Document : 1777-02-00 // 1772-03-00

Références / localisation du document

ADV J dépôt 22, art. 97

Date(s)

1777-02-00 // 1772-03-00

Auteur ou organisme producteur

Pérusse

Destinataire

à un "comte" inconnu - pas sûr : peut-être le CG [à cette date : Taboureau] ou son commis

Résumé et contenu

Pérusse à un "comte" inconnu. Demande une entrevue (avec le Roi). Demande le paiement de 66,000 francs. Donne des détails sur les sentiments de différents C.G.

Connaît les vertus et les défauts des Acadiens grâce à LL. Ils sont arrivés purs d'Acadie et ont contracté depuis quelques défauts qui cependant pourront être détruits lorsqu'on le voudra vraiment. Recommande donc au C.G. et au roi les Acadiens "qui ont fait des sacrifices immenses". Fustige la mauvaise administration de la marine qui a consommé environ 13 millions de livres pour eux alors que 4 millions dès le début, bien utilisés, auraient résolu le problème et seraient au contraire "très utiles". Il serait en tout cas injuste de les rendre responsables des dépenses. Récit ensuite de la plainte des Acadiens au Roi en 1773 [ou 1772] ; le Roi est ému et "trouva très mauvais" que quelques uns des ministres propose de les laisser partir "sous la domination espagnole".
Le Roi précise alors (Pérusse résume ses propos prétendus sur plusieurs lignes) qu'on devrait établir les Acadiens dans le centre du Royaume (pour les éloigner de l'idée de repasser les mers) et forme de dédommagement à cause de la révocation de l'Edit de Nantes. Ordonne l'établissement en Poitou dont l'exécution est confiée à Pérusse. Fait le récit des désordres créés par la cabale et l'absence de réponses aux lettres qu'il écrivait et les visites à Paris qu'il faisait : jamais de réponse. Retards de solde. Il reste encore 66,000 francs à payer. Pérusse est menacé de poursuites par ses créanciers. Dommage, car à côté de cela, l'établissement va très bien. Si l'établissement était plus proche de Paris, le Roi pourrait venir voir comme l'agriculture fleurit, etc. Désintéressement de Pérusse dans l'affaire. Pérusse prétend avoir rencontré le Roi "plusieurs fois", y compris peu de temps avant sa mort. Turgot, dont il était peu connu, a fait de l'obstruction. Demande au correspondant (qui visiblement peut servir d'intermédiaire pour accéder au Roi) de l'entretenir des Acadiens, même si ceux ci dépendent du C.G. En effet, les C.G. et leurs commis n'ont jamais voulu s'intéresser vraiment à ces derniers. Terray avait une "aversion personnelle" pour eux. Turgot voulait du bien, mais impuissant et cabale économique. Clugny : colère contre les Acadiens (à cause de plaintes lorsqu'il était intendant de Saint-Domingue). Donc, Taboureau ne peut pas trouver de bons renseignements dans les dépôts du C.G. : c'est ce qui justifie sa demande.

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[lettre de Pérusse, sl, sd, tronquée au début].

