Document : 1775-03-02b

Références / localisation du document

Clarence-Joseph d'Entremont, "Documents inédits de la famille Mius d'Entremont d'Acadie", Mémoires de la société généalogique canadienne-française, XIX-XX, 97-100 (1968-1969) : n°97 : pp. 143-166 ; n°98 : pp. 216-233 ; n°99 : pp. 19-46 ; n°100 : pp. 67-78. # 1436 // Jean-François Mouhot, "Des « Revenantes » ? A propos des « Lettres fantômes » et de la correspondance entre exilés acadiens (1758-1785)", Acadiensis. Journal of the History of the Atlantic Region - Revue d'Histoire de la région Atlantique, XXXIV, 1 (Automne 2004) : pp. 96-115. # 1476

Date(s)

1775-03-02b

Auteur ou organisme producteur

Joseph Landry, fils de Pierre et de Marguerite d'Entremont, acadien de Cherbourg

Destinataire

son cousin Joseph d'Entremont, le 2 mars 1775 (acadien)

Résumé et contenu

Joseph Landry, fils de Pierre et de Marguerite d'Entremont, de Cherbourg, à son cousin Joseph d'Entremont, le 2 mars 1775 (n° 14)

Donne des nouvelles de sa santé (mauvaise) et de celle de sa famille (idem).
Regret de son pays, éloignement des parents et amis. Heureusement, le pain est un peu moins cher (depuis 7 ans famine en France). Pain = 2 sols au lieu de 4 sols la livre.
Nouvelles de la Cour et du Roi, espère que les affaires seront mieux conduites que sous Louis XV. Traité d'alliance avec les royaumes d'Espagne, Portugal, Empereur, Roi de Sardaigne.

"Prenez courage et paitaitez [" patientez " ou " peut-être "] avec la longueur du temps reverriez vous quelqu'un de vos chers parents."
Ensuite un passage très intéressant sur l'établissement du Poitou :
"Je vous marquais dans la lettre de votre chère mère que les Acadiens allaient avoir une décision en France. Elle a été revue (?) [Elle est arrivée ?]. Ils les ont menés sur des terres pour [les] établir. Ils les ont menés à 30 lieues de La Rochelle dans les terres du Poitou. Ils [en ont] amenés 2 à 3000. Ils nous ont fait la proposition à nous les premiers, à la famille des d'Entremont et des Landry dont nous l'avons tous refusée hormis mon bagnu [?] qui en a pris le parti. Il est mort et un de ses garçon âgé de 20 ans. Nous leur avons dit que nous n'étions point des terriens et que nos ancêtres n'avaient jamais gratté la terre et que nous aimions autant mourir ici comme à mourir là. "Eh bien vous n'aurez plus de paye passé le 1er de janvier" et ils nous ont payé et ils ne nous ont rien dit et nous ne savons pas si nous toucherons cette paye à l'avenir mais notre espérance est que s'ils ne nous donnent plus rien que nous ayons notre congé.

Suivent des nouvelles de la famille élargie. Des lettres se sont perdues. Lamentation sur l'état de la religion en France (passage peu clair) ? Parle de la "consolation que nous désirons tous", sans plus de précision (se réunir ?). Suit une série de salutations adressées à plusieurs personnes nommées.

Il termine en disant : "Votre chère mère nous dit que vous êtes logés à l'île de Grave et que les Anglais ont pris toutes les anciennes habitations que vous n'êtes pas logés dessus. Mandez nous cela et combien qu'il y a de Français établis dans tout le Cap Sable."

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Mon très cher et très honoré cousin.

