misère lorsqu'on leur offre un bien être.
On proposerait de placer les Acadiens dans tous les villages susceptibles d'accroissement de familles sans déplacer les habitants mais cette proposition ne parait pas recevable, parce que d'un côté il est sûr qu'on trouvera la même opposition de la part du colon qui dira toujours n'avoir pas trop de terre ou être capable de cultiver son village sans y placer d'étrangers, et que d'un autre côté ces étrangers ayant besoin de se secourir mutuellement, c'est leur en ôter la facilité, s'ils sont ainsi désunis ; on craint d'ailleurs que les colons soient peu portés à leur prêter aucun secours puisqu'ils se les refusent pour la plupart ; et la dépense deviendrait plus considérable aux Acadiens par le défaut de secours de leurs voisins.
De tout ceci on peut conclure que les bellilois ne voient qu'avec peine qu'on appelle des étrangers dans l'île, qu'ils voudraient seuls en posséder les terres, afin de suivre constamment leur volonté, trop pernicieuse au domaine [des Etats]. Mais qu'arrivera-t-il si la province à la bonté de leur concéder toute l'île ? On le prévoit : le colon afféagiste d'une grande tenue ne pourra jamais en payer la rente exactement, ou plutôt il la payera comme il pourra ou comme il voudra, ainsi qu'il l'a toujours fait : on verra du reste peut-être dès la première année. L'afféagiste demeurera dans sa misère ; le domaine sera toujours dans un Etat de langueur et l'île sera peut-être moins cultivée qu'elle l'a jamais été. Le projet de l'afféagement a pour but les établissement de l'île, sa cultivation, son abondance et sa population. Aucun de ces avantages ne se trouvera rempli si les terres ne sont concédées qu'aux Bellilois. On a représenté que l'île n'est pas assez peuplée respectivement à la quantité des terres qu'elle contient. Il faut donc des étrangers pour les cultiver toutes. Les Acadiens se présentent ; mais on prévoit qu'ils ne pourront pas être placés si le Bellilois est livré à sa volonté. Il ne croit pas être propriétaire de sa tenue ; mais il est dans une persuasion parfaite et il le dit hautement, qu'on ne peut pas l'expulser de son village. Ces circonstances rendent nécessaire la voie de l'autorité ; on peut même assurer que sans cette voie il parait impossible de parvenir à l'établissement des Acadiens, ni même des insulaires par la difficulté de transférer ces derniers d'un village à un autre.

Notes

// photo 9140.jpg (C 5157)

Mots-clés

// nouveau(2005-01)
// BIM
// RED
// Acadiens = étrangers (désignation)

Numéro de document

002046