Document : 1774-04-27

Références / localisation du document

ADV J Dépôt 22 art. 124-2

Date(s)

1774-04-27

Auteur ou organisme producteur

Pérusse

Destinataire

Lemoyne

Résumé et contenu

Lettre amère de Pérusse à Lemoyne "vous faites de moi un aride et mercenaire entrepreneur".

Résume rapidement l'historique de la situation pour prouver qu'il n'a pas copié les idées de Lemoyne puisqu'il ne l'a connu que tardivement (rencontré en octobre 1773). A l'occasion de cette première rencontre, Pérusse pensait que c'était Lemoyne qui avait donné des informations et des idées contre les Acadiens au C.G. Mais Lemoyne lui a dit du bien des Acadiens. Donne ensuite des détails des calculs qu'il convient de faire pour constater que l'établissement coûte cher dans le Poitou.

---------------
Lettre de Pérusse à Lemoyne, Monthoiron, 27 avril 1774. La fameuse lettre où Pérusse s'emporte contre Lemoyne.


A Monthoiron, le 27 avril 1774.

M. de Blossac m'a communiqué, la copie que vous lui avez adressée de deux mémoires donnés par vous à M. le C.G. Ils auraient lieu de m'affecter si j'avais été à portée d'être plus connu de vous que je ne le suis ; car je ne pourrais me dissimuler que vous n'eussiez de moi les idées les moins faites pour me flatter. Pourquoi affecter, Monsieur, de vouloir faire de moi un aride et mercenaire entrepreneur, pendant que je ne le suis ni veut ni ne puis l'être et je ne vous l'ai pas laissé ignorer ; je veux bien ne pas chercher à m'offusquer sur cela. Je sens que vous n'êtes pas obligé de me connaître et que vous m'avez pris apparemment jusqu'ici pour un gentillâtre de province de l'avidité duquel le gouvernement et les Acadiens doivent se méfier ; grâce à Dieu je ne suis point cela et je suis plus véritablement occupé que personne du vrai bonheur des Acadiens ; au reste, Monsieur, vos mémoires disent de fort bonnes choses que j'ai eu le mérite de penser comme vous mais dont plusieurs cependant sont soumises aux circonstances locales. Je ferai tout ce qui sera possible pour remplir les vues de Monsieur le C.G. M. de Blossac est je crois dans les mêmes sentiments mais on ne peut que le possible.
Vous avancez, Monsieur, que c'est d'après la connaissance que j'ai eu de vos plans et calculs économiques que j'ai appliqué les vues du ministre à mes desseins particuliers. Si cela était, il n'y aurait pas grand mal, mais je ne puis me refuser de vous remettre sous les yeux l'exacte vérité et la voilà : je n'ai jamais parlé Acadiens à M. de Boynes. Je n'ai pu soutirer vos mémoires du bureau de la marine n'y connaissant personne et lorsqu'au mois de juillet 1772 M. Bertin me proposa de prendre des Acadiens, je n'avais jamais entendu parler de vous. Je lui remis au mois d'octobre le mémoire qu'il m'avait demandé et j'ignorais très parfaitement que vous eussiez quelque relations avec eux. Et ce fut les derniers jours du voyage de Fontainebleau que M. Bertin, m'ayant dit de voir M. le C.G. [Terray] je trouvai ce ministre singulièrement prévenu contre les pauvres Acadiens dont il me dit des choses très fortes comme s'en étant fait rendre compte par ceux qui en avaient eu la police. Et j'appris dans ce temps là que vous aviez eu quelques détails de leur administration ce qui me détermina à vous aller voir peu de jours après mon retour à Paris pour savoir ce que vous pensiez de ces gens là, me persuadant que M. le C.G. ne pouvait avoir eu que par vous les connaissances qu'il paraissait s'être procuré et je vous avoue que je fus très agréablement surpris de vous entendre m'en dire du bien. De ce moment là je ne doutai pas qu'on n'eut cherché (pass. diff.) trompé le ministre et cherché à détruire les Acadiens auprès de lui. Je vous fit part de mes idées. Vous me communiquâtes un mémoire que vous aviez donné pour les établir sur des communes auprès de Blaye dont vous avez bien voulu me donner copie. Voilà le vrai de la chose ; ne m'ôtez donc pas le mérite d'avoir eu sur cette article la même idée que vous.

Je ne prétends pas analyser ici vos mémoires. Les idées qu'ils présentent sont en grande partie les mêmes que j'ai eu et qu'il a fallu soumettre en bien des points aux circonstances locales ; mais vous me permettez de vous dire que vos calculs sur les dépenses sont fautifs eu égard aux prix du pays. Vous nous mettez les boeufs à 250 # et nous en avons très peu qui ne passent cent écus ; et hier encore il en a été acheté deux paires, l'une de 357 #, l'autre de 327 #. Tous ne sont pas de ce prix là, mais très peu sont au dessous de 300 # quant à la nourriture du bétail, que vous fixés à 15 # le millier de foin, et qui effectivement a été autrefois à ce prix là, elle est plus que doublée cette année et par conséquent vous voyez qu'il n'est pas possible de décider de ces choses là sans la connaissance locale.
La législation tient aussi pour beaucoup aux lois et usages du pays. Nous n'avons sûrement pas envie d'imposer aux Acadiens des lois dures. Et si vous me croyez susceptible d'être mené par mon intérêt particulier, je vous tranquilliserai en vous assurant que sur le terrain qui leur est destiné je n'aurai jamais pour ma part 350 # de rente mais les propriétaires voisins ont traité sur le pied que j'ai porté les conventions dans le mémoire que j'en ai donné à M. le C.G.
A l'égard du problème sur les avantages ou désavantages qui résultent du domaine dont j'abandonne le revenu au profit de l'opération, je laisserai à d'autres le soin de les discuter. Cet article est un de ceux qui peut affecter le plus ma délicatesse et que je discuterais peut-être avec trop de chaleur ainsi je le mets de côté et m'en tiens à vous dire que vous avez mal jugé mes vues et le fonds de mon âme, et que je serais en droit de penser que vous voyez avec peine que je sois chargé des soins d'administration et de surveillance de cet établissement, mais je suis persuadé que votre zèle et l'habitude que vous avez de voir des affaires qui ne se font que par entreprise vous a fait juger de moi comme d'un entrepreneur, mais vous n'auriez pas dû hasarder des écrits en ce genre sans être plus certain des assertions qu'ils présentent.

J'ai l'honneur, etc... signé Pérusse.

Notes

DSCN3069.JPG

Mots-clés

// Poitou
// rumeurs contre les Acadiens : Pérusse accuse implicitement Lemoyne
// perception des Acadiens : préventions contre les Acadiens de Lemoyne ? du C.G. ?

Numéro de document

001854