Document : 1772-11-00a
Références / localisation du document
BM Bordeaux, MS 1480, f°168-172// f° 95-96
Date(s)
1772-11-00a
Auteur ou organisme producteur
Lemoyne
Destinataire
Duvonel
Résumé et contenu
L. / Duvonel : questions-réponses sur la jurisprudence des domaines et l'indemnisation des Acadiens.
Texte technique [résumé non complet].
Explication de la situation des Acadiens par L. : subsistance = "dédommagement de l'abandon que leur fidélité et leur attachement à leur maitre leur a fait faire des biens considérables qu'ils possédaient dans l'Acadie cédée aux Anglais sans restriction et sans capitulation pour ses habitants.".
Le Roi a refusé la permission de passer à une puissance étrangère car il veut les placer dans le Royaume et les attacher à la glèbe. C'est comme si les Acadiens avaient abandonné leurs domaines au Roi, donc celui-ci veut les indemniser.
Il s'agit d'une sorte d'échange de terres qui devraient leur garantir la jouissance de ces terres et éviter qu'on ne les réclame ultérieurement. Souci de rendre les possessions inattaquables.
Réponses de Duvonel
Présentation des cas d'aliénation possible du domaine : apanage (cadets de la familles royale) ; cession temporaire pour obtenir des finances ; récompense militaire ;
Duvonel précise alors : "Si celui qui a mérité est étranger, la concession a communément pour objet non seulement de reconnaître les services qu'il a rendus à l'Etat, mais même de le fixer dans le Royaume.
Cet étranger qui aurait des enfants se garderait bien de s'expatrier pour se fixer dans un Etat où l'on pourrait dépouiller lui et les siens des récompenses qui lui seraient accordées." [ce qui est très intéressant car donne à penser qu'il imagine que les Acadiens sont des étrangers, sinon, cela n'aurait pas de sens d'évoquer ce cas ici].
Le texte parle plus loin des "Acadiens, sujets du Roi" : il faut donc nuancer la remarque ci-dessus.
Duvonel estime que les motifs qui feront céder les terres aux Acadiens sont suffisamment solides pour ne pas craindre de problèmes à l'enregistrement des lettres patentes, et explique également diverses procédures à respecter, notamment vis à vis de la rétrocession que les Acadiens feraient à des capitalistes en échange des fonds pour l'établissement.
Enfin, il ne faut pas compter sur la possibilité d'obtenir des bois.
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question à M. Duvonel grand maitre des eaux et forêts sur les domaines.
L'indemnité accordée par le Roi pour la cession des terrains domaniaux, forêts ou autres a-t-elle la même prévocabilité [sic] que l'échange même ?
Cette question est faite à l'occasion des familles émigrées de l'Acadie, réfugiées en France et auxquelles le Roi fait donner une subsistance en dédommagement de l'abandon que leur fidélité et leur attachement à leur maitre leur a fait faire des biens considérables qu'ils possédaient dans l'Acadie cédée aux Anglais sans restriction et sans capitulation pour ses habitants.
Le Roi a déclaré vouloir qu'on établit ce peuple dans le Royaume, il veut qu'il y reste, il lui a refusé la permission de passer à une puissance étrangère. Les motifs de ces sollicitations [des Acadiens, probablement] étaient la crainte de devenir trop à charge de l'Etat. Les promesses qui lui avaient été faites de l'établir propriétaire en l'attachant à la glèbe ne s'effectuant pas ... (?) le secours que le Roi lui accorde quoique très à charge de l'Etat, n'étant pas à beaucoup près suffisants pour ses besoins les plus urgents. Le Roi en leur refusant leur demande à dit qu'il voulait qu'ils fussent placés dans le Royaume où il devait y avoir assez de terre, et à chargé M. le contrôleur général et Bertin de pourvoir à leur établissement en les attachant à la glèbe.
Il résulte de tout ce qui s'est combiné à l'égard des familles acadiennes que d'après la volonté du Roi connue qu'il veut les dédomager de l'abandon qu'ils sont censés lui avoir fait de leur propriétés et veut le faire de manière que les travaux de la terre leur assurent une existance aisée qui les indemnise de cet abandon et puisse décharger l'Etat des secours qui leur sont fournis comme indemnité actuelle, mais trop à charge à l'Etat.
Il résulte, dis-je, que le Roi peut leur donner des terres de son domaine à titre d'indemnité, titre qui, s'ils étaient troublés un jour dans leurs possessions les restituerait en entier des droits qu'ils auraient cédé pour échange. Il n'y a pas apparence qu'on puisse jamais le faire. L'indemnité ne pouvant être regardée que comme une portion inférieure à l'objet qui peut l'avoir fait accorder, c'est une sorte de transaction, subconditionnée sine qua non de tous les moyens qui se présentent pour remplir les vues du Roi, celui proposé est le plus étendu et promet (?) le plus certain pour l'établissement des familles.
Il semble que des lettres patentes bien libellées rendront l'aliénation en ce titre inattaquable.
On ne propose ni un lieu ni un autre, la question est faite pour tout terrain quelconque susceptible de la demande, c'est le principe [de manquant ?] la loi qu'on doit connaître.
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Réponse de M. Duvonal aux questions ci-dessus ; envoyé à M. Bertin le 5 Novembre 1772
"Nous ne connaissons que deux cas où les ordonnances autorisent les aliénations des domaines de la couronne. Le premier a titre d'apanage [Robert : Hist. Portion du domaine royal accordée aux cadets de la Maison de France en compensation de leur exclusion de la couronne] mais cet apanage est réuni de plein droit à la masse à défaut du Prince apanagé et de ses descendants.
