Document : 1772-10-08a
Références / localisation du document
BM Bordeaux, MS 1480, f°147-151// f° 84-86
Date(s)
1772-10-08a
Auteur ou organisme producteur
Lemoyne
Destinataire
de Boynes
Résumé et contenu
Lemoyne à de Boynes. Compte-rendu de son entretien avec Bertin.
A rencontré Bertin le 2. Lui a remis le rôle des familles acadiennes dont L. a déjà remis l'original le 30 juillet à de Boynes. Ne lui a pas donné celui des "faux acadiens". Les secours aux familles réfugiées a été pris sur les fonds de la marine. Bertin s'est montré surpris et a dit que la finance payerait, même si elle n'avait pas de fonds.
Discussion ensuite sur les moyens d'attacher les Acadiens à la glèbe.
Impossibilité du Roi de faire la dépense au total, il faut que des capitalistes aident. Très grande difficulté à affermer des terres du domaine, selon Bertin. Proposition de SV lui paraît plus avantageuse.
Autre proposition : trouver des capitalistes propriétaires à qui on pourrait donner des familles. Attention cependant à ce que le but du gouvernement = "ce but doit être la certitude d'une existence vraiment propriétaire", soit respecté. Il a envoyé Le Loutre visiter des terres.
Autre idée de Lemoyne : assèchement de marais.
L. a également dit qu'il fallait faire attention à la cupidité des propriétaires (expérience avec les Allemands) et qu'il fallait que l'État soit arbitre pour éviter les abus.
Enfin, de toute façon, il faudra faire attention aux infirmes qui ne peuvent s'établir.
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Copie du mémoire envoyé à M. de Boynes ministre de la marine par M. le Moyne le 8 octobre 1772
Monseigneur,
Je dois vous rendre compte de la conduite que j'ai tenu vis à vis M. Bertin et de l'entretien que j'ai eu l'honneur d'avoir avec lui le 2 de ce mois.
En conséquence de vos ordres, je lui ai donné copie du rôle des familles vraiment acadiennes dont je vous ai remis l'original à Paris le 30 du mois dernier. Je ne lui ai point donné celui des individus qui pour des raisons particulières et des ordres avaient été employés pour sa subsistance sur les rôles des acadiens dans les différents quartiers où ils résident. J'ai, M., quant à ceux ci l'honneur de vous observer qu'il faut des ordres pour rayer ceux auxquels cette grâce sera retranchée et qu'ils seront payés jusqu'au moment que vous les ferez passer aux officiers d'administration auxquels vous avez confié celle des familles acadiennes.
Les Acadiens, M., ont besoin de toute votre protection ; votre générosité et votre humanité assurent vos bontés ; jusqu'à ce que des arrangements certains leur donnent une existance non douteuse.
Il n'est pas croyable que l'objet plus saisi qu'il ne l'a été jusqu'à présent, la finance se refuse aux fonds qui seront nécessaires pour établir les familles et même qu'elle ne rembourse la dépense que les ministres de la marine, pour les secourir, ont été forcés de prendre sur des fonds qui avaient une toute autre destination.
La dépense qu'elles ont occasionné a été jusqu'à présent prise absolument sur des fonds destinés aux colonies, de 1765 à 1770 compris, que j'ai eu particulièrement le détail des fonds des colonies à Rochefort, sous les ordres de l'intendant, je n'ai connaissance d'aucun fonds faits pour cet objet et qui doit fonder une répétition de plusieurs millions, si l'on compte depuis leur arrivée en France.
Entretenant M. Bertin de la charge dont ces familles sont à l'Etat et des soins, on peut dire paternels, que les ministres de la marine leur ont donné, quoique (?) de prendre sur les fonds des colonies, la finance faisant toujours espérer des arrangements qu'elle n'a point encore réalisé, sa surprise se démontra par "quoi la finance n'a pas fait de fond !" [souligné dans le texte, et sans guillemets]. Je crus à cette exclamation devoir lui assurer ce que j'avais eu l'honneur de lui dire ce qui lui fit ajouter "il faudra cependant qu'elle y pourvoie autant qu'il sera nécessaire". Cela fit transition à la discussion des moyens les plus économiques à employer pour donner et assurer aux acadiens une existance qui put, dans un temps (?) à peu près fixé, permettre de les abandonner eux mêmes et de cesser les secours dont ils ne pourraient se passer à ce terme (?).