(...) les villes maritimes, et ayant beaucoup connu M. l'abbé Le Loutre j'ai eu de lui les détails les plus particuliers en tous genre sur ce qui pouvait les concerner dont il ne m'a laissé rien ignorer, ce qui fait que je connais certainement mieux que personne et leurs vertus et leurs défauts. Il ne nous ont apporté d'Acadie que leurs vertus et ils seraient fondés aujourd'hui à nous reprocher de leur avoir laissé contracter des défauts qui peuvent les ternir, mais qui ne sont ni assez considérables ni assez invétérés pour qu'on doive douter de les détruire lorsqu'on voudra en prendre les moyens et je ne me persuaderai jamais, M. le C.G que sous votre ministère et sous le règne d'un jeune Roi bienfaisant qui vous a donné toute sa confiance vous lui laissiez ignorer les sacrifices immenses dont il est redevable à ce peuple ni que vous puissiez négliger de lui faire apercevoir qu'il est aussi glorieux pour lui de ne pas les méconnaître comme il est avantageux au Royaume de retirer quelque utilité des dépenses considérables mais stériles qu'il a fait jusqu'à présent pour ce peuple infortuné.
Il est certain que par l'effet de la mauvaise administration mise en usage à leur égard depuis le moment de leur arrivée en France on a trouvé le secret de consommer plus de 13 millions pour eux dont environ 12 millions 600 mille livres en dépense de solde sans qu'il en soit résulté autre chose pour leur état futur que l'extinction presque totale de leur activité au lieu que tout au plus 4 millions employé utilement aussitôt qu'ils furent arrivés dans nos ports leur auraient procuré des établissements qui, aujourd'hui, assurerait leur sort et loin qu'ils fussent encore à charge à la Finance, il y aurait plus de 10 ans qu'ils ne coûteraient rien et seraient au contraire très utiles à l'Etat par les défrichements qu'ils auraient fait ainsi que par l'accroissement de population qu'ils auraient apporté dans les provinces du centre du Royaume qui ont assurément le plus grand besoin de ce secours.
Quoiqu'il soit très fâcheux que l'administration ait négligé depuis aussi longtemps de faire usage des moyens qu'elle avait à sa disposition tant pour faire cesser en peu d'années les dépenses que nécessitaient les Acadiens que pour rendre ces mêmes dépenses également utiles à l'Etat que fructueuses à ce peuple : il serait injuste de les rendre responsable des fautes du gouvernement dont ils sont jusqu'à présent les victimes innocentes.
Il y avait donc 15 ans M. le Comte que les Acadiens étaient en France et près de 12 millions avaient été consommés pour le seul et stérile objet d'une solde, lorsque le feu Roi, ému par les plaintes que ce peuple trouva le moyen de lui faire parvenir en 1773 [dernier chiffre peu sûr] sur l'oubli qu'on avait fait jusqu'à là de les établir, ne put s'empêcher de marquer à ses ministres son mécontentement de ce qu'ayant négligé depuis si longtemps de remplir à leur égard les promesses solennelles qu'il avait bien voulu leur faire en 1758 [sic], de les établir et de leur donner des propriétés dans son Royaume ; l'inexécution de ses promesses ainsi que celles des ordres dont elles avaient été suivies les mettaient dans le cas de lui demander la permission d'en sortir et il trouva surtout très mauvais que quelques uns de ses ministres lui proposassent de leur expédier un passeport pour aller à la Louisiane et à la Sierra Morena [souligné dans le texte] sous la domination espagnole.
Ce fut alors que ce monarque discuta lui même les avantages qu'il y avait de fixer plutôt leur établissement dans les provinces du centre de son royaume que partout ailleurs, en ce que les éloignant des côtes maritimes il les éloignait aussi de toute fréquentation et rapports avec ceux qui pouvaient entretenir parmi eux le désir de repasser les mers, ce qui leur devenant plus difficile à exécuter, leur en ferait perdre l'idée pour se livrer à celle de leur établissement et que d'ailleurs ces mêmes provinces où on les destinaient ayant plus souffert que d'autres de la dévastation et dépopulation causées par les guerres civiles et la Révocation de l'Edit de Nantes, cet accroissement de population leur serait à tous égards bien plus intéressant, et en conséquence il ordonna qu'on commencerait tout de suite pour eux un établissement en Poitou de l'exécution duquel j'ai été chargé.
