Document : 1763-05-15
Références / localisation du document
Archives diocésaines de Coutances // AD Manche, Saint-Lô, 6 Mi 252 à 257 // Michèle Godret, "Mariages acadiens à Cherbourg", Racine et Rameaux Français d'Acadie, 26, (2e semestre 2002) : pp. 9 à 17.
Date(s)
1763-05-15
Auteur ou organisme producteur
Acadiens de Cherbourg // Joseph de Mius d'Entremont - Anne Landry
Destinataire
Acadiens de Cherbourg
Résumé et contenu
Dispense de consanguinité : Dossier 7. 15 mai 1763 : Joseph de Mius d'Entremont - Anne Landry
cf. aussi la décision qui suit
Raisons avancées :
Le dossier commence par une sorte de pétition adressée à l'évêque :
- " Dans la dite Acadie, on ne fait aucune difficulté d'accorder dispense à des cousins germains qui se recherchent pour le mariage ;
- exposé historique?pillage des Anglais, fidélité au Roi et à la Religion (etc?)
- ils demandent les dispenses " n'étant pas dans le cas de trouver en France des filles de condition, ni même des roturières vouloir se donner à des infortunés gentilshommes qui, après avoir tout perdu, se voient encore aujourd'hui sans espérance d'être indemnisés des grandes pertes qu'ils ont souffert, épouser des gens dénués de toutes leurs richesses, quitter leur famille pour s'embarquer au premier jour avec eux, et aller demeurer dans l'île où il plaira à sa majesté les envoyer. Le suppliant, Monseigneur, se trouve donc borné à rechercher une femme dans le nombre des Canadiennes qui sont dans cette dite ville qui pour la plupart sont tous alliées ".
- déposition du demandant : s'il était resté en Acadie, il n'aurait pas eu de mal de se marier avec la suppliante, mais il a préféré abandonner l'Acadie pour ne pas apostasier (" les anglais ne leur permettant aucun exercice libre de leur religion ").
- les suppliants sont pauvres et hors d'état de recourir au Saint-Siège (cet argument figure chez certains suppliants (pas chez le suppliant, mais chez la suppliante) et leurs témoins mais pas dans la page de présentation).
- Le deuxième témoin parent fait allusion " au peu de temps qu'ils ont à être encore en France ".
Résumé de Madame Godret (cf. # 1470) :
Le 15 Mai 1763, "Supplient très humblement Joseph DEMIUS, écuyer, Sr d'Entremont et Anne LANDRY, sa cousine germaine, tous deux originaires de l'Acadie et demeurant de présent à Cherbourg. Et ont l'honneur de représenter à Votre Grandeur que dans la dite Acadie, on ne fait aucune difficulté d'accorder dispense à des cousins germains qui se recherchent pour le mariage ; qu'en conformité et à l'invitation de son frère, de son cousin germain, et de plusieurs autres , qui dans ce cas l'ont obtenu, il aurait, après les avoir connu par luy même les bonnes vies et m?urs de la Delle sa cousine germaine , fait l'honnête recherche d'icelle ainsi que la demande, qui dans son païs auparavant l'arrivée des Anglois, lui fut donnée de l'agrément de toute sa famille. Mais les Ennemis de l'Etat étant survenus peu de tems après, firent échouer leur entreprise; et ne pensèrent pas alors, qu'à se défendre courageusement contre les pressantes sollicitations de ces insulaires, qui faisaient leur possible pour gagner les suppliants et tous leurs parents, au Service de leur Roy et leur faire abandonner leur Ste Religion et la fidélité qu'ils doivent à Sa Majesté très chrétienne leur Légitime Souverain, aux promesses de les établir dans la possession de tous leurs biens, et leur accorder des Employs et Offices digne de leur rang et de leur naissance ! Toutes ces belles promesses ne furent point capables d'esmouvoir ny d'ébranler la constances des suppliants, pour la conservation de leur Ste Religion, pour le maintien de laquelle ils auroient versé, et verseroient encore aujourd'huy jusqu'à la dernière goutte de leur sang ! Les ennemis outrés de leur refus, les firent apporter comme les autres en France, après les avoir pillés généralement de tout, Meubles, Linge, hardes, Argent et Papiers jusqu'à leurs Tiltres de Noblesse dont ils se sont emparés pour se venger du refus des suppliants, lesquels furent débarqués audit Cherbourg, où depuis ce tems ces deux amans se sont toujours maintenus dans une étroite amitié l'un pour l'autre?? "
(Bien qu'un peu long, ce texte me paraît important. Il est un peu arrogant mais on ne peut s'en étonner car il s'agit d'un aristocrate, mais il fait pour une fois mention du prétexte que trouvèrent les Anglais pour justifier la déportation de tout un peuple dans des conditions abominables, c'est à dire le refus des Acadiens de renoncer à la Religion Catholique). L'enquête a lieu le 19 Juin.
