Document : 1772-12-20b
Références / localisation du document
BM Bordeaux, MS 1480, f°228-231// f° 124-126
Date(s)
1772-12-20b
Auteur ou organisme producteur
La Borde // Lemoyne
Destinataire
Bertin directeur du bureau d'agriculture (dépend du Contrôle Général)
Résumé et contenu
Lettre de La Borde transmise à Bertin par Lemoyne.
Le chevalier de la Borde se plaint de l'excès de taxes sur les paysans dans les campagnes, et se désespère du dépeuplement qui en résulte. Il donne quelques exemples notamment des moines qui demandent des taxes à des défricheurs chargés d'enfants à nourrir. Peur des citadins et des riches propriétaires que les défrichements fassent baisser les prix du blé.
Remarques de Lemoyne : La Borde a mal compris ; il n'a pas compris qu'il s'agissait de faire défricher par des Acadiens et non pas par des gens du cru [peut-être une indication que La Borde ne sait pas ce qu'est un Acadien ? ; je n'ai pas retrouvé la lettre originale]
Lemoyne abonde dans le sens de La Borde et propose d'obliger les communautés religieuses à laisser défricher leurs terres incultes, comme le Roi le fait.
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Envoyé à Bertin le 20 décembre 1772
Extrait d'une lettre de M. chevalier de La Borde gouverneur de Montmorillon à M. Lemoyne commissaire général de la Marine datée de Montmorillon le 7 décembre 1772
J'ai lu, M., le mémoire inséré dans votre lettre, et j'ai profondément réfléchi sur le projet qui fait honneur à la foi du ministère et à l'humanité.
La banlieue de Montmorillon est un vaste théatre qui ne présente aux yeux des voyageurs que le spectacle sauvage de plaines immenses, autrefois couvertes de vastes forets, actuellement en bruyères stériles et d'une très grande quantité de petits bois.
Les deux tiers au moins de cette terre abandonnée est très digne de culture et l'expérience a prouvé qu'elle était propre à produire de très beaux froments en partie, des mêmes blés dans l'autre, et les bas fonds excellents pour former des prairies ou pour donc changer facilement l'image affreuse de la stérilité en celle de l'abondance de riches moissons couvriraient nos vastes plaines et de gras paturages succéderaient à nos tristes bruyères ; J'oserais assurer que dans l'étendue de cette banlieue (?) on pourrait former au moins 500 nouvelles métairies... Le bon terrain ne nous manquera pas, mais des bras. La campagne se dépeuple à vue d'oeil par les raisons que tout le monde sait. [je pense qu'ici il fait allusion aux taxes, corvées et charges trop élevées, mais ce n'est pas sûr]
Il y a ici un lieutenant des grenadiers qui possède un terrain excellent, propre à produire d'excellents froments, arrosé par des fontaines abondantes . Le 1er exemple qu'il donnerait serait suivi d'autant plus volontiers qu'il est grand cultivateur.
Les moines savoir les bénédictins et surtout les Augustins ont ici des terrains immenses qui répondraient avec abondance à la moindre culture et qui cependant sont très inutiles.
L'exempt [2¨ (1655) Vx Officier de police qui procédait aux arrestations] de la maréchaussée très honnête homme et surchargé d'enfants a deux métairies à une lieue ou deux de cette ville. Il a dans son voisinage très grande quantité de terres incultes, quoique très bonnes à froment et à seigle, mais comme il avait commencé à en défricher quelques boisselées [= dans le Châtelleraudais, une b. vaut dix ares selon Martin p. 307 - note], qui ont produit une très grande récolte d'excellent froments, les moines augustins ont [... ?] sûr et lui ont [lui ont aussitôt signifié, selon Martin, transcription de ce passage p. 199] signifié qu'en conséquence d'anciens titres, ils prétendaient sur ces terres le droit de terrage [D.Ac. 1762 : Droit qu'ont certains Seigneurs de prendre en nature une certaine partie des fruits provenus sur les terres qui sont dans leur censive.] c'est à dire la sixième gerbe alors le cultivateur a mieux aimé abandonner de sorte que voilà deux mille boisellées de terres abandonnées.
M. de Lises (?) cet exempt, le docteur David et deux particuliers bons cultivateurs se proposent bien de profiter des bontés du Roi et de donner l'exmple, mais les citadins et les riches campagnards jetteront des défiances et des dégoûts. Ils ont peur que la grande culture ne fasse baisser le prix des grains.
[commentaire de L. : Cette absurdité est assez générale, la perte du commerce du blé l'a cependant beaucoup détruit]
Il y aura sans doute un arrêt du conseil ou une déclaration du Roi.
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Commentaires de Lemoyne, en marge, en face des paragraphes qu'ils concernent :
Il eut été bon que M. de la Borde eut dit si les terrains appartiennent à des communautés ou à des particuliers. Il résulte toujours de la lettre que très certainement il y a auprès de Montmorillon des champs immenses propres à la culture et qui sont absolument incultes. Je lui ai demandé des détails à cet égard.
M. de la Bordes parait avoir mal saisi ce que je lui ai écrit, il fait croire qu'il y a entendu que le Roi veut faire faire des défrichements par les gens du pays. J'ai écrit pour lui ôter tout doute ... [cf. fiche # 170 et remarques] Je suis persuadé que l'espoir d'un produit quoique éloigné, déterminera bien des particuliers à céder partie des terrains qu'ils ne peuvent défricher eux mêmes qu'assurés du bien à leurs enfants, sans qu'il leur en coûte que de laisser faire, sans ...
Si le Roi excite la culture des terres incultes qui lui appartiennent, pourquoi n'exigerait-ils pas que les gens d'Eglise, se soumissent aux lois qu'il dicte pour lui même et ne les obligerait-il pas à céder de leurs terrains en friche en toute franchise pour un temps et leur en prescrire la durée. S'ils se refusaient au bien certain qui en résulterait pour eux mêmes, un jour à venir, il est des formes pour les y contraindre.
[L. se plaint ensuite de ce gâchi : les religieux laissent perdre de bonnes terres :
"pourquoi n'y aurait-il pas prescription contre des [aides ?] ou champart qui par leur excès, ont occassioné l'abandon de la culture. Des particuliers, des moines surtout, qui ne meurent jamais, ne devraient-ils pas se trouver trop heureux de redonner de la valeur à leurs terres en diminuant les charges trop onéreuses qui les retiennent sans aucun produit. L'Etat est intéressé à la culture ; tous les hommes par leur naissance ne sont-ils pas dévoués au bien de l'Etat ? Les moines sont-ils exempts du devoir ? L'absurdité de vouloir posséder de l'inutile plutôt que de le faire valoir en s'appuyant sur une propriété imaginaire, est-elle souffrable ? Le bas peuple se refuse à des corvées quoiqu'elles doivent lui être utiles, parce qu'il n'a que le moment de l'existence pour lui ; on le force cependant pour son bien, il béni la main qui l'a forcée la corvée terminée. Pourquoi n'en pas user de même vis à vis des communautés peuple (? ou une abbréviation comme P pale).
Mots-clés
// dépopulation
// ignorance
Numéro de document
000166