Document : 1772-11-18b

Références / localisation du document

BM Bordeaux, MS 1480, f°191-213// f° 106-117 // RAPC 1905 p. 223 et suiv. // ANC, MG1-C11D8 ou MG1 - 18 C11D8 (microfilm des originaux F 175, volume 8, f° 303 et suivantes du registre)

Date(s)

1772-11-18b

Auteur ou organisme producteur

Lemoyne

Destinataire

Boynes

Résumé et contenu

Lemoyne à de Boynes. Résumé des divers projets (BIM, Corse...) et présentation de son idée de 6 années en 3.

Un résumé de ce mémoire se trouve fiche précédente. Le résumé qui suit est très succinct et non exhaustif.
Projet d'attachement à la glèbe. Refus de passage à une domination étrangère.
Plusieurs évocations de projets d'association d'Acadiens.
Demande de Lemoyne de donner les secours en 3 ans au lieu de 6.
Présentation des Acadiens suivant leurs occupations : laboureurs, charpentiers ; constructeurs de chaloupe ou de navire ; pêcheurs, saleurs ; Terre-neuviens ;
Femmes : peuvent être vaguement utiles pour les défrichements ; la plupart des jeunes sont couturières ;
Détail des métiers de tous les artisans avec leur nombre à chaque fois.
Vieillards ne peuvent être qu'à charge.
Dernière "classe" : celle de ceux qui ne font rien depuis plusieurs années et qui risquent de "donner la réputation de paresseux à un grand nombre". Il faut faire attention à adapter les moyens aux classes et à mélanger les individus.

Lemoyne ensuite se répète : glèbe ; 6 ans en 3 : tous les avantages selon L.
Il faut trouver des terres aux familles : publicité et renseignements auprès des eaux et forêts sont nécessaires. Détails des dépenses à faire et comparaison avec d'autres projets : détail des dépenses faites à BIM et du projet de Corse.
Présentation ensuite de son propre plan, basé sur les 6 ans en 3.
Il faudra inspecter les établissements car beaucoup d'Acadiens "demandent à être veillés". Paternalisme. "Les Acadiens méritent et de l'humanité et du patriote[isme ?, mot coupé]."
Le texte continue sur des réflexions de L. : seul son plan est bon et c'est le seul moyen d'établir les Acadiens ;
Présentation ensuite de quelques terrains qui lui paraissent susceptibles d'accueil des Acadiens.
Blaye. Présentation des terrains, dégradés, forêt bonne à rien ; de l'eau à boire ; perspectives de cultures ; on pourrait établir à un endroit 25 familles ; historique de la situation : évocation de l'arrêt fait voter par Boutin en 1764 ; il évoque le problème du fait que les terrains ne peuvent être vendus qu'à des locaux, mais il estime que les locaux peuvent bien rétrocéder le droit au gouvernement d'acheter les terres pour les Acadiens.
Il estime qu'il ne faut pas acheter tout le terrain mais qu'il faut en laisser largement aux locaux [un peu plus loin il explique que cela ferait taire l'opposition des locaux]. L'achat de la moitié du terrain permettrait d'établir 95 à 100 familles.
"Je pense cependant qu'il ne faut pas prendre tout[es les terres], afin de ne pas dépouiller le propriétaire [les villages] en entier, il faut lui laisser au delà de ce qu'il peut exploiter ; la moitié suffira à l'aise pour 95 à 100 familles. Elle ne coûtera qu'une somme de 8 000 livres, fut-ce 16 000, l'excédent de fond qui se trouvera sur les 3 années, tous les établissements formés ne sera pas beaucoup diminué."
"Suivant l'arrêt du conseil du 3 mars cette somme doit être donnée aux 19 paroisses au prorata des portions que l'on prendra sur elles, l'objet leur est peu intéressant, mais il leur restera encore de quoi profiter de l'avantage que l'arrêt leur réserve et au delà de leur pouvoir, conséquemment de quoi faire taire leur représentations ; l'opposition que les paroisses pourraient apporter serait si déraisonnable que se renfermant dans la plus exacte justice, on pourrait n'y avoir aucun égard : qu'ils défrichent, ou qu'ils laissent défricher".
De plus, ne peut-on pas donner aux Acadiens qualité de domiciliés de Blaye, de Saint-Savin (?), de Plassac, etc..., ne peut ont pas en distribuer dans chacune des 19 paroisses ; le Roi ne peut -il pas les y fixer ? Blaye montrerait je crois l'exemple de les accepter."
L. estime que les propriétaires seront nombreux à vouloir des Acadiens si on applique ces dispositions.
Il faudra des traités pour éviter la cupidité des hommes (exploitation des Acadiens). [si cela ne s'applique pas aux individus actuels, cela pourrait s'appliquer à leurs descendants]
Par ailleurs, il faudra un traité par province :
"Il faudra pour chaque province un traité particulier ; mais dont la base sera toujours de transmettre la propriété aux familles, de les laisser jouir des défrichés pendant un certain nombre d'années, en toute franchise?".
Il faut aussi que les Acadiens consentent (très important selon Lemoyne). Importance de sonder les chefs : "le plus grand nombre entraîné, le reste suivra". Evocation des discussions qu'il faudra avoir avec eux pour démonter les idées chimériques.

