Document : 1763-03-07b
Références / localisation du document
BM Tonnerre G 24 // ADIV, 5 J 140
Date(s)
1763-03-07b
Auteur ou organisme producteur
Denoux, administrateur de l'île de Bouin pour le duc de Nivernais
Destinataire
Madame La duchesse de Nivernais
Résumé et contenu
Il est impossible de faire passer les Acadiens à Bouin : île surpeuplée. En revanche, il ne faut pas que Nivernais perde son titre de protecteur.
Il sort de chez d'Eon [Chevalier d'Eon de Beaumont]. Admiration pour le patriotisme des Acadiens et la générosité de Nivernais. Il conçoit le plaisir de Nivernais d'accueillir des Acadiens dans l'île de Bouin, mais "l'exécution d'un projet aussi noble, aussi grand, aussi digne de lui est absolument impraticable. Votre île déjà trop chargée d'habitants ne peut recevoir dans son sein une colonie aussi nombreuse". Cependant, il ne faut pas laisser le duc "perdre le fruit de son heureuse découverte". Titre de protecteur = glorieux pour les protecteurs. Il a quelques idées, il va y réflechir cette nuit. Urgence de prévenir d'Eon avant qu'il ne prévienne les ministres.
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Madame,
Je sors de chez Mr D'Eon qui m'a pénétré d'une nouvelle admiration pour Monsieur le duc de Nivernais par le récit qu'il m'a fait de l'intention où ce seigneur était de procurer une retraite à un nombre d'Acadiens qui par une fidélité dont il y a peu d'exemple, ont mieux aimé s'exposer à toute l'horreur de la captivité sous le poids de laquelle ils gémissent depuis sept ans, plutôt que de renoncer à ce qu'ils doivent à leur Roi et à l'Etat auxquels ils sont attachés. J'avoue, Madame, à votre excellence, que dans cette circonstance je partage ma sensibilité entre des sujets aussi zélés et un protecteur aussi magnanime.
Je conçois, Madame, tout le plaisir qu'aura pu causer à Monsieur le duc l'idée qu'il a de [pouvoir ? - tous les mots entre crochets sont tronqués, donc devinés] recueillir dans votre île de Bouin les débris respectables d'un peuple qui a tout sacrifié au ... Mais qu'il en coûtera cher à son c?ur, quand il saura que l'exécution d'un projet aussi noble, aussi grand, aussi digne de lui est absolument impraticable. Votre île déjà trop chargée d'habitants ne peut recevoir dans son sein une colonie aussi nombreuse. J'en gémis véritablement avec vous, Madame. Permettez moi je vous en conjure cette association de sentiments.
Mais ce n'est pas ce dont il s'agit pour le moment. Il faut travailler à ne pas laisser perdre à Monsieur le duc le fruit de son heureuse découverte et à ne pas voir passer à d'autres l'honneur de sa réussite. Il m'est venu dans l'esprit plusieurs idées, que je ne puis encore trop rendre. Plaise à Dieu, que la nuit qui quelque fois est si bonne conseillère puisse développer en moi et suivant mes désirs le plan que je ne fais que commencer à former ; et qu'elle me fournisse la netteté, la précision et l'ordre nécessaires pour que demain matin je sois en état, Madame, de faire part à votre excellence de mes spéculations à cet égard que je serais heureux si pouvais conserver à Monsieur le duc le titre glorieux de protecteur et de père d'un nouveau peuple qui l'adorerait sans doute, et dont il ferait lui même ses plus chers délices.
Je supplie votre excellence, Madame, de faire passer à M. d'Eon l'incluse dès ce soir, si vous le jugez nécessaire ; car je craindrais qu'avant la visite dont vous devez l'honorer demain M. d'Eon n'eut peut-être déjà écrit soit à M. le duc de Choiseul, ou à Monsieur le duc de Praslin, soit à Monsieur le duc de Nivernais, que le projet de faire transporter les Acadiens dans votre île ne peut avoir lieu ainsi que je lui ai témoigné tout à l'heure. [7 mars 1763, signé Denoux]
Notes
G 24 : [à Madame La duchesse de Nivernais]
plusieurs points intéressants dans cette lettre : d'abord, idée de manque de bras = fausse (surpopulation est peut-être plus un problème ; problèmes de trop de main d'oeuvre, de trop de chômage, de pas assez de terres disponibles - la forêt n'a jamais été aussi réduite qu'alors) ; ensuite, ce qui motive ici visiblement le duc de Nivernais, et c'est ce qu'a bien compris Denoux, c'est l'honneur d'être protecteur d'un peuple aussi patriote.
vu à Tonnerre ; photographie de l'original
Mots-clés
// Bouin
Numéro de document
001621