Document : 1775-11-26b

Références / localisation du document

ADV J dépôt 22, art. 124-1

Date(s)

1775-11-26b

Auteur ou organisme producteur

Pérusse

Destinataire

M. de la Croix [secrétaire du C.G. je pense]

Résumé et contenu

Toujours sur le projet d'émigration en Amérique des mutins de Nantes. La distribution de secours a dégénéré. Il reste élogieux du gros des Acadiens.

Pérusse à de la Croix. 3e convoi sur le point de partir. Plusieurs Acadiens veulent rester pendant l'hiver dans le Poitou même s'ils ne veulent pas s'y fixer. Ne croient pas que c'est vrai que le C.G. veut les envoyer en Corse. Pensent avoir des protecteurs haut-placés. Répète lettre précédente : projet de saisir un bateau et de le détourner vers l'Amérique. Préconise de laisser partir les 3 chefs de cabale, envoi en Corse ou "à la Louisiane où Jean-Jacques Leblanc a toujours dit qu'il voulait aller, ou partout ailleurs même en Acadie ou en Angleterre". Les laissera aller avec leurs familles. Ce départ = seul moyen de rendre le calme.
Les Acadiens avaient mérité leur solde et en avaient besoin au début, mais cela est devenu une habitude et a dégénéré en abus. On peut être certain qu'ils dénigreront toujours l'établissement qu'on leur proposera. Malgré le petit nombre de "gens dangereux", Pérusse continue à croire que les Acadiens "sont la meilleure espèce de population que je connaisse" : bonnes moeurs, probité, etc... Est certain que les Acadiens s'ils n'ont pas de solde à Nantes demanderont à revenir dans le Poitou. Pérusse semble persuadé que les Acadiens n'auront plus de solde puisqu'il s'apitoie (faussement ?) sur le sort de quelques veuves qui ont du suivre leur famille et donc quitter le Poitou (et leur solde).

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Monthoiron, 26 novembre 1775. à M. de la Croix.

Trouve peut-être que sa correspondance est bien vive, mais il est obligé à cause du chaos qu'il règne ici. Le 3e convoi se dispose à partir. "La rigueur de la saison a un peu ralenti l'impression générale que tous faisaient paraître pour leur transport à Nantes et plusieurs familles (...) demandent à ne quitter le pays qu'après l'hiver, sans témoigner cependant nul désir de s'y fixer. Ils croient "supposées" [autrement dit fausses ?] les lettres qu'on leur lit du C.G. où on leur annonce leur départ pour l'île de France ou la Corse ou la suspension de leur solde. En effet, leurs "prétendus députés" disent avoir reçu des protecteurs qu'ils ont auprès du C.G.
Selon eux, on ne pourra pas les envoyer sous des climats auxquels ils ne résisteraient pas. Plus loin, Pérusse parle des députés qui les trompent par des "lettres supposées des prétendus protecteurs dont ils se targuent". Reparle du projet de saisir un bateau en mer : "il se répand sourdement parmi eux depuis quelques jours un projet formé par les susdits 3 chefs de cabale depuis leur arrivée à Nantes, d'après lequel il paraît que presque toute la bande doit après avoir quitté le Poitou demander à être transportée en Corse, et sous le prétexte de cette destination s'emparer en pleine mer des bateaux marchands qui les y conduiront et s'aller joindre ensuite aux Américains [révoltés, barré] si divisés aujourd'hui contre l'Angleterre. Ce projet, quoique difficile, ne leur serait pas impossible à exécuter vu la quantité de bons marins qui existent parmi eux, et les 3 hommes en question ainsi que quelques autres que je connais sont fort capables de l'invention de ce projet et même de son exécution et je crois qu'il serait nécessaire à tout événement de prendre des mesures pour éloigner au plus tôt de Nantes ces 3 personnages là, soit en les faisant transporter tout de suite en Corse s'ils veulent y aller, ou même en leur donnant la clé des champs en leur permettant d'aller soit à la Louisiane où Jean-Jacques Leblanc a toujours dit qu'il voulait aller, ou partout ailleurs même en Acadie ou en Angleterre, mais enfin les obliger tous les trois à sortir du Royaume, leur accorder même de les faire suivre par ceux de leurs très proches parents et adhérents qui désirent prendre cette même route. Je ne vois que ce moyen là de remettre le calme parmi les Acadiens. Ce peuple malheureux a mérité par son attachement les bontés du Roi, la solde qu'il a bien voulu leur donner depuis 18 ans, et qui dans le premier moment leur était une grâce nécessaire à leur subsistance, est dégénérée en abus. Ils se sont accoutumés à ce secours, qui a fait perdre à la plupart toute idée de travail, aussi ont ils jusqu'à présent éludé tous les établissements dont la fin devait être la cessation de cette solde, et vous devez être persuadé que le plus grand nombre dénigrera toujours l'établissement qui lui paraîtra le plus prochain et promettra de se fixer à celui qu'il verra le plus dans l'éloignement. [c'est pour cela qu'ils disent vouloir aller en Corse, persuadés que cela ne réussira pas]. : Ils disent presque tous aujourd'hui qu'ils veulent aller en Corse persuadés que lorsqu'ils seront arrivés les mêmes raisons qui les ont empêché d'y être établis en 1770 (où le même Basile Henry et cinq ou 6 autres de leur nation) furent envoyés pour reconnaître des terrains, subsisteront encore aujourd'hui mais la solde lui suivra et c'est tout ce qu'ils désirent.

Pérusse dit qu'il connaît assez ce peuple "pour donner mon avis sur ce qui les regarde. Il existe parmi eux quelques gens dangereux dont il est essentiel de se défaire, mais certainement le plus grand nombre de ceux qui ne sont ni marins ni artistes (?) utiles dans les ports de mer sont la meilleure espèce de population que je connaisse et gens (?) qui travailleront très bien lorsque leur crédulité et leur bonhomie ne seront point séduites [par les députés]. (...) Ils ont des moeurs et par conséquence la probité si nécessaire parmi les hommes. " (suggère d'envoyer quelques familles en Corse et d'envoyer plus tard les autres si celles-ci réussissent.

Ne doute pas que les Acadiens qui auront été deux ans à Nantes sans solde demanderont à revenir dans le Poitou. Suggère de supprimer la solde aux marins (momentanément) et définitivement pour les mutins (pour inciter les autres à retourner dans le Poitou). Il faudrait, si ce n'est exiler complètement les mutins, du moins les éloigner suffisamment pour qu'ils ne soient plus à portée de communiquer facilement avec les autres Acadiens.

Il y a parmi ceux [qui sont partis] quelques veuves (?) que j'ai vu partir avec peine vu le besoin qu'elles ont des grâces du Roi [que Pérusse croit devoir être supprimées prochainement et qu'elles perdront], mais elles ont été obligées de suivre leurs proches parents et je n'avais aucun droit de m'y opposer. Il sera peut-être [de la bienfaisance du Roi] de statuer quelque chose de particulier pour elles.

Notes

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Mots-clés

// DAN
// protecteurs
// repartir : Amérique insurgés (Acadie) - Louisiane : JJ Leblanc a toujours dit qu'il voulait y aller.
// perception : quelques gens dangereux mais les laboureurs sont la meilleure espèce de population que P. connaisse.

Numéro de document

001837