M. Bertin jugea ainsi que vous l'avez pensé M., qu'il fallait indispensablement les attacher à la glèbe, mais qu'il était impossible que le Roi fit la dépense en total des établissements, qu'il ne pouvait qu'aider et que les familles n'ayant de faculté que leurs bras, il était nécessaire de confier leur établissement à des capitalistes, qui par les grâces que le Roi leur accordait pourraient se dédommager des avances qu'ils pourraient faire.
L'emploi des moyens qui peuvent se tirer des terres tenantes aux domaines du Roi lui paru d'une très grande difficulté. Il me fit l'honneur de me dire qu'on pouvait obtenir avec quelque facilités des terres vagues et vaines non engagées, même des terres données à simple usage, mais que ce moyen qui n'était pas à négliger exigeait tant de fermes qu'il était à craindre que des particuliers ne voulussent pas le tenter.
Le moyen qui s'induit des propositions faites par M. de Saint-Victour gouverneur de Tulle fut celui qui lui parut le plus avantageux le moins dispendieux s'il pouvait être assez multiplié. Les intendants des généralités peuvent lui donner une grande étendue et il paraît dans l'intention de les exciter à le faire valoir.
Un autre moyen que ce ministre adopta quoiqu'il présente moins de facilité et des dépenses plus considérables, est celui de donner des familles à des capitalistes propriétaires qui ne manquent que des bras pour faire valoir les landes en friches susceptibles de bonnes cultures, qu'ils ont dans leurs domaines, en arrêtant avec ces propriétaires des conditions qui assurent le but que le ministère se propose : ce but doit être la certitude d'une existance vraiment propriétaire, pour les familles et celle que l'Etat déchargé après un certain temps des secours qu'il ne peut refuser aujourd'hui à ce peuple méritant.
C'est dans la vue de l'exécution de ce moyen qu'il a donné des ordres à l'abbé Le Loutre d'aller visiter plusieurs terrains.
Il est encore un moyen que j'ai eu l'honneur de proposer à ce ministre, c'est de faire revivre les entreprises de quelques déssechements abandonnés ; particulièrement celui des marais du Roi près Rochefort et d'accorder des grâces si l'on assortissait à l'entreprise des acadiens auxquels pour prix de leurs travaux on accorderait en propriété des terres déssechées. Outre l'avantage d'une culture immense qu'on retirerait de ce dessechement, les paties de la Saintonge et de l'aunis (?) qui avoisinnent ce marais Rochefort même y gagnerait de la salubrité.
J'ai cru devoir observer sur ce moyen ainsi que sur tous ceux dont on fera usage, qu'il sera essentiel de se mettre en garde contre la cupiditié des propriétaires qu'il avait été tenté pour des familles allemandes qui avaient été cruellement trompées et que pour la surêté des propriétaires et des familles il fallait que le gouvernement présidat aux stipulations qui établiraient les engagements réciproques même qu'il les fixa.
Quelque moyen que l'on emploie pour établir solidement les familles il est monseigneur des individus qui ne pourront se passer des secours que le Roi leur accorde aujourd'hui. Ce sont ceux qui à cause de leur infirmités et de leur grand âge ne peuvent se procurer la subsistance par le travail ; le nombre depuis 10 ans qu'on projette les opérations qu'on se propose d'éxecuter aujourd'hui, s'en est acrû, et plus on tardera, plus il croîtra, ces pauvres gens, M., auront grand besoin de votre protection et de vos bontés.
Je suis avec un très profond respect, etc...
Lemoyne
Mots-clés
// glèbe
// secours
// domaine
// Saint-Victour
Numéro de document
000135