Il faut continuer la recherche des terrains sans perdre de temps, mais le choix des terrains doit être fait avec précaution : "Le choix à en faire [des terrains] est intéressant non seulement à cause des talents des individus, surtout des marins qu'il faut placer le plus près qu'il sera possible des côtes, mais aussi à raison des provinces et de l'esprit des voisins, que l'on sera forcé de donner aux Acadiens. Il n'est pas douteux que dans plusieurs endroits ils seront regardés de mauvais oeil, quoique les défrichements qu'ils devront faire ne puissent qu'être avantageux à ceux qui les avoisineront."

quelques recommandations ensuite pour la personne qui sera chargée d'aller visiter les Acadiens pour "les instruire de ses vues, développer leur façon de penser" etc.


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Mémoire. Envoyé copie à M. de Boynes le 18 novembre 1772.
Extrait du mémoire envoyé page 188.

Monseigneur,

[passage également écrit en minuscule dans la marge [exactement le même texte, mot à mot, j'ignore le but]
Je vous supplie de me permettre quelques réflexions sur la volonté où vous êtes de fixer les bienfaits du Roi aux familles acadiennes à six années d'entretien, le même que le Roi leur a donnée depuis qu'elles se sont réfugiés en France. Ce projet m'entraîne à traiter avec détail ce qui les regarde. Je vais avoir l'honneur de vous mettre sous les yeux tout ce qui a été fait jusqu'à présent ; les moyens que le ministre s'est proposé d'employer, ceux qui peuvent s'espérer au moment et se concilient avec vos vues [tout ce passage souligné dans le texte].
Le ministre s'est toujours proposé d'attacher les Acadiens à la Glèbe ; il l'a regardé comme le seul moyen qui put leur assurer une existance assez certaine, pour anéantir le besoin des secours que l'Etat leur doit et leur accorder, et décharger le gouvernement des inquiétudes qu'il ne peut s'empêcher d'avoir sur un peuple qui mérite ses bontés.
On n'a point varié sur ce projet, ce but à attendre a été le seul qui ait occupé, il est la première promesse qu'on a fait aux Acadiens, ils y ont mis toutes leurs espérances ; le refus qui leur a été fait plusieurs fois de les laisser passer à une domination étrangère (demande à laquelle la misère extrême [alliée, probablement, mot manquant] à la crainte d'être trouvé trop à charge les portait), a toujours été appuyée du motif qu'on voulait les rendre propriétaires et les dédomager de l'abandon des biens qu'ils possédaient en acadie.
Je vais discuter autant que je le pourrai, M., ce qui peut assurer la réussite du moyen que vous vous proposez pour leur établissement.
Les Acadiens ont été si constamment entretenus dans l'espérance d'être attachés à la Glèbe, qu'ils ont eu presque continuellement des projets d'association, pour le moment où le gouvernement mettrait ses promesses à exécution ; j'ai été moi même chargé de les assurer de ces vues. Je l'ai fait, et je ne dois pas, Monseigneur, vous le laisser ignorer, on ne peut leur faire perdre cette espérance sans les jetter dans le désespoir. Il n'est pas impossible de remplir leurs voeux, par le moyen que vous vous proposez [au dessus, en plus petit : qu'on