Cet établissement, qu'on peut dire être l'effet d'un acte d'autorité du feu Roi, a éprouvé tout ce que la cabale et l'intrigue peuvent susciter de plus fâcheux, je n'entrerai ici dans aucun détail sur ce qui peut y avoir donné lieu, et je me bornerai à dire que M. de Blossac qui en a souvent été instruit et moi qui l'ai vu de bien plus près encore pouvons seuls rendre compte du tort qui en est résulté pour les intérêts du Roi : nous avons l'un et l'autre avertis les ministres dans le temps sans avoir jamais pu nous procurer de réponse sur cet objet ce qui m'a mis plusieurs fois dans la nécessité de faire le voyage de Paris pour m'en procurer ce que je n'ai jamais pu obtenir dans les temps où elles auraient été nécessaires. Joint à cela il est presque toujours survenus des retards sur la délivrance des fonds réglés et quelque fois même un défaut total d'exécution des choses promises et convenues ce qui m'a tenu dans un continuel embarras et aujourd'hui M. le C. il est encore dû à la Colonie du Poitou environ 66 000 francs échus du 1er janvier dernier tant pour fourrages qu'autres fournitures faites à la colonie sur mon faible crédit et dont le paiement ne peut souffrir aucun retard car je suis menacé de poursuites de la part de plusieurs créanciers et peut-être même y en a-t-il déjà de commencées. Malgré tous les obstacles que je viens de vous exposer et que j'ai été assez heureux de surmonter tant par ma constance que par la grande suite que j'ai mis à la besogne dont j'étais chargé, cet établissement va depuis six mois de la façon la plus satisfaisante et doit être regardé à juste titre comme un monument aussi digne de la bonté et de l'équité de Louis XV sous le règne duquel il a été commencé que de la grandeur et de la bienfaisance de Louis XVI auquel il est réservé de le porter à la perfection. Je voudrais qu'il fut assez près de Paris pour que le Roi put le connaître par lui-même, voir ce qui est déjà existant, l'étendue considérable qu'on peut donner à cet objet, et les avantages immenses qui ne peuvent manquer d'en résulter tant par l'accroissement de population, de culture et de production dont le défrichement des terrains inculte augmente la masse des richesses de l'Etat que par le rétablissement de l'agriculture dans les provinces du centre de son royaume qui augmente également les revenus dans cette partie là et je suis persuadé qu'il se plairait à voir que la seule influence de ses bontés change la face d'un vaste pays, qu'elle y rétabli l'agriculture totalement oubliée depuis des siècles, y ramène la population que les guerres civiles avaient détruites, [etc...]
Il explique ensuite son absence de prise d'intérêts dans l'affaire : l'essentiel de l'établissement des Acadiens est fait sur des terres qui ne lui appartiennent pas. Celles qui lui appartiennent ne lui rapporteront pas plus de 50 écus de revenus.
(...). [Le Roi Louis XV] me jugea propre à exécuter ses ordres relativement aux Acadiens. Il a bien voulu plusieurs fois me faire l'honneur de me parler de cet établissement lorsque le soin m'en fut confié et même lorsque je pris congé de lui allant en Poitou environ 2 mois avant sa mort, mais je pense que le Roi a ignoré jusqu'à présent les soins que je me suis donné et que je me donne encore journellement, ne m'ayant jamais fait apercevoir qu'il en faut instruit, et il peut se faire que M. Turgot dont j'étais peu connu m'ait regardé comme quelqu'un qui devait être totalement ignoré de SM. C'est à vous, M. le C. qui connaissez mieux ceux qui ont droit à ses faveurs à me procurer auprès d'elle les agréments dont vous croirez mon zèle susceptible. Mais quoique tous les détails qui regardent les Acadiens soient du ressort de M. le C.G. [un passage barré et diff.], j'ose vous demander cependant de permettre que je vous entretienne un peu à fond de tout ce qui regarde ce peuple et son établissement, et j'ai la présomption de dire et même de croire qu'il n'y a que moi qui (début passage barré] le connaisse parfaitement et dans le plus grand détail. Je ne crains point de dire que à commencer par M. L'abbé Terray aucun de Messieurs les C.G. ni de leurs commis ne les ont connus ni voulu connaître. Sous M. l'abbé Terray j'ai eu à lutter contre son aversion personnelle pour eux et la cabale de ses v [?]. Sous M. Turgot qui voulait le bien, mais qui n'a pu trouver les moyens de l'opérer, j'ai eu à lutter contre la cabale économique. M. de Clugny, contre qui 12 ou 15 familles acadiennes qui relâchèrent à Saint-Domingue lorsqu'il y était intendant portèrent des plaintes graves à leur arrivée en France, prétendant en avoir reçu les traitements les plus durs, ne pouvait entendre parler des Acadiens sans émotion et colère. Vous voyez par là combien peuvent être peu fidèles les renseignements que peut trouver M. Taboureau dans les dépôts du Contrôle Général et que je suis fondé à demander d'être entendu. [fin passage barré] Fin de la lettre. [

Notes

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lettre de Pérusse à un Comte proche du Roi (peut-être Nivernais ?) au Contrôleur Général - probablement Taboureau - ou à son commis, datant probablement de février ou mars 1777.
à vérifier car un passage de cette lettre précise : "quoique tous les détails qui regardent les Acadiens soient du ressort de M. le C.G. [un passage barré et diff.], j'ose vous demander cependant de permettre que je vous entretienne un peu à fond de tout ce qui regarde ce peuple et son établissement"

Mots-clés

// perception
// Poitou
// coût : 13 millions de livres
// CS (coût des secours)

Numéro de document

001730