Document : 1778-01-00

Références / localisation du document

MAE, Mémoire et documents, Angleterre, 47, f° 18-28, pièce 7

Date(s)

1778-01-00

Auteur ou organisme producteur

Administrateur ou ministre de la marine [Lemoyne ? // Coster ?]

Résumé et contenu

Visite d'une deuxième (ou première ou troisième) députation d'Acadiens à Versailles ? Visites peut-être assez régulières (cf. notes)
Cette députation est minoritaire (seule une minorité des familles acadiennes, qui veulent aller en Acadie ou en Louisiane, l'a mandaté, selon le rapport. Le but est d'obtenir le rétablissement de la solde et elle vise aussi à refuser l'établissement en Corse). Protestation des autres familles qui veulent aller en Corse et qui font avertir le directeur des colonies de Corse.
Selon le rapport, la députation irrégulière (demandant donc le passage en Louisiane) n'est composé que d'un acadien n'ayant jamais pris part aux affaires de la nation (ce qui sous-entendrait que les leaders ne sont pas du côté de ceux qui veulent partir en Louisiane, mais cette affirmation est bien entendu probablement fausse).

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source : mémoire de juin 1778

(...) Tandis que le gouvernement s'occupait à Fontainebleau des moyens de rendre les Acadiens heureux [nov. 1777], il s'élevait de la division parmi eux, quelques jeunes gens excités par deux ou trois Français qui ont épousé des filles acadiennes, échauffés par l'espérance que les affaires qui agitent aujourd'hui l'amérique pourraient les faire rentrer en Acadie, et animés aussi par quelques Acadiens en crédit parmi eux qui préféraient la Louisiane à la Corse, cherchaient à détourner leurs frères de l'établissement en Corse qu'ils avaient accepté, et ils étaient parvenus à attirer dans leur parti 60 ou 80 chefs de famille qu'ils avaient déterminés à nommer sans le concours général de la nation, deux députés qui se rendirent à Versailles.
Les gens sensés parmi les Acadiens, ceux en qui la nation montre de la confiance, et qui la méritent par leur sagesse et par leurs connaissances furent alarmées de ces mouvements qui formaient une espèce de schisme dans la nation, et ils en firent voir le danger. Tout ceux qui n'avait pris aucune part à cette nouvelle députation ou qui s'y était opposé [en marge : ceux ci sont ..[tronqué] seulement...[tronqué] 200 familles] fit [sic] écrire au S. de Trelliard, directeur des colonies de Corse, pour le prier de prévenir le tort que pouvait leur faire dans l'esprit du ministère une députation que la plus saine et la plus nombreuse partie de la nation désavouait, et contre laquelle elle protestait. Cette lettre était signée par les notables que la nation avait choisis elle même pour traiter en son nom avec le directeur des colonies de Corse des conditions de son établissement dans cette île. Celui ci rendit compte à M. le directeur général des Finances du désaveu et de la protestation du plus grand nombre contre la députation.

Cette députation irrégulière était composée d'un Acadien, homme simple, très borné, qui n'avait jamais eu de part dans le maniement des affaires de sa nation, et d'un espagnol plus borné encore que son collègue, homme facile à persuader et à échauffer. Ce choix est lui même une preuve de l'esprit de parti qui l'a fait faire et de l'incapacité de ceux qui l'ont fait, car les Acadiens ont parmi eux des gens adroits, entendus, sages, intelligents, accoutumés à manier les affaires de la nation. C'aurait été ceux là qu'elle aurait députés si la députation eut été l'effet d'un consentement unanime. (... suit le passage sur le 9 novembre 1770, cf. la fiche à cette date)
La commission des derniers députés n'avait que deux objets. Le premier de remontrer la misère de la nation, et de solliciter le payement des arrérages de la solde. ce premier point était à vrai dire le voeux général de la nation, aussi bien que celui du petit nombre qui députait. Le second était de représenter que les Acadiens qui craignaient le climat, le mauvais air, et les habitants de la Corse, suppliaient d'être dégagés du consentement qu'ils avaient donné à leur établissement dans cette île sous prétexte que la crainte de prendre leur solde leur avait seule fait donner ce consentement. Ce dernier article ne fut dicté que par les 60 ou 80 familles qui députaient, et ce fut contre les conséquences qui pouvaient suivre une pareille démarche que la plus saine et la plus nombreuse partie des Acadiens protesta.
il faut observer ici que les députés ne connurent pas même les bornes de leur pouvoir. Il leur fut fait des propositions moyennant lesquelles les Acadiens seraient dégagés de leur acquiescement à l'établissement de Corse. Ils y donnèrent leur consentement et se chargèrent de les porter et faire accepter à leurs compatriotes quoique leurs pouvoirs ne s'étendissent pas jusques là. Ces conditions portaient :

