Document : 1774-05-20b // 1784-08-29 // 1784-07-28
Références / localisation du document
BN, Joly de Fleury 1722, Commerce et Colonies, f° 187-191
Date(s)
1774-05-20b // 1784-08-29 // 1784-07-28
Auteur ou organisme producteur
Pérusse ?
Destinataire
Roi Louis XVI // C.G. Joly de Fleury
Résumé et contenu
Mémoire sur les Acadiens présenté au Roi aussitôt son avenement à la Couronne
[résumé du résumé : court historique (romancée) des raisons de la déportation : fidélité au Roi, refus de porter les armes, les Acadiens demandent à passer en France. Déportation après massacres : une partie capturée dans les bois ou île Saint-Jean passe en France en 1758 et 1759 ; une partie est envoyée prisonnier en Angleterre et repasse en 1763 à la paix. Le duc de Nivernais peut témoigner des promesses qui leur ont alors été faites, etc... Ils ont végété jusqu'en 1771 dans les ports [pas de mention d'autres projets, ni BIM, ni aucun autres, ni de L. commissaire général]. En 1771, proposition des Espagnols : ils demandent l'autorisation au Roi d'émigrer (il n'est pas précisé qu'il s'agit du mois de juillet ni de la visite d'une délégation ; la date est floue et n'est pas précisée : plutôt renvoi à la pétition) ; le Roi exprime son "mécontentement" et ordonne qu'on s'occupe des Acadiens. En 1773, on commence l'établissement du Poitou.
Une partie sur la perception des Acadiens suit : tous les témoignages des habitants concordent pour dire qu'ils sont purs, moeurs irréprochables etc...
suit un tableau des familles acadiennes avec une partie à mon avis complètement erronée : le tableau est divisé en quatre partie : A. famille descendant des premiers colons envoyés en 1625 par Louis XIV ; B. familles arrivées après ; C. et D. pas très clair. Catégorisation intéressante.
Quelques réflexions sur le fait que les Acadiens se reproduisent beaucoup = formeront une bonne population. Volonté implicite je pense de prouver que les Acadiens ne se livrent pas à la restriction volontaire qui fait d'ailleurs penser que l'auteur est probablement Pérusse (à comparer avec ses efforts précédents pour prouver les taux de reproduction des familles) (autre indice en faveur de la théorie que Pérusse est l'auteur : un brouillon dans ADV 2 J 22 + le fait que Pérusse ne mentionne pas Lemoyne).
Résumé :
Acadiens = peuple fidèle, etc... "débris d'un petit nombre de familles françaises que le Roi Louis XIV envoya en Acadie pour y établir une colonie". Prospérité de cette colonie. Traité d'Utrecht : Louis XIV a dû les abandonner. Eux ne sont passés sous la domination à condition que maintient de la religion et droit de ne pas porter les armes contre la France. Traité à renouveller tous les 15 ans. En 1755, on leur dit qu'il fallait fournir 600 hommes contre la France. Les chefs Acadiens refusent et demandent à rentrer en France. On les jette dans un cachot. Les troupes parcourent le pays pour menacer femmes et enfants. Menaces mises à exécution à cause de la fidélité de tous. Habitations saccagées, familles égorgées, fuite dans les bois vers ISJ et Canada. Certains tombés aux mains des Anglais sont renvoyés en France (1758 et 1759) ; les chefs de famille furent détenus dans les prisons d'Angleterre, ne sont rendus qu'en 1763 après démarches du duc de Nivernais. Renvoi à Nivernais pour plus de détails : "lui seul peut témoigner de leur attachement pour la France, des tentations (...) des difficultés infinies qu'il a eu à surmonter pour que l'Angleterre les rendit à la France et des promesses positives qui leur furent faites alors au nom du feu Roi de leur donner en France des établissements et des propriétés."
