Document : 1772-11-09
Références / localisation du document
BM Bordeaux, MS 1480, f°174-177// f° 97-99
Date(s)
1772-11-09
Auteur ou organisme producteur
Lemoyne
Destinataire
Guillot
Résumé et contenu
Lemoyne à Guillot. Réponse aux critiques des Acadiens et engagement à ne pas se prendre pour des Bretons. Gouvernement leur veut du bien.
A reçu le refus des Acadiens [d'aller chez SV]. Leur tête se démonte. Il faut leur expliquer qu'ils seront exempts de toute imposition, et que les terres seront exemptées pour au moins dix ans. Les impôts en Limousin ne sont pas plus forts qu'ailleurs et Saint-Victour n'a pas intérêt à les faire couler.
Les Acadiens ne doivent se considérer que comme des Acadiens et frères des autres sujets du Roi : "Les Acadiens ne doivent pas se regarder comme de la Bretagne parce qu'ils sont à SM non plus que ceux qui sont à Cherbourg ne doivent pas se regarder comme de la Normandie, mais qu'ils doivent se regarder comme Acadiens, auxquels en général le gouvernement veut du bien, qu'il veut établir et qu'il y employera les moyens qui seront à sa disposition, sans toutefois léser les autres sujets du Roi, qu'ils doivent eux-mêmes regarder comme leurs frères."
Les Acadiens doivent croire en la bonne volonté du ministre. L'État ne peut pas se charger d'eux sans arrêt. Préconisation de coercition.
Les Acadiens "Peuvent-ils ou pour mieux dire doivent-ils se considérer autrement que les habitants de toutes les campagnes de France ?". Dès qu'ils seront établis, ils "retomberont dans la classe de tous les sujets du Roi". En attendant, ils jouiront d'une "protection plus décidée que les autres sujets du Roi qui feront ces entreprises".
Sur la qualité des terres, il faudra qu'ils s'en contentent. Pas parfait, mais suffisante. Lemoyne s'étonne qu'ils ne soient pas emballés par les propositions de SV : "Au moment ils sont à l'instar des fermiers du pays, que peuvent-ils désirer de mieux ?". Il faut qu'ils suivent la loi de la province où ils seront établis, on ne pourra pas faire d'exception pour eux.
Concernant le trajet des Acadiens en Limousin. Il faut que Guillot les traite comme sergents de troupe.
Lemoyne travaille sur un projet à Fontainebleau (?). Il espère pouvoir établir les Acadiens au printemps et venir à Saint-Malo prochainement.
-------------------------------------
Copie d'une de M. L. à M. Guillot du 9 novembre 1772.
Je reçois au moment, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 31 du passé [voir fiche # 151]. Vous avez bien raison de dire que les têtes de nos pauvres acadiens se démontent. Je ne sais comme il faut s'expliquer à eux. Assurez les, Monsieur, que leur personne sera exempte de toute imposition ; que les impositions royales ne tomberont que sur les terres qui y sont déjà sujettes parce qu'elles sont en culture ; que la ferme qu'on leur donne sera taxée d'office pour au moins dix ans, sans qu'ils aient à craindre d'augmentation, qu'ils jouiront de toutes les privilèges pour les défrichés en conformité à l'ordonnance ou déclaration du Roi registrée en parlement de 1764 qui est publique. Que les impositions en Limousin ne sont pas plus forte que dans toutes les généralités ; que M. de S. V. qui veut établir chez lui des familles, à intérêt à ne les pas laisser couler (?), parce que partageant les charges avec eux, il le ferait lui même. Qu'ils ne doivent pas se regarder comme de la Bretagne parce qu'ils sont à SM non plus que ceux qui sont à Cherbourg ne doivent pas se regarder comme de la Normandie, mais qu'ils doivent se regarder comme acadiens, auxquels en général le gouvernement veut du bien, qu'il veut établir et qu'il y employera les moyens qui seront à sa disposition, sans toutefois léser les autres sujets du Roi, qu'ils doivent eux-même regarder comme leurs frères. Que j'ai la parole de M. Bertin ministre (chargé actuellement de ce qui les regarde et qui a bien voulu me donner sa confiance) qu'il les protégera de tout son pouvoir, pourvu qu'ils se prêtent à saisir les moyens qu'il pourra mettre en usage ; en un mot qu'ils doivent se persuader toute la bonne volonté possible de ce ministre, et lui montrer la plus grande reconnaissance en portant toutes leurs idées et toutes leurs forces à l'éxécution de ce qui leur sera offert. Ils doivent considérer leur position, l'Etat ne peut se charger d'eux les bras croisés, il peut seulement leur procurer les moyens de travailler et s'assurer leur existence et celle de leurs enfants par des travaux plus ou moins pénibles, plus ou moins lucratifs ; le hasard fera la distribution