se propose] ; mais tel qu'il se présente, il est trop dépendant de tiers coopérateurs qu'il faudrait acquérir et mettre en action au moment, et encore y mit on la plus grande activité, ce moyen s'évanouiera sans fruit, si on ne lui donne pas plus de fonds. Ce peuple consommera [consummera ?] journellement pour les premiers besoins indispensables, le secours que le Roi veut bien lui accorder et restera dans la misère, d'où vous voulez le retirer : sera-t-il possible que l'Etat l'abandonne ?
Je vais d'abord, M., vous présenter les différentes classes qui peuvent distinguer les masses des individus. Il est essentiel que vous les connaissiez. Elles doivent décider la répartition des moyens.
Presque tous les Acadiens qui avaient âge d'homme en 1758, qu'ils se sont déterminés à abandonner leur pays, sont laboureurs et cultivateurs, un grand nombre de ces laboureurs sont encore charpentiers de grosse hâche capables de construire leurs maisons en bois. Il en est qui sont marins, d'autres ouvriers. [en marge : laboureurs : se compte 172 simple ; 25 marins ; 48 charpentiers ; 2 forgerons ; 17 scieurs de long]
Quelques uns sont constructeurs de chaloupes de pêche, un l'est de bâtiments marchands.
Un très grand nombre outre ces talents étaient pêcheurs et saleurs, ils ont continué tant qu'ils ont pu cette profession en s'embarquant pour la pêche du (?) petit nord de terre neuve et des Isles Saint-Pierre et Miquelon ; la jeunesse de cette époque a suivi les hommes, elle s'est instruite et un assez grand nombre de garçons sont devenus pêcheurs et marins, mais n'ont jamais travaillé à la terre. [en marge : 51 hommes de mer, pêcheurs et saleurs quelques uns (?) forts et charpentiers]
Les femmes qui à cette époque étaient d'age à travailler à la terre ou aux petits travaux des biens de campagne et qui les ont pratiqué dans l'Acadie, peuvent être utiles dans les défrichements ; mais les jeunes filles de ce temps seront peu utiles, si ce n'est pour l'intérieur du ménage. [en marge : presque toutes les femmes savent coudre et tricotter un grand nombre filent la laine et le coton ; il en est qui sont brodeuses, dentellières, bonnes (?) lingères, quelques unes ... pour femme et pour terminer, plusieurs (?) domestiques, 45 sont tisserandes en toile ou en laine. Il n'y a qu'une seule sage femme]. Elles ont appris à coudre et filer, à tricotter et quelques unes de celles dont les mères travaillent à la laine et en fabriquaient des étoffes ont appris ce métier.
Il est un nombre de gens de métier qui ne sont point cultivateurs. [en marge : 36 simples ouvriers : 1 Chirurgien, 11. scieurs de long, 3 Charrons ; 4 forgerons ; 4 tailleurs d'habits ; 1. boulanger ; 1 péruquier ; 3. sabotiers ; 3 menuisiers ; 2 Cordiers ; 1 voilier [N. m. (1567) Mar. Homme qui fait ou raccommode les voiles ; 1 chaufournierr [travaille dans les fours à chaux] ; 1 tapissier].
Il est des enfants orphelins, des femmes veuves chargées d'enfants, êtres isolés qui pour eux mêmes ne peuvent presque rien.
Il est des veilliards, des infirmes absolument hors d'Etat d'être employés aux défrichements et qui ne peuvent être que fort à charge [infirmes : 35 hommes ; 45 femmes].

