Document : 1774-05-18a
Références / localisation du document
ADV J dépôt 22, art. 97
Date(s)
1774-05-18a
Auteur ou organisme producteur
Pérusse
Destinataire
Evéque de Tagaste
Résumé et contenu
Pérusse demande la protection du nouveau Roi et résume les opérations précédentes faites en faveur des Acadiens.
Pérusse à l'évêque de Tagaste : affligé de la mort du Roi, espère en son successeur. Tagaste connaissait l'abbé LL. Longue description du caractère des Acadiens : LL lui avait fait un portrait flatteur, mais il sait maintenant que c'est vrai : Acadiens = fidèles au Roi ; forte douleur au moment de sa mort (surtout en comparaison avec les paysans locaux) ; moeurs pures grâce à la religion ; quelques faux Acadiens se sont mêlés à eux. Physique supérieur au commun des paysans : forts, robustes, etc... Se reproduisent beaucoup (= très bien).
Tableau intéressant qu'il faut faire connaître au jeune monarque. "Tout le monde sait les malheurs que ce peuple a éprouvé au commencement de la dernière guerre et la fidélité constante et inébranlable qu'il a marqué à la France son ancienne patrie". Récit des mesures prises en leur faveur. Secours (mais une partie volée par la marine). Oubliés pendant 14 ans alors que plein de terres disponibles. Ce serait toujours la même chose si en juillet 1772 LL n'était pas allé proposer qu'ils acceptent les propositions des Espagnols. Récit de la surprise du Roi, qui charge Bertin de les établir et Terray de financer. Mais intrigue contre les Acadiens.
[suit un long détail des opérations : demande de Bertin de faire 6 ans en trois années ; mais les deux ministres (Bertin et Terray) n'ont jamais pu s'accorder sur ce point et de plus "les gens en sous ordre qui ont part à l'administration de la marine qui voyaient et qui voient encore avec peine que la solde de 100 000 écus par an dont ils avaient l'administration et sur laquelle ils faisaient de grosses retenues aux Acadiens allait leur échapper, ont débuté auprès de M. l'abbé Terray par dépeindre ce peuple sous les couleurs les plus noires." [accusation indirecte contre Lemoyne]. Terray a été prévenu contre les Acadiens à cause d'eux. Quelques Acadiens ont été instrumentalisés pour refuser l'établissement. Décision de Terray de prendre les Acadiens à sa charge et d'en établir 1500 dans le Poitou. Bertin s'efface. Cabale d'un commissaire de la marine [Lemoyne] contre l'établissement [selon Pérusse].
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Pérusse à l'évêque de Tagaste. Monthoiron, le 18 mai 1774. [minute de lettre].
Monseigneur, Pénétré et accablé comme je le dois être du cruel événement qui nous prive du meilleur des Rois, je ne puis envisager de consolation qu'en son Auguste successeur [etc...]
réclame la bonté et la protection de l'évêque pour lui et pour les Acadiens. (...) Vous avez connu l'abbé Le Loutre, ce saint homme m'a légué en mourant le soin de protéger les Acadiens et de solliciter l'établissement qui leur était si légitimement dû ; il les aimait tendrement, m'en avait dit beaucoup de bien; et je vois avec la plus grande satisfaction qu'il n'a rien exagéré sur leur fidélité et leur amour pour leur souverain. Je ne saurais vous rendre le sentiment de crainte et d'alarme qui était peint sur leurs visages lorsqu'ils ont appris la maladie du feu Roi, et je ne dois pas vous laisser ignorer la ferveur avec laquelle ils ont demandé à Dieu la conservation de ses jours, non plus que la douleur, l'abattement, et la consternation où la triste nouvelle de sa mort les a jetés. J'ose vous assurer que nos paysans quoique assurément très fidèles et très attachés à leur souverain ne sont que des automates [On le dit plus communément aujourd'hui des machines qui imitent le mouvement des corps animés, DA] auprès de ces gens là ; ils ont d'ailleurs les moeurs les plus pures, beaucoup de droiture et de probité, ce qui est le fruit d'un grand fond de religion encore bien existant chez eux et préservé jusqu'à présent de l'altération si commune dans ce siècle. Tel est le portrait des vrais Acadiens quant au moral ; je dis des vrais acadiens parce que dans le nombre qui nous a été envoyé M. les commissaires de la marine chargés d'en faire le matricule y ont glissé quelques individus sous différents prétextes qui n'ont jamais été en Acadie et qui sont fort différents des vrais Acadiens, heureusement que le nombre n'en est pas grand.
Quant au physique de ces gens là, il est aussi fort supérieur au commun de nos paysans ; c'est une assez belle espèce d'hommes forts, robustes, actifs et industrieux ; leur population est très nombreuse puisque sur 1500 individus envoyés dans cette province pour y être établie, il y a environ moitié d'enfants nés depuis qu'ils sont en France et presque toutes les femmes nous sont arrives grosses.