Solde de subsistance en attendant les établissements. Ils furent "répandus sur les cotes" et ont attendu jusqu'en 1771. Sollicitation alors par les Espagnols (Sierra Morena et "colonies" - sans préciser Louisiane). Ils auraient pu y passer : le ministère français faisait alors "peu de cas de ce peuple infortuné" (plus loin : "oubli total des promesses qui leur avaient été faites"). Mais les Acadiens ne voulaient pas partir sans permission : en 1772, demandent au Roi l'agrément pour l'Espagne et un passeport :
"Ce fut donc à cette époque que le feu Roi parut mécontent de ce qu'on était encore à remplir les promesses qu'il avait permis qu'on leur fit en son nom et à exécuter les ordres qu'il avait donné en leur faveur ; et d'après le mécontement qu'il en témoigna à ses ministres on commença en 1773 l'établissement qui se fait pour eux en Poitou."
Perception : Acadiens dans les ports = connus de tous les habitants : témoignages avantageux de toute part (probité, moeurs, fidélité au Roi). Description physique des Acadiens : Hommes = forts, parfois grande taille, laborieux, etc... Si peut-être actuellement se sont un peu laissé aller, pas de doutes que cela va changer. Ils peuvent se suffire à eux mêmes ; Femmes : presques égales en force et industrie ; robustes, etc... ; elles sont toutes plus ou moins couturières, parfois très bonnes.
Etat des familles restantes : 679 familles (détails).
[explication ensuite du tableau ci-dessous] : Selon la tradition, envoi par Louis XIV de 25 familles : ce sont leurs descendants qui forment le premier groupe de l'état ci-dessous (1747 individus). Second convoi = il ne reste que 104 familles [erreur flagrante, mais intéressant : catégorisation complétement fantaisiste à mon avis]. Troisième et quatrième groupes : arrivés après, un groupe de familles isolées, l'autre de familles de l'île Saint-Jean. + famille d'Entremont.
Conclusion : les Acadiens "promettent une population très abondante pour des temps plus heureux" - naissance de 1154 individus depuis l'arrivée en France.
De tout ce que dessus on peut présumer qu'en général les familles acadiennes promettent une population très abondante pour des temps plus heureux puisque dans ceux de leur émigration et de leurs malheurs, elle a été aussi considérable et que de leur nombre total de 2542 existant en 1773 il est né 1154 individus depuis leur arrivée en France jusqu'à cette époque.
Suit un "état par ordre alphabétique des noms de toutes les familles acadiennes actuellement existantes dans le Royaume. Le dit état divisé en 4 classes dans la forme suivante" : [suit un tableau à 3 colonnes : A. Noms des familles acadiennes ; B. Nombre des familles ; C. Nombre des individus]
cf. fiche @ 1648
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Mémoire sur les Acadiens présenté au Roi aussitôt son avènement à la Couronne
Ce peuple toujours fidèle à la France, duquel il n'existe plus aujourd'hui qu'environ deux mille cinq à six cent individus, est le débris d'un petit nombre de familles françaises que le Roi Louis XIV envoya en Acadie pour y établir une colonie. La fertilité du terrain répondit et récompensa leurs travaux. Cet établissement devint bientôt très considérable, la population s'est accrue immensément depuis.
Les contrariétés qu'ont éprouvé les armées [ou les armes] de Louis XIV vers la fin de son règne obligèrent ce monarque d'abandonner l'Acadie aux Anglais, et de consentir même que les colons qu'il y avait envoyé pussent y rester. Ils eurent dans ce temps là beaucoup de répugnance à se résoudre à quitter leur premier et véritable souverain et ils ne se prêtèrent à continuer leurs travaux en Acadie que sous la condition expresse dont il fut alors passé un traité particulier entre eux et les ministères de la Reine Anne d'Angleterre, par lequel il fut stipulé qu'outre l'exercice de la Religion catholique Romaine qui leur était conservé on ne pourrait jamais exiger d'eux de porter les armes contre la France leur patrie, que ce traité serait renouvelé tous les 15 ans et que dans le cas de son inexécution, il seraient toujours libres de rentrer en France.
