Document : 1774-07-00b
Références / localisation du document
ADV J dépôt 22, art. 97
Date(s)
1774-07-00b
Auteur ou organisme producteur
Acadiens
Destinataire
Reine Marie-Antoinette
Résumé et contenu
Pétition à Marie-Antoinette. Demandent la protection de la Reine sur l'établissement.
Rappel des promesses du duc de Nivernais. Ont été oubliés pendant 15 ans et on leur retenait une partie de leur solde ce qui a couté la vie à beaucoup d'enfants. Travaillent dans le Poitou sous la direction de Pérusse et de Blossac qui les ont autorisé à appuyer leurs demandes. Demandent la "rentrée des retenues faites sur notre solde", la protection de l'établissement, et demandent la réunion avec leurs frères dispersés sur les côtes maritimes [voir notes à ce sujet]. Tous pourraient être établis. Proposent à la Reine de donner son nom à l'établissement et de se mettre sous sa protection spéciale.
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A La Reine
Madame,
Les Acadiens, au nombre d'environ 2,600 personnes dispersées depuis 17 ans [1755 + 17 = 1773 ou 1758 + 17 = 1775 ou 1763 + 17 = 1780] sur les côtes maritimes, se jettent aux pieds de votre Majesté pour y intéresser sa sensibilité sur leurs malheurs et y implorer sa protection et son appui auprès du Roi pour les adoucir. M. le duc de Nivernais, Madame, a été à portée de les connaître, ainsi que notre fidélité. C'est lui qui en retirant plusieurs de nous des prisons d'Angleterre nous assura que le feu Roi touché des cruautés que nous avions éprouvé pour son service, nous promettait des établissements dans son Royaume, qui nous dédommageraient de ce que nous avions perdu.
Votre Majesté sera surprise, Madame, que d'après les promesses du Roi, nous ayons été oubliés pendant 15 ans, et que nous ayons éprouvé pendant presque tout ce temps la plus affreuse indigence causée par la retenue d'une partie de la solde de 6 sous par jour que Sa Majesté nous avait accordée, et dont son trésor Royal fait les fonds. Cet état de misère qui a coûté la vie à nombre de nos enfants a duré depuis 1758 jusqu'au premier juillet 1773, qui est l'époque où ayant été tirés du département de la marine nous avons reçu la solde entière, et celle où il plût au feu Roi de décider notre établissement en Poitou.
Plusieurs familles, Madame, formant 1,500 personnes, sont déjà rendues dans cette province, et y travaillent à l'établissement sous la direction de M. de Blossac intendant et de M. le Marquis de Pérusse Descars, sous les yeux duquel nous sommes plus particulièrement. Ces dignes protecteurs que la providence nous a ménagés et qui nous traitent avec tant d'humanité et de bonté nous ont promis d'appuyer nos demandes auprès de votre Majesté, et de lui rendre compte de notre obéissance et de notre attachement le plus respectueux et le plus soumis.
Nous osons donc, Madame, supplier votre majesté de vouloir s'intéresser à la rentrée des retenues faites sur notre solde, de protéger notre établissement, et nous procurer la satisfaction d'y voir réunir ceux de nos frères, cousins et neveux, qui, oubliés encore sur les côtes maritimes, désirent les partager avec nous. Les terrains sont si nombreux dans cette province qu'il ne saurait être difficile de nous y établir tous.
Mais il reste, Madame, une dernière grâce à obtenir de votre Majesté qui, en mettant le comble à nos désirs, attirerait sur notre établissement toutes les bénédictions du ciel. Ce serait qu'en l'honorant de votre royale protection vous vouliez bien permettre qu'il porte votre Auguste nom. Sous de tels auspices et un nom si cher à la France, nous serons assurés de réussir. Les veuves et orphelins, très nombreux parmi nous, vivront heureux sous l'ombre de vos bontés et se joindront à nos voeux pour faire passer à la postérité l'image de notre bonheur et les vertus bienfaisantes de votre Majesté.
[FIN ; non signé, sl, sd, sn, probablement écrit par un "professionnel" (pas de fautes d'orthographe, etc...)]
Notes
DSCN3107.JPG
// date approximative : voir la lettre au duc de Nivernais du 1774-07-03 ; une lettre du 10 juillet de Pérusse au duc de Nivernais précise que les Acadiens "ont écrit [au duc de Nivernais] la semaine dernière pour implorer sa protection auprès de la Reine" [peut-être cette même lettre]
// dans une lettre du 1774-08-02, Pérusse résume et commente cette lettre : "On lui [la Reine] demande de vouloir honorer de sa protection un établissement naissant, de permettre qu'il porte son nom, de vouloir jeter ses yeux bienfaisants sur un peuple fidèle et infortuné et finalement de faire obtenir à plusieurs frères et proches parents de ceux qui sont ici la grâce d'être réunis au reste de leurs familles, car il faut vous dire ici, Monsieur le duc, que plusieurs de ceux que la cabale dont j'ai eu l'honneur de vous parler a fait rayer de dessus l'état de l'établissement, s'y sont fait inscrire les premiers, il y a un an, et lors du dernier envoi qui en partit de Saint-Malo on a substitué à leur place plusieurs de ceux qui étaient les plus entêtés pour passer en Espagne afin que par leur présence ils pussent dégoûter ceux qui sont venus ici avec l'espoir d'y réussir. Je crois cependant que cette dernière manoeuvre n'aura pas le succès qu'ils en espèrent, surtout si la protection qu'ils réclament leur est accordée, ce qui sera le fruit de vos bontés pour eux."
il semble bien qu'un village acadien ait porté le nom de "village de la Reine" (Martin pièce reproduite p. 310)
Mots-clés
// recensement : FE 2,600
// corruption
// RED
// Poitou
// Protecteur
Numéro de document
001727