Messire Joseph DEMIUS écuyer, Sr d'Entremont, fils de feu Messire Charles DEMIUS, écuyer, Sr d'Entremont et de delle Marguerite LANDRY, originaire de Soubomcoup (Pobomcoup, maintenant Pubnico à l'extrémité sud-ouest de la Nouvelle Ecosse actuelle) Acadie , vivant de la paye du Roy, débarqué il y a trois ans et demi, âgé de 39 ans. Curieusement, pour un écuyer, il ne sait pas signer.
Demoiselle Anne LANDRY comparait. Elle est fille de défunt François LANDRY et de défunte Marie BéLIVEAU et a vingt six ans. elle confirme que le suppliant la recherche depuis cinq ans et qu'elle luy a donné sa parole il y a trois ans et demi. Elle rappelle qu'en Acadie que les dispenses pour consanguinité du deuxième degré sont très couramment accordées et que s'ils étaient restés en Acadie en renonçant à leur religion, il n'y aurait eu aucun problème. Elle marque.
Pierre LANDRY, père commun, d'où :
Marguerite LANDRY François LANDRY
x Charles DEMIUS, écuyer, Sr d'Entremont, d'où : x Marie BéLIVEAU, d'où :
Joseph DEMIUS, écuyer, Sr d'Entremont, suppliant Anne LANDRY, suppliante.
Premier témoin parent : Messire Pierre DEMIUS, écuyer, Sr d'Entremont, vivant de la paye du Roy, 31 ans, frère du suppliant. Il marque.
Second témoin parent : Jean LANDRY navigateur, 30 ans. Il est le frère de la suppliante et cousin germain du suppliant. Il marque.
Premier témoin non parent : Joseph BELLEFONTAINE, vivant de la paye du Roy, 68 ans. Il signe.
Second parent non parent : Michel BELLEFONTAINE, vivant de la paye du Roy, 29 ans. Il signe.
Tous témoignent dans le même sens. Le frère de Joseph DEMIUS a obtenu la dispense en Acadie et a donc pu épouser sa cousine germaine. De plus, "s'ils ont abandonné tous les biens qu'ils possédaient dans l'Acadie et refusé de se soumettre à la domination des Anglois, ce n'est que dans la crainte qu'on leur fit perdre le libre exercice de leur religion et qu'on les forçât d'apostaser ".
L'autorisation de procéder au mariage est accordée à M Jean LE TEROÜILLY, desservant de l'église Notre Dame de Cherbourg.
Cette famille MIUS d'ENTREMONT était établie en Acadie depuis le 17ème siècle. L'un d'entre eux, Philippe MIUS d'ENTREMONT avait épousé Le 4 Décembre 1707 Thérèse de SAINT CASTIN, fille du baron Jean Vincent de SAINT CASTIN, figure mythique de la conquête des territoires de la Nouvelle France et de sa femme Pidianske (Marie Mathilde), princesse indienne fille de Madokawando, chef suprême des Abenaquis, tribu alliée des colons français, dans leur lutte contre les anglais.
Notes
cette dispense est une dispense au 2e degré. Avec le numéro 9, c'est la seule dispense au 2e degré retrouvée. Normalement, selon l'abbé Couppey (archives diocésaines de Coutances), ces dispenses de consanguinité au 2e degré devaient aller à Rome, contrairement aux autres qui étaient traitées couramment sur place par l'évêque. C'est probablement pour cela qu'il est fait davantage allusion dans ce texte à Rome et aux dispenses en Acadie.
Note : selon les recherches de Patrice Berton et James P. Henry le mariage a eu lieu le : 28-02-1764
Mots-clés
// dispenses de consanguinité
// repartir : île
// Cherbourg
// sauvage
// mythe de la déportation : à cause de la religion
Numéro de document
001531