Ce traité fut effectivement plusieurs fois renouvelé jusqu'en 1755 que le général anglais ayant fait assembler les chefs de famille pour la rénovation de ce même traité leur déclara que l'Angleterre ne voulait plus avoir de sujets qui gardassent la neutralité contre ses ennemis ; que non seulement cette clause serait supprimée de celui qu'ils allaient faire mais même qu'on en exigeait qu'ils fournissent dans le même moment une milice de six cent hommes dont on avait besoin pour faire la guerre. Sur le refus que firent les chefs de familles de se soumettre à cette infraction de leur ancien traité et la demande qu'ils firent d'être ramenés en France, ils furent tous jetés dans des cachots et on envoya ensuite des troupes anglaises dans le pays pour y menacer les vieillards, les femmes et les enfants, de piller, brûler et massacrer tout, s'ils ne consentaient au nouveau traité qu'on avait voulu faire signer à leurs députés, mais leur constante fidélité pour la France leur ancienne patrie contre laquelle ils ne pouvaient se résoudre à porter les armes, leur ayant fait braver les menaces des anglais ils les mirent à exécution, plusieurs habitations furent saccagées et brûlées, nombre de familles égorgées, et le surplus se sauva dans les bois. Les uns gagnèrent l'île Saint-Jean et le Canada, d'autres tombèrent entre les mains des Anglais et furent après beaucoup de traitements durs et cruels renvoyés en France, où les uns ont débarqués dans différents ports en 1758, d'autres en 1759, et les chefs de famille détenus dans les prisons d'Angleterre depuis 1755 n'ont été rendus qu'en 1763 lorsque M. Le duc de Nivernais les réclama comme prisonniers de guerre français. Ce ministre, chargé alors de traiter de la paix entre les deux couronnes est plus à portée que personne de rendre un compte détaillé de tous ce qui regarde les Acadiens jusqu'à cette époque : lui seul peut témoigner de leur attachement pour la France, des tentations de tous genres auxquels cet attachement a résisté, des difficultés infinies qu'il a eu à surmonter pour que l'Angleterre les rendit à la France et des promesses positives qui leur furent faites alors au nom du feu Roi de leur donner en France des établissements et des propriétés.
Sa Majesté voulut bien dès l'instant de leur arrivée sur les terres de sa domination leur accorder une solde de subsistance en attendant qu'il eût été pourvu aux établissements qui devaient leur être donnés dans le Royaume et qu'elle leur avait fait promettre de la façon la plus solennelle. Ils furent répandus sur les côtes de Normandie, de Bretagne, d'Aunis et de Guyenne, où ils en ont attendu l'effet jusqu'en 1771 que les Espagnols les ayant sollicités d'accepter des établissements très avantageux tant dans leurs colonies qu'à la Sierra Morena [souligné dans le texte], Province du Royaume d'Andalousie où ils auraient assurément pu passer en grande partie, sans que le ministère se fut alors occupé d'y mettre obstacle par le peu de cas qu'il semblait faire de ce peuple infortuné, mais son attachement à la France et nommément [?] aux Augustes souverains qui la gouvernent ne lui permettant pas de s'en éloigner sans être assuré qu'on ne voulait pas décidément l'y établir le mit dans le cas en 1772 depuis l'oubli total qu'on avait fait de l'inexécution des promesses du feu Roi pour son établissement, de lui faire demander enfin son agrément pour accepter les propositions des Espagnols et un passeport en conséquence au cas qu'il ne juge pas à propos de l'établir.
Ce fut donc à cette époque que le feu Roi parut mécontent de ce qu'on était encore à remplir les promesses qu'il avait permis qu'on leur fit en son nom et à exécuter les ordres qu'il avait donné en leur faveur ; et d'après le mécontentement qu'il en témoigna à ses ministres on commença en 1773 l'établissement qui se fait pour eux en Poitou.
Le long séjour qu'ils ont fait dans différentes villes maritimes les a mis à portée d'être connus de tous les habitants et les témoignages avantageux qui en viennent de toute part ne laissent aucun doute sur leur extrême probité, leurs moeurs et leur fidélité au Roi. [un passage barré dans le brouillon à la suite de Roi : et leur attachement à l'exacte observance de la religion. Il y en a présentement 1,500 rassemblés en Poitou, de la conduite desquels on ne peut dire que des choses avantageuses. Il serait même à désirer que leur exemple fut suivi en toutes choses par les autres habitants du pays, qui déjà les estiment assez pour faire journellement avec eux des mariages qui ne peuvent que cimenter leur union.]