1° La perte des arrérages de la solde dont ils venaient solliciter le paiement
2° Que le gouv. ne se chargerait pas des dettes contractées par les individus de la nation sous l'autorité et une espèce de garantie des intendants.
3° Qu'à l'avenir la solde de 6 s. par jour par individu serait réduite à 3s. et pour années seulement.
4° Que pendant le cours de ces deux années chaque chef de famille indiquerait le lieu ou la province du Royaume qu'il choisirait pour s'y fixer, et que ce choix fait la famille serait aidée d'une somme quelconque proportionnée à la quantité d'invidius dont elle serait composée et à la somme qu'elle aurait reçue sur les deux années de solde à raison de 3 s. par jour.
Le second article de ces propositions entrainait des inconvénients que l'inéxpérience des députés ne leur permit pas d'appercevoir. Ils ne considérèrent pas que les dettes des Acadiens sont des propriétés qui appartiennent à leur créanciers et que par conséquent ni eux députés, ni la nation entière des Acadiens ne pouvaient transiger sur la créance sans le consentement des propriétaires de cette créance, que n'étant possesseurs d'aucun effet qui puisse assurer le payement de leurs dettes, ils soumettaient les personnes des débiteurs de la nation à la contrainte par corps que leurs créanciers pouvaient exercer sur eux, et enfin qu'ils ouvraient la porte aux réclamations des créanciers contre le gouv. pour le payement de fournitures faites sous une espère de garantie de M. les intendants.
M. le dir. gal apperçut l'insuffisance du consentement des députés pour donner quelque solidité aux conditions qu'il venait d'établir avec eux. Ils avaient avoué eux mêmes qu'ils n'étaient députés que par 60 ou 80 familles sur près de 300 qui se trouvent à Nantes, et ils n'avaient montré aucune marque de leur mission. M. Necker senti la nécessité du consentement de chaque chef de famille dans une affaire aussi importante. Il avait promis d'abord aux députés de leur donner ces conditions par écrit afin qu'ils fissent ratifier par la nation l'acceptation qu'ils en avaient faite. Il changea de sentiment et renvoya la députation avec promesse de faire présenter dans peu [sic] les mêmes conditions à la nation ; mais la facilité qu'il avait trouvée dans les députés, l'avait ramené à son premier projet que le rapport du 10 novembre l'avait persuadé qu'il était de sa justice d'abandonner et il revint à en croire l'exécution possible et convenable. Ce projet était précisément le même dont on vient de voir le détail dans les 4 articles acceptés par les députés.
En conséquence M. le directeur général a donné [commission ?] à M. de la Borde intendant de Bretagne de faire proposer aux Acadiens qui sont dans son département les conditions que l'on vient de voir. On ignore quelles ont été les instructions données pour cette opération à M. de la Borde, qui a chargé des subdélégués de la besogne. On ignore également comment ces propositions ont été présentées et reçues ; on présume seulement qu'elles ont causé beaucoup d'inquiétudes et de mouvement parmi les Acadiens et on a lieu de le présumer parce que l'on voit que depuis plus de 4 mois que ces propositions leurs sont faites il ne parait pas qu'ils aient pris aucun parti, par ce qu'on sait qu'ils ont souvent varié dans leurs projets que tantôt ils ont demandé d'aller s'établir à la Louisiane et que tantôt ils ont préfére les Etats Unis de l'Amérique, que quelques uns nous ont demandé de retourner en Poitou, que d'autres persisent dans la volonté de s'établir en Corse, et que le subdélégué de Nantes qui a cru la Corse exceptée des Provinces du Royaume où on a laissé le choix aux Acadiens de s'établir n'a pas crû jusqu'à présent devoir admettre le choix qu'ils faisaient de cette île. Il vient d'avoir ordre de l'accepter.

On ne peut se refuser à une reflexion qui a souvent été faite dans tous le cours de cette affaire et qui est amenée ici naturellement par tout ce qui vient d'être exposé, c'est que supposé que les Acadiens aient un droit réel et fondé comme il l'est en effet (et comme le rapport du 10 novembre 1777 en avait convaincu M. le directeur général) à un établissement en fonds de terre dans le Royaume et à une solde de subsistance de 6 sous par jour jusqu'à ce qu'ils jouissent de cet établissement, ce droit quoiqu'on puisse faire pour l'abolir, ne peut l'être que par une renonciation expresse et formelle de chaque chef de famille pour les individus qui la composent.
D'après ce principe, la renonciation des députés n'a pu emporter que celle des 60 ou 80 familles desquelles ils disaient avoir commission, encore fallait-il s'assurer que la commission portait expressement le pouvoir de renoncer pour elles. Faute de cette condition tout ce qu'ils ont fait ne peut être que nul pour les familles qui les ont députés. Ils n'ont donc pas pu renoncer pour toute la nation composée d'environ 326 familles dont à peu près 450 ont ignoré leur députation, s'y sont opposé ou l'ont désavouée.

Il résulte donc que les Acadiens peuvent bien être dispersés et obligés de ceder au temps et à l'autorité, mais que chaque individu ou chaque famille de cette nation ne peut perdre le droit de recourir à la justice et à la clémence du Roy pour réclamer l'exécution de la promesse qui leur a été faite et dont le gouvernement a constamment reconnu et rempli l'obligation et la justice pendant plus de 14 ans.

Notes

// date fictive. La visite de la députation semble avoir eu lieu entre la réunion du conseil de novembre 1777 et est évidemment antérieure au rapport de juin 1778 qui la rapporte.

// le rapport de 1782 [@ 366] mentionne ceci : "Chaque trois mois il arrivait deux ou trois chefs de famille qui venaient au nom de tous réclamer la justice et la bonté du Roi. Toutes les personnes de la famille royale recevaient et recommandaient leurs mémoires."

Mots-clés

// repartir : Acadie, Louisiane, Corse
// visite
// chrono
// secours
// leaders
// protecteurs
// hésitation

Numéro de document

001594