J'ose encore faire une classe de ceux qui dans l'inaction depuis nombre d'années auront perdu l'habitude du travail et ne pourront la reprendre qu'à la longue, ce qui ne peut dégouter ceux qui voudront les employer et donner la réputation de paresseux à un grand nombre. Il faut pour chacune de ces classes des vues et des attentions particulières ; il faut combiner les moyens à raison des individus et les associations des individus pour qu'ils puissent s'aider et se supplier réciproquement par la communication et des talents et des forces.
Le vrai moyen à employer celui qu'on a toujours eu en vue, celui qu'on n'a cessé de leur présenter est, comme je l'ai dit, la glèbe, lui seul peut les mettre en état de subsister par leurs propres travaux, leur assurer un bien être et anéantir le besoin des secours que l'Etat ne peut leur refuser.
Six années de secours que le Roi veut bien encore accorder, peuvent servir pour l'exécuter dans toute l'étendue désirée, il n'est question que de les administrer convenablement.
Si les fonds de six années peuvent suffir à les attacher à la glèbe et à les entretenir jusqu'à ce qu'ils soient en récoltes, il me semble que vos vues, M., sont remplies.
Je vais d'abord discuter les opérations que le gouvernement peut faire lui même, l'application s'en fera aisément aux particuliers qui voudront l'aider.
Six années de subsistance à 108 # par an et par tête occassionnent pour chaque tête 648 # de dépense et pour une famille de six personnes 3 888 #.
Au lieu de faire cette dépense en 6 années, ne peut-on pas la faire en trois ; la finance en sera un peu plus génée, mais le bien sera atteint ; au lieu qu'en divisant ce secours en six ans, il n'est pas possible d'en tirer le moindre avantage, le pain journalier absorbe tout absolument.
Il faut donc d'abord assigner des terres aux familles. Le ministre doit sans perdre un moment se faire rendre compte par les intendants des terres du domaine susceptibles d'être concédées qui existent dans leur généralité ; il leur fera passer des ordres pour les visiter et dresser procès verbal et donner leur avis. Il sera bon de prendre encore des lumières des grands maitres des eaux et forets : les terres vagues et vaines, susceptibles néanmoins de bonnes cultures, ne sont pas rares et la concession en sera donnée de préférence aux Acadiens : ce point ne peut souffrir aucune difficulté.
Voici l'administration économique que je propose des fonds. Je demande qu'au lieu de les faire en six années, ils soient faits en trois. Je double alors le secours et au lieu de 108 # assignés pour chaque tête j'assigne 216 # ce qui assure à chaque famille composée de 6 personnes 1 296 #. Je ne donne néanmoins à chaque famille que 648 # pour sa subsistance et encore je ne distribue cette somme que par quinzaine. Il doit être établi un administrateur qui par quinzaine fera délivrer en nature le blé ou la farine nécessaire pour la subsistance de la famille, et donnera le surplus seulement en argent. Cette administration assure l'article du 1er besoin, le pain, ce qui est essentiel pour le général. Le gouvernement protegera l'approvisionnement des blés et farines.
Les 648 # restants doivent être uniquement employés à l'établissement en bâtiments, en outils aratoires, en bestiaux, etc.
Pour diriger l'emploi des fonds, il faut constater ce qu'il en coutera pour établir une famille.
Pour l'établissement de 78 familles à BIM (début des essais qu'on se proposait et qui n'ont point eu de suite), il en a coûté en total 56 000 #.

En voici le détail [suit un tableau sur une page avec tout le détail des dépenses ; cf. document déjà retranscrit ci-avant, le mémoire de Le Loutre, que Lemoyne recopie ici et qu'il a visiblement sous les yeux].
Ainsi, chaque famille a couté 717 # 19 s. Mais il faut dire que cet établissement a été secouru aux frais du Roi, de bâtiments de mer pour les transports, de quelques familles et pour celui de quelques matériaux et bestiaux et que le Roi a fait aussi ceux de l'administration. Il faut dire de plus que M. l'abbé Le Loutre n'a jamais voulu rien recevoir des Etats, même les remboursements de ses frais personnels. Ainsi il faut ajouter par évaluation ce que ces dépenses auraient couté. Je crois les outrer (?) en les portant par familles à 82 #, ce qui fait monter la dépense en total à 62 399 # 18 s. et pour chaque famille à 800 #.

