Document : 1776-03-09
Références / localisation du document
ADV J Dépôt 22 art. 124-2
Date(s)
1776-03-09
Auteur ou organisme producteur
Pérusse
Destinataire
Blossac
Résumé et contenu
Reflexions et mémoire justificatif de Pérusse sur l'échec de l'établissement du Poitou, les Acadiens qui veulent rester en "corps de nation", etc...
Stratégie des leaders : rester pour inciter les derniers à partir. Refusent de décider pour la Corse ou l'île de France : ils disent qu'ils ne veulent "prendre de parti que quand ils seraient à Nantes joints à leurs parents et en corps de nation". Affirment que l'intention du C.G. est de n'en laisser aucun en Poitou et de ne pas les envoyer en Corse ou île de France et que partout où ils seront en "corps de nation" ils auront leur solde. Pensent que le Roi prépare un traité avec les Américains pour leur retour en Acadie. On leur dit aussi que l'intendant de Bretagne achète des terres toutes cultivées (promesses du Roi tenues ; différences avec les brandes). Pensent que "la Cour les abandonnera aussitôt qu'ils se seront séparés de la nation." Pérusse estime avoir été dupe de la "commisération qu'inspire naturellement leurs malheurs". "connaissant aujourd'hui très à fond tout ce peuple, je plains de tout mon coeur un petit nombre d'anciens Acadiens qui sont vraiment estimables par leurs probités, leurs moeurs et même leur activité et auxquels on ne peut reprocher que de se laisser conduire par leurs enfants au lieu d'en être eux-mêmes les conducteurs". Le plus grand nombre ne vaut pas mieux que le reste de "nos peuples chez qui le désordre et la licence ont pris le plus de faveur". Fainéantise intolérable. Gourmandise. Ils sont récupérables si on isole les meneurs. Répète leitmotiv : la solde les a corrompus. Veulent la solde et ne pas s'établir. Les terres sont bonnes mais les Acadiens sont contre tous les établissements.
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Monthoiron 9 mars 1776. Pérusse à Blossac [probablement]. Départ d'un convoi d'Acadiens. Les cabaleurs se sont arrangés pour ne pas tous partir et laisser quelques uns pour continuer à faire pression sur ceux qui se sont déterminés à rester.
"Presque tout ce convoi n'a voulu faire aucune option ni pour la Corse ni pour l'île de France disant qu'ils ne voulaient prendre de parti que quand ils seraient à Nantes joints à leurs parents et en corps de nation. Ils ont disent-ils encore reçu des lettres de Bretagne où on leur confirme que tout ce que vous leur avez fait notifier, Monsieur, par votre subdélégué de Châtellerault comme étant les intention du Roi à leur égard est dénué de fondement et que les nouveaux protecteurs qu'ils ont trouvé auprès de M. le C.G. depuis l'été dernier leur ont fait connaître les véritables intentions de ce ministre qui n'a jamais eu celle de n'en laisser aucun en Poitou et encore moins d'en envoyer en Corse et à l'île de France et qu'ils peuvent être assurés que la solde lui suivra partout lorsqu'ils se soutiendront réunis en corps de nation, ce qui est d'autant plus certain que M. l'intendant de Bretagne les en a fait assurer. On les avertit aussi que le Roi loin de vouloir les abandonner est au contraire très occupé de leur procurer leur retour en Acadie par un traité avec les Américains et qu'on leur a dit à Nantes que M. l'intendant de Bretagne dans l'incertitude si leur retour en Acadie serait aussi prochain s'occupait cependant des moyens d'établir ceux qui préféreraient des terres à la solde et qu'il achetait en conséquence des domaines tous cultivés pour leur donner, attendu qu'on avait fait voir à M. le C.G. que les Acadiens ne peuvent jamais s'établir sur des terres qu'il faudrait défricher, que leur refus de l'établissement du Poitou en est une preuve et que ce ministre sait bien aujourd'hui que le feu Roi leur avait promis de les établir sur les plus beaux terrains de son royaume, qui sûrement ne sont pas des brandes et qu'enfin ceux qui seront assez malheureux pour se déterminer à rester ici peuvent être assurés malgré tout ce que vous et moi pourront leur dire que la Cour les abandonnera aussitôt qu'ils se seront séparés de la nation.
Voilà, Monsieur, les chimères dont la cabale berce ces pauvres gens. Je suis fâché d'avouer que j'ai été plus que personne la dupe de la commisération qu'inspirent naturellement leurs malheurs et connaissant aujourd'hui très à fond tout ce peuple, je plains de tout mon coeur un petit nombre d'anciens Acadiens qui sont vraiment estimables par leurs probités, leurs moeurs et même leur activité et auxquels on ne peut reprocher que de se laisser conduire par leurs enfants au lieu d'en être eux-mêmes les conducteurs, mais il ne faut pas s'aveugler sur le grand nombre, car les marins et autres gens de métier ne valent pas mieux que ceux de nos peuples chez qui le désordre et la licence ont pris le plus de faveur. Ceux là sont d'une fainéantise intolérable et d'une gourmandise singulière. Enfin quand nous serons débarrassés du peu de gens de mauvaise volonté qu nous reste encore et que nous n'aurons que le petit nombre qui s'est dévoué au travail on fera des autres ce qu'on voudra, mais nous aurons sûrement des mesures à prendre pour tâcher que les autres n'aient pas grande correspondance avec eux.
Je vois clairement aujourd'hui que tous ces gens là ne désirent que se perpétuer la solde qui leur a été assurément nécessaire pendant les premiers moments de leur arrivée en France, mais dont la durée depuis 18 ans leur a fait perdre l'habitude du travail ; le général de la nation répugnera à tel établissement qu'on leur proposera. Ils iront partout où on les mènera dans la vue de suivre cette solde ; mais comme ils voient que la fin de tout établissement est d'en opérer la cessation, ils feront en Corse, à l'île de France, en Bretagne ou ailleurs comme ils ont fait à BIM ou ici, en Limousin, chez M. de Saint-Victour et en quelque endroit de la Bretagne où on a déjà voulu en établir. Il en périra beaucoup de ceux qui passeront en Corse et ce sera des hommes perdus sans utilité.
Solution : supprimer la solde à ceux de Nantes, les mauvais quitteraient le pays, les bons resteraient et au bout de deux ou trois ans demanderaient à revenir dans le Poitou.
Les terrains produisent "dès la première année des pommes de terre et des navets monstrueux". Espère que les derniers convois partiront bientôt. [FIN]
Notes
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Mots-clés
// DAN
// CDN = COR
// repartir : Acadie
// perception : cette fois, c'est un petit nombre d'Acadiens qui est resté pur.
// Poitou
// leaders
// Corse
// Ile de France
// secours : corruptrice des moeurs
// culture : gourmandis
Numéro de document
001855