Document : 1773-02-00
Références / localisation du document
AN H1 1499 2 n° 649
Date(s)
1773-02-00
Auteur ou organisme producteur
Le Roi // Ministère (Bertin ?)
Résumé et contenu
Instruction pour faire connaître aux familles acadiennes les volontés du Roi. Le Roi présente aux Acadiens le projet de Pérusse. Il donne à chacun la possibilité d'aller dans le Poitou ou d'aller ailleurs (mais ils doivent se décider avant le 1er septembre [1773 ?]. Interdiction de quitter le Royaume. Ceux qui veulent pourront aller ailleurs ou dans les colonies.
Le Roi a décidé de continuer la solde aux Acadiens pendant 6 ans. Il veut les "attacher à la Glèbe" à jamais. Le projet de Pérusse est avantageux pour les Acadiens. S.M. a regardé les terrains qui lui paraissent bons. Cependant, si les Acadiens veulent s'établir ailleurs, ils peuvent choisir des terres du Roi et s'établir à des conditions qui seront déterminées par le conseil des finances. Ils ne devront ensuite plus bouger, sans quoi ils seront regardés comme sans aveu. Ceux qui ne se conformeront pas à cela seront punis. Ceux qui voudraient quitter le royaume seront punis, mais sa majesté connaît trop leur fidélité pour soupçonner qu'ils veuillent partir. Si l'occasion de passer dans des colonies françaises se présente, les Acadiens auront la priorité sur toutes autres personnes. Le texte réprimande ensuite les Acadiens pour leur indécision et espère qu'ils se resaisiront rapidement et qu'ils ne perdront plus de temps à se décider.
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Instruction pour faire connaître aux familles acadiennes les volontés du Roi.
Le Roi s'étant décidé à continuer encore pendant six ans la solde qu'il a bien voulu jusque à présent accorder aux familles vraies acadiennes, à raison de six sols par jour pour chaque individu et cette grâce n'ayant d'autre objet que de faciliter leur établissement dans son royaume, sur quelques uns des terrains incultes dont sa majesté est informée qu'il existe une assez grande quantité dans quelques provinces et ces terrains étant les seuls dont la propriété puisse leur être concédés, sa volonté est qu'ils y forment des établissements qui les attachant à la glèbe fixeront à jamais leur état parmi ses autres sujets.
Sa majesté a bien voulu se faire rendre compte des différents projets tendant à cet établissement celui qui a été proposé par le Marquis de Pérusse Descars ayant pour objet de leur procurer d'ici à trois ans deux cent trente sept [237] habitations à raison de dix personnes par chaque habitation lui a paru devoir être avantageux aux Acadiens et remplir l'objet de les attacher à la glèbe puisqu'il a pour base de leur donner la propriété incommutable de trois arpents de terre par chaque individu grands ou petits et même à des conditions d'afféagement ou acensement qui semblent peu onéreux et de plus il les fait participer aux exemptions qu'il a plu à S.M. d'accorder comme grâce particulière au dit Marquis de Pérusse en date du 14 juin 1763.
Sa majesté a fait examiner les dits terrains qui sont situés dans le voisinage de la terre de Monthoiron en Haut Poitou ils ont été jugés très propres à fournir de bonnes récoltes lorsqu'ils seront bien cultivés et sur de bons principes.
Malgré les avantages que présente le projet ci-dessus S.M. par une suite de ses bontés ordinaires pour les Acadiens veut bien leur laisser le choix des lieux qu'ils croiront le plus avantageux pour leur établissement. Elle veut bien même pour leur donner à cet égard encore plus de facilité et leur permettre de choisir sur les portions de terrains incultes dépendant de son domaine ceux qu'ils croiront pouvoir leur convenir et sur la demande qu'ils en feront elle ordonnera qu'il leur en soit passé des arrentements aux conditions que le Conseil de ses finances avisera.
Mais d'après la bonté que veut bien avoir S. M. de laisser toute liberté aux Acadiens soit de profiter des offres que fait le Marquis de Pérusse pour leur établissement soit de le choisir sur ses propres domaines ou enfin de traiter avec les autres propriétaires de semblables terrains incultes qu'ils croiront leur convenir, elle les préviendra que son intention est que d'ici au premier de septembre pour tout délai chaque famille ait décidé le lieu de son établissement et ceux qui d'ici à cette époque n'auront pas fait parvenir au Sieur Bertin ministre et secrétaire d'Etat chargé de cette partie une soumission du propriétaire du terrain dont chaque famille aura traité portant la quantité d'arpents, journaux ou boisselées [= dans le Châtelleraudais, une b. vaut dix ares selon Martin p. 307 - note] qu'il leur concède les conditions de la concession et la soumission du dit propriétaire de faire exécuter le dit établissement dans l'espace de trois ans, seront déchus passé le dit jour 1er septembre prochain de la solde de six sols par jour que S. M. a bien voulu leur accorder jusqu'à présent et elle ne pourra regarder ceux là que comme gens peu courageux et laborieux et peu dignes de faire partie des vrais acadiens qui lui ont donnés tant de preuves de fidélité, de zèle et d'attachement.