Voici le projet de la dépense présenté pour l'établissement d'une famille en Corse, ce projet est de M. Delisle :
Il devait être donné à chaque famille par le gouvernement :
[suit une liste de dépenses pour le bétail, les outils, une "petite maison que le Roi ferait bâtir et qui dans la suite, lorsque le colon aurait été en état de s'en faire bâtir une plus commode, lui aurait servi d'étable (449 #) ; vêtements ; semence ; 9 mois de vivres ; au total : 1 500 #
Ces 1 500 # n'étaient point donnés mais seulement prêtés pour 5 ans à la sixième les familles devaient rembourser ces avances, avec les intérêts progressifs de la 1ère à la 5e année inclusivement, à raison de 5 % et de plus, à la sixième, elle devait 5 # de redevance par arpent, qui lui aurait été concédé. Elle devait encore contributer aux impositions à raison de 50 s. par arpent, on lui concedait 13 arpents 1/2. Par ce calcul, chaque famille à la sixième année outre le remboursement des avances avec les intérêts, se trouvait chargé de 101 # 5 s. par an.
Il est vrai qu'on lui donnait 10 ans pour le remboursement ; après ce terme, chaque famille pour se liquider, aurait eu à compter de la sixième année juqu'à la quinzième inclusivement 346 # 5 s., à payer, sur le produit qu'elle aurait pu tirer de 13 arpents, 1/2 de terre et pour la suite annuellement pour les redevances et charges fixées à 7 # 10 s. par arpent, pour chaque année 101 # 5 s.
J'ai cru devoir présenter ce plan, mais je crois inutile de le discuter, il ne me parait pas dans les vues du ministère.
J'espère montrer que, si les fonds de six ans que le ministre se propose d'accorder étaient faits en trois années, et les payements pour ce qui reviendrait à chaque famille bien assurés, de six mois en six mois, les six premiers mois d'avance, on peut avec des attentions économiques et la protection du gouvernement, rendre les 6s par jour suffisant, pour assurer la subsistance et du surplus à faire toutes les avances nécessaires aux établissements.

Voici mon plan
[il réexplique son plan de distribuer les secours en trois ans au lieu de six. Détails ensuite : logement de la famille : le Roi pourrait donner quelques pièces d'arbres de pas trop bonne qualité, ou les faire payer pas trop cher.
"il convient d'associer deux familles ensemble afin qu'elles s'aident réciproquement dans la construction des bâtiments, dans les [...] forts travaux des défriches". [...] "en attendant qu'elles puissent être logées, il est indispensable de les placer dans les villages, bourgs, ou hameaux les plus près du lieu où ils devront s'établir".
suit le détail de l'emploi des 1 296 # : 2 paires de boeufs [500 #] ; charette ; outils arratoires ; logement pendant la première année, etc...
"Je crois cette somme de 507 # d'autant plus suffisante que les Acadiens mettront la main à l'ouvrage, qu'ils feront leurs charpentes, les transports etc..."
Il fait ensuite des projections sur la vitesse et l'avancement des défrichements, à la fin de la première année, et ainsi de suite.
"Ce début en société doit opérer l'habitude de s'aider mutuellement, ce qui est nécessaire jusqu'à ce que chaque famille ait sa charrue montée de 4 boeufs".
"Ce plan me parait utile et son succès facile et certain entre les mains de gens de volonté. Il y en a beaucoup dans les Acadiens, mais il y en a peut-être un grand nombre qui demandent à être veillés, surtout si l'existence animale est assurée, soit qu'ils travaillent ou non, il faudra de toute nécessité inspecter les établissements, suivre les travaux et ne distribuer de l'argent que pour des emplois rééls. Il faut à ces familles un père, qui les force à travailler à leur plus grand avantage. Il leur faut des surveillants sur les lieux ; elles seront éparses, cela est embarassant, mais n'est pas impossible ; des chefs de ces familles choisis, des subdélégués, des curés, des officiers municipaux des gentilshommes de confiance peuvent être ces surveillants et correspondre avec les dépositaires plus particuliers de la volonté du gouvernement un ou deux inspecteurs suffiront, pourvu qu'ils veuillent se donner la peine de visiter souvent les différents établissements, forcer à ce qui sera prescrit et rendre les comptes les plus fidèles au ministre chargé de l'exécution des volontés du Roi. Peut-il manquer absolument d'hommes qui aiment à faire le bien ; il existe des âmes sensibles ; les Acadiens méritent et de l'humanité et du patriote[isme ?, mot coupé]."