Vous voyez, Monseigneur, que ce tableau est intéressant et fait pour être connu s'il est possible du jeune monarque par lequel nous avons le bonheur d'être gouverné : tout le monde sait les malheurs que ce peuple a éprouvé au commencement de la dernière guerre et la fidélité constante et inébranlable qu'il a marqué à la France son ancienne patrie : il y a 15 ans que les débris de cette peuplade nombreuse échappée au fer des ennemis sont revenus en France. Le feu Roi, plein d'humanité et de bonté ordonna à leur arrivée qu'il leur fut accordé une solde de 6 sols par jour à chaque individu en attendant qu'ils pussent être établis sur des terrains incultes qui certainement ne manquent pas dans le Royaume et dont un grand nombre sont de la meilleure espèce. On les a oublié pendant 14 ans, la solde de 6 sols par jour qui leur était accordée et dont les fonds étaient faits au département de la marine ne leur a jamais été donnée en entier. Ils sont restés dans la plus grande misère, répandus sur les côtes de Normandie, de Bretagne, de Poitou et de Guyenne sans que jamais on ait songé à les établir et il ne seraient encore dans cet état si en 1772 les Espagnols qui faisaient des établissements dans la province de la Sierra Morena ne leur eussent fait proposer d'y passer en leur promettant les plus grands avantages qu'ils pussent espérer même en France, et ce fut au mois de juillet 1772 qu'ils députèrent M. l'abbé Le Loutre pour faire demander au Roi de vouloir bien leur permettre d'accepter les offres que leur faisaient les Espagnols de leur accorder un passeport en conséquence, si toutefois sa Majesté ne jugeait pas à propos de les établir dans son Royaume, ce qu'ils préféreraient toujours au plus grand avantage qu'ils pourraient trouver sous tout autre domination.
Le feu Roi paru surpris de ce qu'ils n'étaient pas encore établis, il ne voulu point permettre leur émigration, et chargea nommément M. Bertin de les faire établir promptement sur des terrains incultes de son royaume ; Sa Majesté dit à M. l'abbé Terray de pourvoir à la dépense nécessaire pour les établir et ordonna provisoirement que le fonds de six années de leur solde tel qu'il était fait au département de la marine à raison de 100 000 écus par an y serait employé. M. Bertin s'adressa à moi pour des terrains, je n'eus pas de peine à lui en trouver et de très bons ; mais voici, Mgr, où l'intrigue a commencé contre ces pauvres Acadiens et contre ceux qui s'empressaient de concourir avec zèle aux vues bienfaisantes du feu Roi pour eux : je vous en fais le détail comme à quelqu'un qui a de l'amitié et des bontés pour moi et à qui par ces raisons je dois dire ce que je sais avec la plus scrupuleuse vérité étant très assuré de n'être jamais compromise. [suit un long détail des opérations : demande de Bertin de faire 6 ans en trois années ; mais les deux ministres (Bertin et Terray) n'ont jamais pu s'accorder sur ce point et de plus "les gens en sous ordre qui ont part à l'administration de la marine qui voyaient et qui voient encore avec peine que la solde de 100 000 écus par an dont ils avaient l'administration et sur laquelle ils faisaient de grosses retenues aux Acadiens allait leur échapper, ont débuté auprès de M. l'abbé Terray par dépeindre ce peuple sous les couleurs les plus noires. Ils n'ont pas craint même de chercher à ternir la réputation du pauvre abbé Le Loutre : toutes ces préventions mal fondées ont donné à M. l'abbé Terray pendant longtemps beaucoup d'éloignement pour ces gens là, on a cherché même à en ameuter quelques uns d'entre eux pour leur faire refuser l'établissement que M. Bertin était chargé de leur procurer. Ces premières tracasseries ont duré 7 à 8 mois. M. Bertin qui n'a jamais désiré que le bien de la chose et de voir mettre a exécution les vues bienfaisantes du feu Roi m'a renvoyé à plusieurs fois à M. l'abbé Terray pour le faire décider à quelque chose et enfin au mois de mai de l'année dernière ce ministre se décida à retirer tous les Acadiens du département de la marine, et à les remettre sous l'administration de M. les intendants des provinces. Il décida qu'il serait établir 1500 Acadiens en Poitou, tant sur mes terrains que autres, et fixa à une somme de 600 000 livres pour leur établissement et dit qu'il s'en réservait la première administration. M. Bertin comme je l'ai dit ci devant qui n'avait d'autre désir que l'exécution des volontés du Roi à trouvé qu'il était égal lequel de nos ministres les mit à exécution pourvu qu'elles le fussent. [Blossac et lui se sont mis à la tâche pour construire les maisons, mais presque toutes les paroisses avaient déjà fait leurs corvées, ce qui fait que très peu de maisons ont pu être construites. Ils font leur possible pour accélérer le mouvement, mais...] (...) nous essuyons tous les jours les contrariétés les plus rebutantes qui sont le fruit de l'intrigue d'un commissaire de la marine qui a des amis au bureau du Contrôle Général et qui fait tout ce qu'il peut pour faire échouer l'établissement en dégoûtant M. de Blossac et moi.
etc... (continue à demander l'aide du Roi pour l'établissement). Signature, etc... [FIN]
Notes
DSCN3190.JPG
Tagaste n'apparait pas dans l'EU, pas dans Bély, pas dans index Bluche, ni dans ViaMichelin et Autoroute Express (nom de lieu).
Mots-clés
// perception : Acadiens = bons
// visite
// corruption (de la marine)
// dénigration de Lemoyne
// Poitou
// culture
// secours : corruption ?
// visite : ce fut au mois de juillet 1772 qu'ils députèrent M. l'abbé Le Loutre pour fair
Numéro de document
001737