L'autre en denier comptant pour la nécessité de la guerre après lettres patentes pour ce décernées et publiées aux cours de parlement, cette aliénation s'appelle engagement, parce que la faculté de rachat perpétuel est de droit.
Carondan (?) le Caron estime que ce rachat doit s'étendre jusqu'aux donnations faites par le Roi pour récompenser des mérites et bienfaits.
Cette façon de penser des jurisconsultes prouve que la question n'était pas décidée alors, elle ne l'a pas été depuis.
Nous avons vu de nos jours M. le prince de Tuigry (?) confirmé dans la possession du domaine de Breval (?) qui lui était parvenu à titre de succession de la maison de Harlay Charvalon qui de leur côté en était en possession comme héritier d'un brevet (Brevé ?) auquel il avait été donné pour récompense militaire.
Pour la question présente il n'est pas inutile de dire que nonobstant cette confirmation la maison de Tuigry (?) ne jouit que précairement des bois, c'est à dire qu'ils sont vendus au siège de la maîtrise, ce qui est conforme à l'ordonnance de Moulins de 1566 qui ne veut pas que les aliénations du domaine puissent couper les bois et hautes futaies, ni toucher aux forêts. Aussi par l'arrêt confirmatif de la maison de Tuigry et est responsable du prix des bois.
La prohibition d'aliéner le domaine de la courronne dérive du principe que ce domaine appartient à l'Etat dès lors qu'un seigneur ou autre a mérité de l'Etat, c'est à lui à le récompenser, en ce cas l'aliénation doit être per...(coupé).
C'est au Roi et au ministre à juger des occasions ou ces récompenses doivent avoir lieu.
Si celui qui a mérité est étranger, la concession a communément pour objet non seulement de reconnaître les services qu'il a rendu à l'Etat, mais même de le fixer dans le Royaume.
Cet étranger qui aurait des enfants se garderait bien de s'expatrier pour se fixer dans un Etat où l'on pourrait dépouiller lui et les siens des récompenses qui lui seraient accordées.
Outre les deux cas spécifiques dans les ordonnances, il en est donc quelques uns ou le domaine peut être aliéné à forfait, ou au moins jusqu'à l'extinction de tous les descendants mâles et femelles des donataires.
Peut-il en avoir de plus favorable que celui des Acadiens sujets du Roi ; ils ont abandonné par ses ordres leurs biens et leurs possessions que les circonstances ont forcé le souverain de céder à une puissance étrangère.
Ce sacrifice qu'ils ont fait de leurs biens et de leur fortune pour les arrangements de l'Etat mérite certainement une récompense de sa part, aussi ces Acadiens ont-ils toujours été depuis soudoyés [Vx. Payer une solde à (des gens de guerre)] sans quoi ils seraient péris de misère ou auraient été obligés de s'expatrier de nouveau.
Toute aliénation de domaine qui leur sera faite en même temps qu'elle sera une décharge pour l'Etat même qui cessera de les soudoyer, ne sera qu'une suite de la justice du Prince qui leur doit récompense et indemnité pour les sacrifices qu'ils ont fait pour son arrangement et ne deviendra pour eux qu'une imitation de propriété qu'il est de toute impossibilité de leur refuser.
Cette aliénation quelque titre qu'on lui donne pourvu que l'acte soit énonciatif des raisons qui l'occasionnent ne peut souffrir de difficultés à l'enregistrement et en aucun temps souffrir de contradictions, parce que jamais les Acadiens ne peuvent être regardés comme de simples donnataires.
La commission qui leur sera faite aura même plus de force que ne pourrait en avoir un échange, parce qu'ils ne doivent point être suspectés d'avoir bénéficié au préjudice de l'Etat en cédant des biens en valeur pour des biens qui ne le sont pas.
On ne peut en aucun temps considérer cette concession que comme une indemnité qui ne peut égaler la perte que les Acadiens ont souffert.
A l'égard de la rétrocession de cette aliénation que les Acadiens se proposent de faire à celui qui leur offre des deniers pour mettre en valeur ces mêmes terres qui leur seront cédées on pense qu'elles doivent être insérées toutes entières à la suite de l'acte d'aliénation, afin que les motifs qui ont donné lieu à l'un et à l'autre étant sous un même contexte puisse acquérir aux cédants et à l'acceptant la même solidité qui pourrait avoir un propriétaire incommutable.
Je ne voudrais pas cependant qu'il y eut aucun bois ni foret compris dans la donnation, parce que d'un côté les ordonnances sont très expresses dans leur prohibition à tout aliénataire de domaine sous quelque espèce et titres qu'ils jouissent, de couper des futaies ni toucher aux forets, principe qui existait encore en son entier comme on le voit ci dessus dans la confirmation faite à M. le Prince de Tuigry, et que d'autre côté l'Etat étant intéressé à la conservation des bois, il ne serait pas loisible [ Vx Qui est permis, laissé à la libre volonté de qqn. ] aux Acadiens de les défricher, et par une suite nécessaire à ceux qui seraient en leur lieu et place.
[voir aussi fiche suivante pour la suite des questions réponses]
Notes
le mémoire date probablement de fin octobre ou début novembre 1772
questions de droit et de loi sur les domaines ; jurisprudence : très intéressant
sur les domaines, voir Bély : "domaine royal" qui parle des problèmes d'inaliénabilité et de droit.
repris transcription le 10 mars 2003
Mots-clés
// jurisprudence
// Acadiens étrangers
// expatriation
// statut acadien
// glèbe
// secours = indemnisation perte acadie
// domaine
Numéro de document
000143