le texte continue sur des réflexions de L. : seul son plan est bon et c'est le seul moyen d'établir les Acadiens ; extrait : "j'ai donné ce projet dès 1766. Si on l'eut exécuté, ces familles seraient établies depuis 3 ans, le ministère serait depuis ces trois ans déchargé de toute inquiétude et les produits de leur cultures payeraient à l'Etat amplement les intérêts des avances qu'il aurait fait."
Il faut d'urgence chercher des terrains susceptibles d'accueillir les Acadiens (terres bonnes et eaux bonnes à boire) ; les intendants doivent aider ainsi que les maîtrises des eaux et forêts. Il faut ensuite faire visiter les terres par les Acadiens, faire des plans précis d'installation, et envoyer ces plans au ministre.

Présente ensuite quelques terrains qui lui paraissent susceptibles d'accueil des Acadiens.
Blaye. Présentation des terrains, dégradés, foret bonne à rien ; de l'eau à boire ; perspectives de cultures ; on pourrait établir à un endroit 25 familles ; historique de la situation : évocation de l'arrêt fait voter par Boutin en 1764 ; il évoque le problème du fait que les terrains ne peuvent être vendus qu'à des locaux, mais il estime que les locaux peuvent bien rétrocéder le droit au gouvernement d'acheter les terres pour les Acadiens.
Il estime qu'il ne faut pas acheter tout le terrain mais qu'il faut en laisser largement au locaux [un peu plus loin il explique que cela ferait taire l'opposition des locaux]. L'achat de la moitié du terrain permettrait d'établir 95 à 100 familles.
"Je pense cependant qu'il ne faut pas prendre tout[es les terres], afin de ne pas dépouiller le propriétaire [les villages] en entier, il faut lui laisser au dela de ce qu'il peut exploiter ; la moitié suffira à laise pour 95 à 100 familles. Elle ne coutera qu'une somme de 8 000 livres, fut-ce 16 000, l'excédent de fond qui se trouvera sur les 3 années, tous les établissements formés ne sera pas beaucoup diminué.
Suivant l'arrêt du conseil du 3 mars cette somme doit être donnée aux 19 paroisses au prorata des portions que l'on prendra sur elles, l'objet leur est peu intéressant, mais il leur restera encore de quoi profiter de l'avantage que l'arrêt leur réserve et au dela de leur pouvoir, conséquemment de quoi faire taire leur réprésentations ; l'opposition que les paroisses pourraient apporter serait si déraisonnable que se renfermant dans la plus exacte justice, on pourrait n'y avoir aucun égard : qu'ils défrichent, ou qu'ils laissent déffricher.
De plus, ne peut-on pas donner aux Acadiens qualité de domiciliés de Blaye, de Saint-Savin (?), de Plassac, etc..., ne peut ont pas en distribuer dans chacune des 19 paroisses ; le Roi ne peut -il pas les y fixer ? Blaye montrerait je crois l'exemple de les accepter."
"Je ne donnerai de détails que sur ces deux portions de terrain, mais il en est tant de cette nature et dans tant de lieux que la concession des terrains ne me parait pas une difficulté pour les établissements.
J'observe que la distribution des terrains aux familles exigent des combinaisons qui ne peuvent être faites, que d'après les leurs particulières ; elle exigera aussi des soins et peut-être une main ferme pour les protèger dans leurs défrichements."