Celle-ci est pour avoir l'honneur de m'informer de l'état de votre santé et de tout ce qui vous regarde. Je prie le seigneur qu'il vous conserve vous et toute votre chère et aimable famille en bonne et parfaite santé. C'est ce que je vous souhaite de tout mon c?ur aussi bien qu'à toute la chère et aimable famille à qui je souhaite tout les biens et rosée du ciel et de la terre. Pour la mienne, je suis toujours sur un lit de souffrance à tirer les larmes des yeux de tout le monde. Mon pauvre corps est couvert d'infirmités dedans et dehors. Enfin mon très cher cousin je ne puis mourir et je ne puis vivre. Ma chère mère et mes frères sont toujours convalescents, un jour debout, deux jours sur un lit de douleur, mais puisque telle est la volonté de Dieu que sa volonté soit faite et non pas la nôtre.
Ah, cher cousin, tristes ces jours que nous faisons en ce pays ici, vivre et mourir dans le chagrin, se voir si éloigné de son pays et de tous ses chers parents et amis et de n'être pas très bien. Mais cependant depuis un an le pain est à meilleur convention qu'il n'a été par le passé car il y a sept ans que la famine est en France. Le pain y valait 4 sols la livre et à présent il ne vaut plus que 2 sols la livre.
Je vous dirai que le Roi de France est mort du 10 du mois de mai passé. La Reine et le Dauphin sont morts aussi, c'est le petit fils de Louis XV qui est monté sur le trône qui est marié à la fille de la Reine de Hongrie. Il est âgé de 20 ans dont tout le monde dit qu'ils n'ont jamais vu un roi si remplis d'intelligence et de sagesse comme ce Roi là. Tout le monde espère que la France sera mieux conduite à l'avenir qu'elle l'a été par le passé et qu'elle ne sera pas trahie et vendue comme elle l'a été par le passé. La France a tous les royaumes chrétiens alliés avec elle. La France, l'Espagne, le Portugal, l'Empereur, le Roi de Sardaigne. Qui va [en] guerre avec un l'aura [la guerre] avec tous les 5. Mais pour le présent tout est en bonne paix, je ne vous en dis pas plus à cette occasion là.
Prenez courage et paitaitez [" patientez " ou " peut-être "] avec la longueur du temps reverriez vous quelqu'un de vos chers parents. Je vous marquais dans la lettre de votre chère mère que les Acadiens allaient avoir une décision en France. Elle a été revue (?) [Elle est arrivée ?]. Ils les ont menés sur des terres pour [les] établir. Ils les ont menés à 30 lieues de La Rochelle dans les terres du Poitou. Ils [en ont] amenés 2 à 3000. Ils nous ont fait la proposition à nous les premiers, à la famille des d'Entremont et des Landry dont nous l'avons tous refusée hormis mon bagnu [?] qui en a pris le parti. Il est mort et un de ses garçon âgé de 20 ans. Nous leur avons dit que nous n'étions point des terriens et que nos ancêtres n'avaient jamais gratté la terre et que nous aimions autant mourir ici comme à mourir là. " Eh bien vous n'aurez plus de paye passé le 1er de janvier " et ils nous ont payé et ils ne nous ont rien dit et nous ne savons pas si nous toucherons cette paye à l'avenir mais notre espérance est que s'ils ne nous donnent plus rien que nous ayons notre congé.

Il n'y a point eu aucun mort parmi nous depuis que je vous ai écrit. Je n'ai point reçu toutes les lettres que vous nous avez écrites. Nous en avons reçu deux, une en date du 4 mars et l'autre du 7 de mars. Les autres nous ne les avons point reçues nous sommes bien mortifiés qu'elles ne nous soient pas parvenues. Mon cher et aimable cousin que je loue votre sort et encore plus celui de vos chers enfants pour le salut de leurs âmes que nan [?] pas parmi [?] un monde car si vous entendiez et voyiez tout ce que j'entends et vois vous gémiriez et [vous] enfermeriez en vous-même. Mais me direz-vous ils ont les prêtres, la messe, les intrusions toujours [ou tous les jours] devant les yeux mais je vous dis qu'il n'y a rien de pire qu'un sourd qui ne veut point entendre et quand on ne veut point voir la lumière on ferme les yeux et l'on ne la voit plus. Ah, tristes ces jours pour le salut des âmes de la jeunesse que ce pays ici.
Enfin, mon cher aimable cousin, prenons courage et patience et mitont [méditons ?] le saint homme Job sur son fumier et peut-être qu'un jour Dieu aura pitié de nous et peut-être nous donnera-t-il la consolation que nous désirons tous ? Enfin, mon cher cousin, autres choses ne puis vous mander pour le présent sinon les larmes aux yeux les sanglots au c?ur. Je vous embrasse vous et tous mes chers parents en général, mille et million de fois et je vous suis et vous serai jusqu'au dernier soupir de ma vie votre fidèle cousin.

Joseph Landry
J'embrasse mille fois ma chère tante et l'assure de mes très humbles respects. J'embrasse votre chère épouse et toute votre famille. J'embrasse tous en général tous mes chers et aimables cousins et cousines millions de fois. Ma chère mère, mes chers frères et s?urs vous embrassent votre chère mère, frère et s?ur million de fois de tout leur c?ur. Nos compliments à Jacques Amirault, à son épouse et à tous ses chers enfants que nous embrassons tous millions de fois. Nos compliments à Charles Amirault et à son épouse et à toute sa chère famille que nous embrassons. Nos compliments à tous les Dasit en général que nous embrassons de tout notre c?ur.

De Cherbourg, ce 2 mars 1775.

Votre chère mère nous dit que vous êtes logés à l'île de Grave et que les Anglais ont pris toutes les anciennes habitations que vous n'êtes pas logés dessus. Mandez nous cela et combien qu'il y a de Français établis dans tout le Cap Sable. Votre cousin Pierre d'Entremont vous embrasse vous, votre épouse et tous ses cousins et cousines en général de tout son c?ur.

Notes

// voir les notes complémentaires de "Revenantes. Article Acadiensis Dec.2003.Final.doc"

Mots-clés

// Acadiensis
// signification des 6 sous
// repartir
// Poitou
// secours
// nouvelles de la Cour
// nostalgie
// glèbe
// congé (pour repartir)
// Cherbourg
// Poitou

Numéro de document

001543