des moyens, ce sera à eux à mettre plus d'industrie, plus de force suivant que le sort les traitera. Cathéchisez les, Monsieur ; s'ils ne paraissent pas se prêter à ce que l'on peut pour eux, ils rebuteront ; qu'ils sentent combien il serait cruel pour eux d'être abandonnés. Peuvent-ils ou pour mieux dire doivent-ils se considérer autrement que les habitants de toutes les campagnes de France ? Peuvent-ils imaginer n'exister à perpétuité que par des grâces particulières ? On veut leur prodiguer les grâces jusqu'à ce que leur industrie et leurs travaux aient consolidé leur existence, après ce but atteint ils retomberont dans la classe de tous les sujets du Roi. Faites leur communiquer la déclaration de 1764. Ils y verront les privilèges dont ils jouiront pour les défrichements auxquels ils se livreront ; ils doivent être sûrs de jouir en sus d'une protection plus décidée que les autres sujets du Roi qui feront ces entreprises. Que veulent-ils de plus ? Je les redoute encore sur la qualité des terres, s'ils font les difficiles, je crains qu'ils n'impatientent le ministre : les terres qu'ils peuvent espérer ne sont pas les meilleures certainement, mais pourvu qu'elles produisent du seigle, de l'orge de l'avoine, du blé sarazin, des pommes de terres, ils doivent s'en contenter, peut-être quelques uns d'eux seront heureux et trouveront des veines [c'est à dire des endroits où la terre sera suffisamment bonne pour planter du froment] à froment, mais ce hasard sera rare ; bien établis, les engrais bien ménagés pourront rendre leurs terres plus productible, mais ils ne doivent pas y compter au moment.
Je ne puis concevoir qu'ils n'aient pas béni le ciel sur la proposition de M. de S.V. Au moment ils sont à l'instar des fermiers du pays, que peuvent-ils désirer de mieux ? Que leur importe la quantité des bêtes en [tronqué]..., c'est une douceur, mais qui est étrangère à la ferme ; leur question sur les redevances m'a paru singulière ; on leur propose la loi du pays, est-il sensé à eux d'imaginer qu'on peut la changer par une considération particulière pour eux ? Quiconque la leur proposerait, me ferait penser [? tronqué] qu'il veut les tromper. Quelque part où ils soient répartis, ils suivront la loi de la province du cant|tronqué]. Je suis persuadé que les têtes raisonnables parmi eux sentiront le vrai de ce que j'ai l'honneur de vous marquer. J'attends des ordres pour aller les voir et m'expliquer avec eux. Je m'occupe de tout ce qui peut les intéresser. Je suis avec affection leur avocat, je leur promet tout ce que je pourrai de soins et d'intérêts pour eux. Je les assure de la plus grande volonté du ministre ; qu'ils démontrent la meilleur pour répondre à ses vues, il le faut, de ce point dépend leur bonheur.
Je réponds, Monsieur, à ce que vous me faites l'honneur de me marquer sur la taxe à accorder aux chefs que vous voulez envoyer à M. de S.V. Vous avez ordre M. de les envoyer, voila le principal. Vous devez les traiter comme sergents de troupe, il y a une taxe ou comme un maitre de service. Si le grand âge ou des raisons particulières vous faisait exceder le tarif en en rendant compte simplement vous ne pouvez être désapprouvé, il peut être nécessaire de faire donner un cheval ; c'est à vous, M., de juger. J'en rendrai compte d'ailleurs à M. Bertin que cela regardera ; mais vous devez l'ignorer et continuer à instruire M. de Boynes de vos démarches, on ne vous a rien limité, c'est à vous de juger de ce qui convient.
Le voyage de Fontainebleau retarde les opérations. Les frais de voyage mettent un intervalle au travail qui suspend les affaires. Je suis à travailler un projet. S'il est goûté, j'espère que les pauvres acadiens pourront être logés au printemps et que leur sort sera heureux, pourvu qu'ils veuillent s'employer de toutes leur forces ; car on aura beau vouloir, s'ils ne correspondent pas on ne fera rien et on sera obligé de les abandonner. J'aurais double satisfaction si j'avais ordre d'aller à Saint-Malo, je crois que je remontrais un peu la tête de ces pauvres gens, qui se la sont remplies de chimères. Entre nous soit dit, une qui me serait fort agréable serait M. de vous voir et de renouveller à Madame votre mère tout mon attachement et mon respect.
J'ai l'honneur, etc... Lemoyne
Notes
voir fiche liée # 151
repris transcription le 10 mars 2003
voir la réponse de Guillot du 1772-11-17 (fiche @ 160), reproduite dans Martin
pas retrouvé à Brest
Mots-clés
// Acadiens # Bretons
// perception
// coercition
// SM
// Saint-Victour
Numéro de document
000145