L. estime que les propriétaires seront nombreux à vouloir des Acadiens si on applique ces dispositions.

"Tout ce qui sera traité par [pour ?] les Acadiens avec les particuliers doit l'être avec bien des précautions. Les usages des provinces doivent guider à beaucoup d'égards, et quoique la cupidité doive être satisfaite de tirer quelques fruits de rien, elle est si prédominante sur les actions des hommes ordinaires et s'insinue si aisément dans l'esprit de ceux qui l'ont peu senti, faute d'occasion, qu'il est peu de ceux avec qui l'on fera contracter les Acadiens, qui puisse exempter de l'attention la plus grande."
[si cela ne s'applique pas aux individus actuels, cela pourrait s'appliquer à leurs descendants]
Par ailleurs, il faudra un traité par province :
"Il faudra pour chaque province un traité particulier ; mais dont la base sera toujours de transmettre la propriété aux familles, de les laisser jouir des défrichés pendant un certain nombre d'années, en toute franchise, que les terres seront exemptes de lots et ventes à la 1ère mutation, même à la 2e entre Acadiens seulement et ne seront point sujettes au retrait féodal, pour un terme aussi étendu qu'il sera possible, il faudra y spécifier formellement toutes les conditions particulières, en un mot entrer dans le plus grand détail des engagements, et de leur réciprocité".
J'observe qu'il est essentiel de faire goûter aux Acadiens le projet qui sera arrêté par le ministre ; adopté par eux, ils se porteront avec zèle à son exécution ; au contraire, s'ils y répugnent que de peine pour eux d'éxecuter et pour ceux chargés de le leur faire exécuter pour y réussir, il faut discuter avec eux ; les hommes voient mieux et plus dans leur propre affaire que les tiers les plus zélés pour leurs intérêts.
Je crois qu'avant d'arrêter un projet, il serait bon de sonder les chefs qui ont le plus de crédit ; le plus grand nombre entrainé, le reste suivra ; pour cela il faudra les voir, raisonner avec eux, leur faire sentir la bonne volonté du gouvernement, toutes la reconnaissance qu'ils lui doivent, tous les efforts qu'ils doivent faire pour correspondre à ses vues, et beaucoup appuyer sur leur position, sur les risques qu'ils ont à courir, s'ils ne profitent pas des bontés des ministres qui les protègent, leur faire connaître le bonheur que leur dévouement et leur activité leur promet et ce qu'ils ont à craindre, s'ils donnent des sujets de mécontentement, leurs têtes sont démontées, elles sont remplies d'idées chimériques de fortune, il faut les remettre dans le vrai de leur position ; les caresser mais leur dire vrai avec fermeté."

Il faut continuer la recherche des terrains sans perdre de temps, mais le choix des terrains doit être fait avec précaution : "Le choix à en faire [des terrains] est intéressant non seulement à cause des talents des individus, surtout des marins qu'il faut placer le plus prêt qu'il sera possible des côtes mais aussi à raison des provinces et de l'esprit des voisins, que l'on sera forcé de donner aux Acadiens. Il n'est pas douteux que dans plusieurs endroits ils seront regardés de mauvais oeil, quoique les défrichements qu'ils devront faire ne puissent qu'être avantageux à ceux qui les avoisineront."

quelques recommandations ensuite pour la personne qui sera chargée d'aller visiter les Acadiens pour "les instruire de ses vues, développer leur façon de penser" etc.

Notes

cf. aussi résumé du mémoire (extraits) fiche précédente [# 154] ; écrit le 15 novembre 1772 ;
j'avais d'abord copié ce mémoire à partir du Ms 1480, mais j'ai ensuite retrouvé ce document dans C 11 D 8 ainsi qu'une transcription de ce document dans RAPC 1905 (je pourrais faire une collation du texte à partir de là si je veux vérifier certains mots difficiles). Le texte du RAPC n'est que partiellement retranscrit (à partir d'un moment, ce n'est plus qu'un résumé), et comprend quelques variantes par rapport à ce texte (notamment l'emploi de la troisième personne au lieu du "vous", qui laisse peut-être penser à une copie envoyée à un autre destinataire que de Boynes mais c'est plutôt que le MS 1480 doit être un brouillon. Le texte du RAPC avait comme titre : "Mémoire pour établir les Acadiens vers Blaye" et occupait la fiche @ 1208, supprimée.

Mots-clés

// mauvais oeil
// glèbe
// association
// RED
// paternalisme
// glèbe
// BIM
// Blaye

Numéro de document

000155