Document : 1773-07-24
Références / localisation du document
ADV J dépôt 22, art. 124-1
Date(s)
1773-07-24
Auteur ou organisme producteur
Pérusse
Destinataire
Blossac
Résumé et contenu
Pérusse à Blossac : parle de la première visite des Acadiens et des raisons de leur rejet (mort LL + vision négative des paysans locaux) ; Lemoyne = oeuvre contre l'établissement - ses critiques contre les coûts de l'établissement sont injustifiées. Pérusse persiste à vouloir laisser ensemble les Acadiens.
à propos de la visite de Lemoyne : les Acadiens de SM ont tort. Description de la première visite des Acadiens l'année précédente : ils étaient affligés de la mort de l'abbé LL et n'ont vu que la misère des paysans locaux ("tableau vivant de la misère et de la paresse") après une mauvaise récolte. Diatribe contre les paysans, débauchés, qui ont incité les Acadiens à ne pas venir car contre leurs intérêts (terres communales). Il argumente en faveur de ses terres.
A propos de Lemoyne : "entre vous et moi je [lui] connais des vues toutes opposées au succès de cet établissement" (parce que Lemoyne a dit qu'à BIM l'établissement des Acadiens avait coûté moins cher que ce que suggère Pérusse). Argumente pour dire que BIM n'a pas été financé que par l'Etat.
Suggère de ne pas envoyer de députés de Saint-Malo (selon lui, les Acadiens de Saint-Malo sont prévenus contre l'établissement, peut-être par Lemoyne lui même) ; il vaut mieux faire venir d'abord les "Normands" et les Acadiens de SM viendront d'eux même plus tard.
Pérusse essayera de trouver un moyen d'éviter que plusieurs familles se retrouvent ensemble dans une même maison. Par ailleurs, concernant les terrains vacants à laisser entre les maisons, il faudra en parler de vive voix (peut-être Blossac suggère-t-il de mettre de l'espace entre les Acadiens à la suggestion de Lemoyne - cf. les mises en garde de ce dernier : craindre les inconvénients d'une association trop nombreuse). Pérusse lui continue à dire qu'il ne veut pas que la colonie soit divisée : "je veux faire en sorte cependant que la colonie ne soit pas divisée". (il ne dit pas vraiment pourquoi).
--------------
Blossac. A Targé, le 24 juillet 1773
Je reçois, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire du 17 par laquelle je vois que M. Lemoyne a été vous faire part du peu de dispositions que les Acadiens de St Malo ont à venir en Poitou. Ils ont grand tort car sûrement ils ne seront jamais aussi bien ailleurs. Les députés qui sont venus l'année dernière de St Malo et de Morlaix sont arrivés ici navrés de douleur de la perte qu'ils avaient fait chemin faisant de leur protecteur M. l'abbé Le Loutre qui mourut à Nantes ; ils ont parcouru quelques terrains sans les examiner ni vouloir sonder la terre avec une pioche ; ils nous dirent que dans leur pays d'Acadie on n'y connaissait pas la brande, qu'il y avait des bois superbes et que leurs terres avec une façon de charrue et une de herse était en état de recevoir le froment qui ne rendait jamais moins de 30 pour un. Ils examinèrent avec attention nos paysans riverains des brandes qui sont assurément le tableau vivant de la misère et de la paresse ; ils entrèrent dans toutes les granges qui vu la mauvaise récolte étaient absolument vides et finalement ils causèrent beaucoup avec ces mêmes paysans qui sont très fâchés de voir que les propriétaires voulant mettre en culture les dites brandes les privent de vastes terrains qu'ils s'étaient comme appropriés et qui servent de théâtre à leur pillage, à leur paresse et dont le produit qu'ils en retirent ne sert qu'à leur procurer des moyens de débauche et d'un prétexte pour laisser leurs terres incultes, tel est le fruit des fourneaux de charbon des cosses [selon Martin, p. 131, "Beaucoup [de paysans] vivent [...] du produit du charbon de bois qu'ils font dans les brandes avec les "cosses" ou racines de bruyère, et qu'ils vendent ensuite aux couteliers de Châtellerault et aux forgerons de village.] qu'ils font et des prétendus bestiaux qu'ils y nourrissent dont il en meurt la moitié tous les ans aux mois de mars et d'avril.
Les brandes de ce pays ci à 20 lieues à la ronde ne sont, Monsieur, point inondées l'hiver, elles tiennent seulement l'eau que l'herbe, l'ajonc et la brande empêchent de s'écouler, mais le terrain est très sain et quoique ce soient des plaines, les eaux pluviales s'écoulent très bien et même sans fossés sur les terrains défrichés mais il est mieux à tous égards d'en faire quelques uns ; quant à la sécheresse, les marres y tiennent parfaitement l'eau toute l'année pour abreuver le bétail. (etc...) [continue à argumenter en faveur de ses terres : si les députés Acadiens revenaient, ils verraient les progrès d'agriculture qui ont été réalisés par Sarcey de Sutières, etc...]
suggère d'envoyer tout de suite les "Normands" (les Acadiens en Normandie) sans attendre les "malouins" ; dispositions qu'il faudra prendre pour les loger.
" M. Lemoyne, auquel entre vous et moi je connais des vues toutes opposées au succès de cet établissement vous a dit que les familles établies à BIM n'ont coûté au département de la marine que 62,399 livres 18s. Cela est très vrai mais il ne vous a pas dit ce que la Province de Bretagne y a mis et qu'en outre toutes ces familles avaient encore ailleurs beaucoup d'argent qu'elles ont consommé à leur établissement et finalement elles s'y sont si bien ruinées que plusieurs ont déserté et M. le C.G. a été obligé de secourir les autres, sans parler de ce que l'abbé LL y avait mis du sien pour les secourir. "
Pérusse présentera aussi à Blossac prochainement un plan pour éviter que "plusieurs familles logent dans la même maison". (...) Je ne crois pas qu'il soit prudent d'engager les Acadiens de Saint-Malo d'envoyer [sic] ici. Ces gens là se sont prévenus et sont soutenus dans leurs préventions par une clique de bureaux et peut-être par M. Lemoyne lui-même. J'ai sur cela beaucoup de choses à vous dire, qu'il serait trop long de vous écrire, mais je pense que pour le moment il faut les laisser et l'été prochain ils viendront d'eux mêmes voir le succès de leurs camarades. Ils verront de l'ouvrage fait que les décidera bien mieux.
" (...) Quant aux terrains à laisser vacants on sera à temps d'en conférer à votre retour. Il y a du pour et du contre. Je saurai au juste d'ici à quelques temps combien j'en ai car on les arpente actuellement, mais tous mes terrains ne se touchent pas et je veux faire en sorte cependant que la colonie ne soit pas divisée, ce qui m'a fait faire un arrangement avec M. l'évêque et autres. [RED] "
Notes
DSCN2925.JPG
cette lettre est une réponse à la lettre du 1773-07-17
Mots-clés
// RED
// perception (des paysans locaux)
// CRPV
// Poitou
// BIM
Numéro de document
001777