Document : 1756-00-00b //

Références / localisation du document

CEA F - 1052 [microform] // BNF, 4 Lb 38 699

Date(s)

1756-00-00b //

Auteur ou organisme producteur

auteur inconnu // acadiens

Résumé et contenu

Mémoire imprimé [probablement en 1756-57] sur la déportation des Acadiens, dispersés dans les colonies anglaises.

Le mémoire commence par une présentation historique de ce que fut l'Acadie. Les Acadiens durent prêter serment à l'Angleterre, mais ils conservèrent de l'amitié et de l'attachement pour les Français (=compatriotes) et le Roi. Acadiens demandent à rester neutres. Extraits de remontrances des Acadiens aux Anglais (source inconnue). Ces remontrances disent que les Acadiens se battraient contre les Français si ceux ci les attaquaient, mais qu'ils n'avaient aucune raison d'en vouloir à leurs "frères". Les Anglais, irrités par ces remontrances, ont dispersé les Acadiens dans les colonies anglaises (ils ont fait exprès de séparer les familles, etc...).

s.n., Relation de ce qui s'est passé en Acadie, au sujet de 9000 François neutres, qui ont mieux aimé perdre leur fortune et leur liberté que de prendre les armes contre la France, s.l., s. d. [probablement 1756].

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Relation de ce qui s'est passé en Acadie, au sujet de 9000 Français neutres, qui ont mieux aimé perdre leur fortune et leur liberté que de prendre les armes contre la France.

L'Acadie est une presqu'île de l'Amérique septentrionale, qui a d'abord appartenu à la France. Lors de la Paix d'Utrecht, elle fut cédée à l'Angleterre qui depuis ce temps l'a possédée sans interruption. Les habitants de cette colonie française d'origine, obligés de prêter serment de fidélité au Roi d'Angleterre, conservèrent des sentiments d'amitié et de tendresse pour leurs anciens compatriotes les Français, d'attachement inviolable pour celui qu'une douce habitude leur avait appris à appeler leur Roi. Cet amour pour la France s'est perpétué jusqu'à notre génération. En vain, le gouvernement anglais qui avait porté la guerre il y a environ deux ans dans l'Amérique eut recours au commencement de l'année dernière aux instances les plus vives pour ameuter les Acadiens et leur faire prendre les armes contre les Français. Il ne put jamais parvenir à les séduire par les promesses, ni à les intimider par les menaces. Ces Acadiens sujets du Roi d'Angleterre par la cession du Roi de France demandèrent à rester neutres dans la guerre qu'il y avait entre ces deux puissances qu'ils aimaient et respectaient également.

" Pouvons nous, disent-ils dans leurs remontrances, combattre contre les Français qui sont nos frères et qui n'ont jamais laissé perdre l'occasion de nous donner des preuves les plus sensibles de leur généreuse amitié ? S'ils étaient dans cette guerre les agresseurs qu'ils eussent manqué aux Traités et médité injustement l'invasion de quelques colonies anglaises, nous ne nous serions portés qu'à regret à verser leur sang dans les combats ; mais par quels motifs peut-on nous animer contre cette nation qui chérit la paix et à qui nous devons le jour ? Faut-il que sans aucun prétexte ni raison nous allions le fer à la main la chasser d'une terre que nous savons lui appartenir incontestablement ? Notre serment de fidélité à la nation anglaise n'a pas eu pour objet de seconder les projets de conquête qu'elle pourrait former ; mais seulement lui conserver notre pays quand on viendra l'attaquer. La nation aura lieu de se convaincre qu'elle n'eut jamais de membres plus valeureux ni plus fidèles à leur devoir que les Acadiens. "

Ces remontrances pathétiques qui auraient du faire rentrer les Anglais en eux-mêmes et les faire renoncer au projet d'armer les Acadiens contre leur propre sang, ne firent que les irriter. Furieux de voir un peuple qui avait assez de probité pour ne pas partager ses injustices, il lui fit souffrir des avanies continuelles, éprouva la constance par les tourments, et enfin pour dernier trait de vengeance, il fut ordonné que tous les Acadiens qui oseraient se dire neutre, seraient enlevés de force, privés de leurs terres, de leurs fortunes, et menés en captivité dans les autres colonies anglaises.

