Document : 1853-08-28
Références / localisation du document
Damien Rouet, L'insertion des Acadiens dans le Haut Poitou et la formation d'une entité agraire nouvelle, de l'ancien régime au début de la monarchie de juillet (1773-1830) : étude d'histoire rurale, thèse de doctorat (Histoire), Université de Poitiers, 1994. annèxe VI // CEA 2.1-1
Date(s)
1853-08-28
Auteur ou organisme producteur
Demairé
Destinataire
Rameau de Saint-Père
Résumé et contenu
Lettre de Demaire à Rameau en réponse à ses demandes concernant les Acadiens de la Grand'ligne (1853)
A dû prendre des renseignements pour répondre à sa lettre. Récit mythique des causes de la déportation : causes: volonté des Anglais de faire changer de religion et porter les armes contre la France. Courage des Acadiens. Perfidie des Anglais. Interdiction en partant d'emporter de l'or. Mais sa bisaïeule Barbudeau a feint une grossesse et emporté 12 000 F. Acadiens ont végété à la Rochelle jusqu'à l'offre généreuse de Pérusse qui leur fit l'abandon gratuit de lande. Construction de maisons toutes semblables, en terre, sauf celle de Barbudeau qui a une pièce en plus. Description de la grand'ligne.
Il n'a pas les papiers qui sont en la possession d'un notaire. Il peut continuer à renseigner Saint-Père si besoin est.
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Moncoutant, le 28 août 1853
Monsieur,
Je regrette d'avoir laissé aussi longtemps sans réponse votre lettre du 26 juillet dernier mais pour y répondre j'avais moi-même besoin de prendre des renseignements que j'ai l'honneur de vous adresser tels que la tradition les a conservés dans ma famille.
Les anglais s'étant emparé de l'Acadie, habitée par une colonie française, voulurent contraindre les habitants de cette contrée à changer de religion et à porter les armes contre la France leur mère patrie. Ils résistèrent avec courage et obstination à leurs oppresseurs qui lassés de batailler avec eux, feignirent de vouloir les laisser tranquilles et de vouloir vivre avec eux en bonne intelligence. Mais un jour, ayant réuni tous les colons dans un endroit désigné, ils s'emparèrent de leurs habitations qu'ils mirent à sac, en tuèrent les propriétaires qui essayaient de se défendre et contraignirent les autres à s'embarquer à la hâte, sans leur permettre d'emporter quoi que ce soit de leur fortune. Cependant quelques uns purent sauver un peu d'or.
Ainsi Madame Barbudeau, ma bisaïeul maternelle, emporta une somme de 12 000 F en or qu'elle cacha en disant qu'elle était enceinte. Ils débarquèrent à la Rochelle où ils végétèrent pendant quelque temps jusqu'à ce que Mr le Marquis de Pérusse, Seigneur de Montoiron grand père de M. le Duc d'Escars actuel, touché de leur sort et pour récompenser leur fidélité à la religion et au roi, leur fit l'abandon gratuit d'une immense étendue de landes situées commune d'Archigny, près celles de la Puye et de Pleumartin.
Là, les pierres manquant ou étant trop éloignées, ils se construisirent en terre des habitations à l'instar de celles qu'ils possédaient en Amérique. Elles ont toute la même distribution et les mêmes dimensions. Seul Mr. Barbudeau qui était médecin avait dans son habitation une chambre qui n'existait pas dans les autres. C'est là qu'il donnait ses consultations. Cette chambre sert actuellement de toit aux brebis. Etant l'un des personnages les plus important de la colonie, il eut dans son lot deux habitations. Elles sont toutes couvertes en ardoises très épaisses, les murs sont construits en terre tellement liée qu'aujourd'hui, lorsqu'on veut les réparer, comme on a perdu le secret de ce mode de construction, si on est obligé d'abattre un pan de murs, c'est avec la cognée et par le pied qu'il faut l'attaquer. Il est très fâcheux qu'on ait laissé perdre ce secret. Il serait bien utile dans un pays où l'on est éloigné de toutes carrières.
Ces maisons sont toutes construites parallèlement sur une grande route tracée par les colons pour l'exploitation de ces landes, à certaines distances les unes des autres. Mais DSCN2085.JPG chaque village à au moins deux maisons en face l'une de l'autre. Cette route est connue sous le nom de la Grand'Ligne. Il y en a une autre, mais moins longue, les villages sont appelés du nom des Saints ou du nombre de maisons qui les composent.
Si j'avais eu en ma possession les papiers concernant l'Emigration acadienne, j'aurais pu vous donner des renseignements plus précis. Mr Barbudeau qui en était dépositaire les transmit à titre successif à son gendre Mr Texier, mon grand-père, qui ayant abandonné la Colonie pour venir s'établir à Bonneuil-Matours, les remis à un Mr. Gendebien dans la succession duquel ils ont été recueillis par Mr. Pinotière, notaire à Saint-Savin, l'un de ses héritiers. Je ne les ai jamais lu mais j'ai toujours entendu dire qu'ils pouvaient contenir des renseignements utiles sur l'établissement des Acadiens dans les landes d'Archigny.
Tels sont, Monsieur, les renseignements que je puis vous transmettre. Je souhaite qu'ils répondent à vos désirs. J'irai d'ici à quelques jours passer un mois dans ma famille à Bonneuil-Matours. Si vous avez besoin d'autre chose, je me mets entièrement à votre disposition étant sur les lieux, je pourrai puiser à la source.
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considération très distinguée
Demairé [signature autographe]
Notes
Rouet p. 509-510
notes de Rouet : En sus du manuscrit de Rameau de Saint-Père concernant sa visite en Poitou en mars 1860, dont la transcription débute à la page suivante, il nous a semblé intéressant de reproduire auparavant la lettre qui suit. Insérée dans sa très volumineuse correspondance, elle a trait aux Acadiens du Poitou. Elle est en quelque sorte un premier contact avec les descendants des Acadiens du Poitou. Grâce à ce courrier et aux échanges qui ont dû suivre, Rameau put organiser sa visite de la Grand'Ligne
Mots-clés
// récit mythique de la déportation
// Acadiens ont emporté des choses
Numéro de document
000081