Document : 1760-08-19c
Références / localisation du document
SHM Brest 1 P 1 / 8 1760 pièce 129
Date(s)
1760-08-19c
Auteur ou organisme producteur
anonyme - probablement le trésorier des colonies à SM ou le commissaire des classes à SM (Isarn)
Destinataire
Guillot
Résumé et contenu
Document très intéressant : un administrateur local fustige la volonté de Berryer de réduire les secours aux Acadiens. Critique de la politique guerrière et de ce qu'on sera obligé de "dépeupler la France" pour peupler les colonies si on ne s'occupe pas bien des Acadiens. Eloge de la décision du Roi de secourir les Acadiens. Vilain de retirer la solde. Les Acadiens dans les différents ports ne vivent pas dans les mêmes conditions.
Envoie à Guillot le rôle général [des personnes à supprimer de la paye]. Critique acerbe de la politique du gouvernement (à propos de la demande de cette liste) - ne comprend pas la volonté de diminuer ces dépenses là alors qu'on guerroie à tort et à travers ; vision "chair à colon" (repeupler les colonies après la paix). Vision éloquente du peuplement des colonies : s'il n'y a plus de libertins à Paris, on prendra de force le laboureur français qui aura eu la chance d'éviter la guerre. Se demande si le ministre, "de bonne foi", croit que les "pauvres colons" pourront s'en tirer avec ce qu'ils gagnent dans cette saison (alors qu'ils ont de grandes familles, des dettes). "Le secours qu'ils ont jusqu'ici reçu des bontés de SM est une des belles actions de son règne ; celui qui leur ôtera en fera une vilaine".
On pourrait cependant retrancher la paye à quelques uns. Les garçons de Pleudihen et Plouer naviguent ; ceux des autres paroisses sont plus mal lotis : à St Enogat = paroisse où il y a le moins de ressources pour eux ; à St Servan : "La plupart de ceux qui y demeurent est de gens du Cap Breton qui savent très bien mentir, et qui sont là à bonne école pour apprendre à crier et à se plaindre"
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Le 19 août [1760]
J'ai l'honneur d'adresser à Monsieur Guillot le rôle général des habitants etc. [sic] [de l'AS] avec l'état de l'hôpital de SM pour le mois de juin et l'Etat des changements pour le dit mois.
J'ai soigneusement examiné les listes des recteurs que je reçu lors du dernier payement en juillet, et j'ai trouvé que je n'avais pas manqué à porter sur mon rôle les changements arrivés en juin dont ces mêmes listes font mention. Je croirais que Monsieur Guillot pourrait présentement arrêter, comme il le désir, son état de dépense effective pour le dit mois ; vu qu'il n'y a pas d'apparence que la première revue que l'on fera soit plus exacte par rapport au mois de juin que la dernière qui a été faite.
Ci-joint Monsieur Guillot trouvera aussi la lettre du ministre avec la liste que j'ai faite pour y satisfaire. Cette tracasserie est bien singulière, mais Sa Grandeur a parfois des petitesses. Peut-être aussi n'a t-elle pas assez de crédit pour obtenir pour ces pauvres gens une légitime portion des fonds dont peut-être la plus grande partie est mal économisée d'ailleurs ; au reste il vaut mieux faire flamboyer notre épée, n'importe où, à tort et à travers, que de se ménager de bons sujets et d'honnêtes gens pour repeupler nos colonies à la paix ; parce qu'alors si Paris manque de libertins on prendra de force, pour cet objet, le laboureur français que le sort du billet aura épargné pendant la guerre et qui aura sû se garantir de l'adresse des militaires pour en faire une recrue. Ceux qui resteront dans le Royaume déjà dépeuplé voudront du pain, et ils payeront de l'argent au Roi. De bonne foi le ministre croit-il que ceux de ces pauvres colons qui travaillent dans cette saison ci gagneront assez pour payer les dettes qu'ils ont contractées depuis qu'il ne leur a fait donner leurs 6s ? De grandes familles, un travail qui produit si peu et qui dure aussi peu. Le secours qu'ils ont jusqu'ici reçu des bontés de SM est une des belles actions de son règne ; celui qui leur ôtera en fera une vilaine.
Il y en a cependant à qui on peut justement retrancher la paye, puisque ceux qui absolument ne peuvent pas s'en passer risqueraient d'en souffrir. J'examinerai les garçons de Pleudihen et de Plouër qui naviguent dans les bateaux ; mais je ne crois pas qu'il y en ait dans les autres paroisses qui pourraient s'en passer : St Enogat surtout est la paroisse où il y a pour eux moins de ressource, et ceux qui y sont réfugiés ne sont guère mieux, la santé exceptée, qu'ils n'étaient quand ils sont arrivés ; c'est St Servan qui doit supporter le fort de l'orage. La plupart de ceux qui y demeurent [sont] des gens du Cap Breton qui savent très bien mentir, et qui sont là à bonne école pour apprendre à crier et à se plaindre ; et à dire vrai, à moins qu'ils n'aient déjà du bien, le temps ni le lieu ne leur sont guère propres pour en gagner. Ce sont eux qui sont toujours les plus pressés pour la paye.
Notes
le rôle se trouve à la fiche 001230, même date.
critique du document : il est possible que le commissaire ait alors un parti-pris : après tout, plusieurs documents reprochent aux administrateurs une certaine corruption.
Mots-clés
// administrateur local
// perception : "bons sujets, honnêtes gens" (pour repeupler les colonies) ; menteurs (ceux de Saint-Servan) ; pauvres
// populationnisme
// conditions de vie (WOL : way of life).
// secours
// SM
// travail
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Numéro de document
001659