Cet acte cruel de tyranie a été exécuté pendant les six derniers mois de l'année 1755. Ces tristes familles ont été dispersées, les unes dans la Pennsylvanie, les autres dans la Caroline, d'autres encore dans la Virgine : enfin ces esclaves de l'honneur ou plutôt ces Martyrs de la probité sont maintenant répandus dans toutes les colonies anglaises, et réclament inutilement les droits de l'humanité et des gens. Non contents de faire subir à ces infortunés toutes les douleurs et toutes les misères de l'esclavage, les Anglais ont eu encore la féroce attention de séparer les pères des enfants, les maris des femmes, et de rapprocher les plus cruels ennemis. Les Anglais insensibles aux gémissements de ces victimes innocentes leur ont aussi déclaré que leur sort ne serait adouci que par les maîtres à qui ils se vendraient volontairement en qualité d'esclaves. A cette affreuse proposition, ils ont tous répondu qu'ils ne pouvaient se regarder que comme prisonniers de guerre, et qu'on ne pouvait sans manquer aux droits les plus sacrés de la politique leur refuser la nourriture. "On nous a pris, ont-ils ajouté, on nous a dépouillés de tous nos biens, sans que nous ayons fait la moindre résistance. Cependant nous n'avons jamais manqué au serment que nous pretâmes en vertu du Traité d'Utrecht, notre sincérité a été jusqu'à proposer de le renouveller avec toute l'authenticité que le gouvernement anglais exigerait ; mais abusant de notre faiblesse on a voulu nous porter à jurer une haine éternelle à la Nation Française, à prendre les armes contre elle, et c'est à quoi nous ne croyons pas qu'on ait droit de nous forcer. "

Tel est aujourd'hui le sort affreux des malheureux Acadiens inhumainement dispersés dans des terres étrangères ; ils ne peuvent se faire soulager du poids de leurs chaînes qu'en s'engageant à les porter toujours [alusion à la proposition citée plus haut de se vendre comme esclaves].

Notes

// l'originalité de ce document est d'être imprimé. S'il a été publié à l'époque (pendant la Guerre de Sept Ans) ce serait un document très important potentiellement. Il est fort probable qu'il ait été imprimé en 1756 ou 1757 puisque la typographie ressemble fort à la typographie du 18e siècle.

// le document provient en fait de la Bibliothèque nationale de France, cote 4 - Lb 38 - 699 ; ce document est répertorié sur le catalogue Eloize de la bibliothèque de Moncton
// vu à la BNF en janvier 2005 ; RAS

// selon RG Leblanc, emails 2 et 5 avril 2004 : "Je suis d'avis que ce document a été rédigé en 1756. Quant à sa date de publication, je présume qu'il s'agit toujours de 1756." "Ce document coté Lb38 699 porte une étampe de la Bibliothèque impériale impr(imés), avec le symbole de l'empire, c'est-à-dire l'aigle, au milieu. À la première page, on fait référence à l'année précédente c'est-à-dire 1755, où les Anglais ont voulu forcer les Acadiens à prendre les armes contre les Français. Ce document daterait donc de l'année 1756. J'ai essayé d'identifier le document qui est cité en italique, mais je n'ai pas réussi. Or, il s'agit d'un mémoire dressé par les Acadiens après leur déportation, vraisemblablement au début de 1756."

Mots-clés

// nation : désigne la France et l'Angleterre
// perception des Acadiens : patriotisme.
// LCF (lien colonial avec la France)
// RED : dispersion des familles par les Anglais

Numéro de document

001880