Il n'est pas douteux que ceux qui différeraient de se décider et de se porter avec zèle au travail indispensable de leur établissement deviendraient peu intéressants pour le gouvernement, cependant si quelques uns pensaient assez mal pour se mettre dans le cas de perdre les grâces que S. M. veut bien leur accorder elle consent néanmoins que vu leur qualité de vrais acadiens ils puissent fixer leur domicile dans le lieu de son royaume qu'ils jugeront à propos pourvu toute fois qu'ils fassent leur déclaration devant le juge du ressort où ils auront élu leur domicile, laquelle déclaration fera mention de l'état ou profession qu'ils veulent exercer et sera envoyée au secrétaire d'Etat chargé de cette partie mais après la dite déclaration faite ils leur sera enjoint de ne pas quitter le lieu qu'ils auront choisi sous peine d'être traité comme vagabonds et gens sans aveux. La grâce que S.M. veut bien faire aux Acadiens en leur accordant la continuation de six années de solde doit assez leur faire connaître que sa volonté est qu'ils soient établis dans son royaume d'une façon qui les y attache à perpétuité et qu'elle regarderait avec indignation ceux qui après avoir été si longtemps à charge à l'Etat formeraient le coupable projet de sortir des terres de sa domination et si quelques uns s'y exposaient ils seraient dans le cas de subir la rigueur des ordonnances mais la constante fidélité que lui ont témoigné les vraies acadiens l'assure qu'il n'en est aucun qui soit capable de s'y exposer.
Et elle veut bien assurer de sa bienveillance et de sa protection ceux qui se décideront promptement sur le lieu de leur établissement.
Celui que propose le Marquis de Pérusse doit assurer en fort peu de temps l'asile et la subsistance à la totalité des individus. Ce premier objet étant rempli les familles pourront ensuite très facilement se dédoubler et s'étendre sur d'autres terrains incultes et enfin celles qui sont nombreuses et qui par des mariages formeront de nouveaux ménages pourront accroître leur propriété par de nouvelles concessions que leur feront les propriétaires ou qu'elles demanderont à S.M. sur les terrains incultes qui font partie de son domaine.
Le Roi veut bien regarder avec indulgence l'indécision et l'indifférence que jusqu'à présent les Acadiens ont marqué pour tous les établissements qui leur ont été proposés. S. M. compatissant aux malheurs qu'ils ont éprouvés veut bien croire qu'ils ont engourdi leur activité et leur industrie mais il est temps qu'ils sortent de ces abattements et qu'ils se mettent au travail. Ils doivent se persuader qu'ils ne peuvent être établis que sur des terrains incultes et que ce ne sera que par des soins assidus et une bonne culture qu'ils se procureront d'abondantes récoltes et quoiqu'ils aient perdu des possessions considérables dans un pays beaucoup plus fertile, ils doivent cependant dans leurs malheurs se trouver très heureux d'être reçus dans la patrie de leurs aïeux sous les mêmes lois et la même religion qu'ils ont toujours suivi et où on leur offre des propriétés beaucoup plus considérables que celles que possèdent généralement tous les autres sujets de S.M. Elle a lieu d'attendre que leur engourdissement va cesser, que leur activité et leur zèle va se ranimer et qu'ils s'empresseront par leur travail à devenir utile à l'Etat et à mériter la continuation des grâces qu'elle a cru devoir accorder à leur fidélité, à leur probité et à leur bonnes m?urs.
Elle veut bien en outre les faire assurer que dans le cas où les circonstances l'obligerait de permettre qu'il passât des familles de son royaume dans quelques unes des colonies de sa domination ils seront préférés à tous autres lorsqu'ils le demanderont.
Sa Majesté ne doute pas que d'après toutes ces considérations les Acadiens différent plus longtemps à décider le lieu de leur établissement et elle leur ordonne de se conformer promptement à sa volonté.
Notes
DSCN2337.JPG
auteur est peut-être Bertin (voir lettre d'accompagnement (2344.jpg)
date incertaine, peut-être janvier 1773 (voir lettre de Pérusse à Lemoyne suivante, qui est un résumé de cette ordonnance, donc qui a dû être écrite immédiatement après. La date de la lettre d'accompagnement (2343.jpg) est difficile à lire (X janv 1773 ou X 1773 - décembre ?)
HBR retranscrit ce document dans 5J 140 photo 5977.jpg date le document de février 1773
Mots-clés
// établissement dans le Royaume
// attachement à la Glèbe
// réprimande contre l'émigration // vrais acadiens
// repartir
// punition
// coercition
// interdiction de quitter le royaume
// secours : continués pour 6 ans
Numéro de document
001493