Quant au physique, ce peuple est tel qu'on peut le désirer : tous les hommes sont en général forts, robustes et parfaitement bien constitués ; quelques uns sont d'une assez grande taille, mais généralement de 5 pieds 3 à 4 pouces. Ils sont naturellement laborieux et très industrieux, et si leurs malheurs et les circonstances qui les ont suivi ont engourdi leur activité, on ne doit pas douter qu'ils ne la reprennent aussitôt qu'on emploiera les moyens qu'on a négligé si longtemps pour la leur conserver ; ils sont en état de se suffire à eux mêmes en quelque sorte pour tout ce qui leur est utile.
Les femmes leur sont presque égales en force et en industrie, elles sont dans le général toutes grandes, robustes, laborieuses et très fécondes. Le tableau ci-après prouve cette vérité avec évidence ; elles imitent leurs maris dans les travaux particuliers à leur sexe étant toutes ou au moins la majeure partie en état de filer la laine et le fil, de faire les toiles et les étoffes, de couper et de faire tous les vêtements d'hommes et de femmes nécessaires dans leur famille, ainsi que de tricoter, broder et coudre, ce que quelques unes d'elles font supérieurement bien.
D'après le tableau qui vient d'être annoncé de l'état des familles qu'il précédera, il résulte qu'en 1773 il existait encore des restes de ce peuple émigré 679 familles dont 366 avaient pères et mères existants, 26 seulement n'avaient que leurs pères veufs et 120 leurs mères veuves ; enfin, il existait alors 167 familles réduites à un ou deux individus orphelins.
Il parait par la tradition perpétuée parmi les Acadiens que le premier envoi des colons français que fit Louis XIV en Acadie ne fut que de 25 familles qui sont le premier article de l'état ci-après, lequel offre une idée bien avantageuse de leur population car de ces mêmes 25 familles il en existe aujourd'hui 436 formant un total de 1747 individus.
Le second envoi fut encore de 25 autres familles qui ont éprouvé plus cruellement que les autres les malheurs de la guerre et celui des maladies depuis leur arrivée en France ; celles là n'offrent à présent que 104 familles et un total de 343 individus.
Le surplus est venu s'y établir successivement. On le divise cependant en deux classes, l'une qui annonce une sorte d'augmentation dans le nombre des familles, et l'autre qui ne contient que celles isolées dont une partie ne sont pas proprement acadiennes mais formées d'habitants de l'île Saint-Jean qui ont épousés des Acadiennes et qui ne méritent pas moins que les autres les grâces du Roi.
On ne doit pas omettre ici de parler de la famille d'Entremont qui mérite des égards particuliers. Elle est noble d'extraction et possédait des biens considérables en Acadie. Elle a donné des preuves dans tous les temps de son zèle et de son attachement pour le service du Roi. C'est une des familles qui a éprouvé plus de diminution par les maladies depuis son séjour en France.
De tout ce que dessus on peut présumer qu'en général les familles acadiennes promettent une population très abondante pour des temps plus heureux puisque dans ceux de leur émigration et de leurs malheurs, elle a été aussi considérable et que de leur nombre total de 2542 existant en 1773 il est né 1154 individus depuis leur arrivée en France jusqu'à cette époque.
Etat par ordre alphabétique des noms de toutes les familles acadiennes actuellement existantes dans le Royaume. Le dit état divisé en 4 classes dans la forme suivante :
[suit un tableau à 3 colonnes : A. Noms des familles acadiennes ; B. Nombre des familles ; C. Nombre des individus]
[pas de numéro de classe de signalé] : d'Entremont, famille d'extraction noble ; 6 ; 18
1ère classe :
Aucoin
Notes
// Ce mémoire est envoyé par Blossac à Fleury pour le mettre au courant du dévouement des Acadiens (cf. sa lettre du 29 août 1784 f° 185 du Mss Fleury). Il ne précise pas qui est l'auteur.
// Le brouillon du document (collationné avec la copie faite à la BNF le 3 mars 2004 ; les deux textes correspondent), avec les annexes, se retrouve dans ADV 2 J 22 Liasse 97, photos DSCN3344.JPG et suivantes.
// Ceci est une copie (la date de l'original n'est pas précisée)
// ce mémoire contient nombre d'erreurs
// voir document suivant
Mots-clés
// perception
// recensement FE : 2,542
// visite
// populationnisme
// rumeurs
// Poitou
// culture
// physique
Numéro de document
001644