Document : 1763-09-22 // 1769-00-00
Références / localisation du document
Antoine Joseph Pernety, Journal historique d'un voyage fait aux îles Malouines en 1763 et 1764 pour les reconnoître et y former un établissement et de deux voyages au détroit de Magellan avec une relation sur les Patagons., Berlin, E. de Bourdeaux, 1769. # 1524 p. 32 et 39
Date(s)
1763-09-22 // 1769-00-00
Auteur ou organisme producteur
Pernety (passager sur le navire de Bougainville ; cf. biog)
Résumé et contenu
Récit de Pernety concernant le passage d'Acadiens aux Malouines ; un homme refuse de travailler au bateau et est débarqué par Bougainville. Quelques allusions intéressantes sur les secours qui leurs sont distibués.
(...) Tout ce discours fut rapporté à Mr. de Bougainville, qui en fut piqué ; et il avait raison. Ces familles acadiennes étaient à Saint-Servan et à Saint-Malo depuis que les Anglais nous avaient enlevé l'Acadie. Le roi leur donnait, à la vérité, une somme par tête, à peu près comme aux troupes réglées ; et ces familles n'avaient guère d'autre ressources que cette espèce de solde, et le travail de leurs mains. M. de Bougainville leur avait proposé de les prendre à son bord, de les transporter dans un pays où il leur donnerait des terres en propriété, et mille autres avantages, qu'ils ne pouvaient espérer en France. Il leur avait même fait faire des avances en effets et en argent.
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Un acadien refuse d'aider à la man?uvre une première fois le 14 septembre (p. 32) [pas d'autre allusion aux Acadiens avant ce passage]. Un officier s'en plaint à Bougainville qui dit de laisser l'Acadien tranquille : [14 septembre 1763] : (?) Vers midi, le temps a calmé, la mer est tombée et l'après-midi a été belle. L'officier de quart, ayant voulu commander à deux Acadiens passagers d'aider à la man?uvre, son fils refusa d'agir et le fit avec un ton qui détermina l'officier à en porter ses plaintes à Mr. de Bougainville, qui le pria de n'y pas faire attention et en parla à l'Acadien. Celui-ci reçut l'avis d'assez mauvaise humeur, mais promit cependant de travailler comme les autres au moins dans les cas de besoin ".
Mais quelques jours après (p. 39), surgit une nouvelle man?uvre où l'Acadien était de nouveau oisif : " pendant la fougue de ce grain, qui dura environ une bonne demi-heure, l'Acadien dont j'ai parlé ci-devant se tenait les bras croisés sur le gaillard, et regardait tranquillement faire la man?uvre. M. de Bougainville l'ayant vu dans cet état ne put s'empêcher de lui en faire des reproches. L'Acadien se retira sous le pont, sans répondre, mais y étant avec son épouse, son père et les deux autres familles acadiennes, aussi passagères, il leur marqua hautement son mécontentement, voulut leur persuader de faire comme lui, et qu'enfin ils ne s'étaient pas engagés, ni embarqués pour faire le man?uvre, mais comme volontaires et passagers ; qu'il aimerait mieux être resté en France, que de s'être embarqué à ces conditions.
Tout ce discours fut rapporté à Mr. de Bougainville, qui en fut piqué ; et il avait raison. Ces familles acadiennes étaient à Saint-Servan et à Saint-Malo depuis que les Anglais nous avaient enlevé l'Acadie. Le roi leur donnait, à la vérité, une somme par tête, à peu près comme aux troupes réglées ; et ces familles n'avaient guère d'autre ressources que cette espèce de solde, et le travail de leurs mains. M. de Bougainville leur avait proposé de les prendre à son bord, de les transporter dans un pays où il leur donnerait des terres en propriété, et mille autres avantages, qu'ils ne pouvaient espérer en France. Il leur avait même fait faire des avances en effets et en argent. Sur le rapport qu'on lui fit des discours de cet Acadien il dit : il n'y a qu'à les remettre à terre, et les renvoyer à St. Servan, puisque la misère leur plait, qu'ils aillent y vivre misérables. Ce discours fut rendu aux autres familles et fit tant d'impression sur leur esprit que les femmes et les filles se mirent à pleurer ; les hommes firent des reproches à l'Acadien qui y avait donné occasion, et la division se mit entre eux. Mr. de Bougainville fut bientôt informé. Le lendemain 21, après la prière, il les fit tous venir dans sa dunette et leur dit : il en est parmi vous de mécontents, fâchés de s'être embarqués avec moi. Je n'exige pas de vous que vous soyez obligés à la man?uvre comme matelots ; je ne vous ai pas pris sur mon bord comme gens engagés pour cela ; mais aussi je ne vous y ai pas pris pour rester oisifs, et ne pas donner la main dans le besoin. Vous êtes les maîtres de vous retirer à Saint-Malo, à Saint-Servan ou dans quelque autre lieu que bon vous semblera ; et vous n'avez qu'à parler : on vous mettra à terre sur le champ.
L'Acadien et son père déclarent qu'ils aimaient mieux retourner à Saint-Servan. Les deux autres familles demandèrent à continuer le voyage. Dès l'après-midi, on débarqua près de St. Cast le père, le fils et son épouse, avec tout ce qui leur appartenait ; et M. de Bougainville leur laissa par charité les avances d'argent qu'il leur avait obtenues du Roi. Les deux autres familles furent charmées de cette séparation et se félicitèrent de ce départ. La femme avait une humeur un peu acariâtre ; le mari en était si jaloux, qu'il ne la quittait presque pas un instant ; il observait jusqu'à ses moindres gestes et aurait infailliblement troublé la bonne intelligence qu'ils désiraient régner entre eux. Cette union s'est maintenue parfaite entre les deux familles qui ont fait le voyage avec nous, et que nous avons débarquées et établies aux Iles Malouines. Elles étaient composées l'une du mari, de son épouse, de deux enfants, l'un garçon âgé de trois ans, l'autre fille, âgée d'un an, et des deux s?urs de la femme, l'une âgée de 20 ans, l'autre de 17. La seconde famille consistait dans le mari, la femme, un garçon de 4 ans et la s?ur de la femme, âgée de 16 ans. La femme était prête d'accoucher lorsque nous sommes partis de ces îles pour retourner en France.
[le récit se passe le 22 septembre 1763]
Mots-clés
// repartir : Malouines
// secours
// signification des six sous
Numéro de document
001963