Document : 1784-07-05
Références / localisation du document
AMAE Correspondance Politique, Espagne, vol. 613 f° 232
Date(s)
1784-07-05
Auteur ou organisme producteur
intendant de Bretagne [de Bertrand de Molleville]
Destinataire
Calonne (Contrôleur général)
Résumé et contenu
Intendant de Bretagne au C.G. : son subdélégué n'a commis aucune faute ; diatribe contre Peyroux ; enquête pour connaître les sentiments des Acadiens concernant l'émigration en Lousiane.
Lui envoie la lettre de Peyroux à Aranda. Son subdélégué a été accusé injustement. Fait l'historique des différents courriers échangés à propos de Peyroux. Résumé des courriers échangés : en août 1783, Vergennes demande d'arrêter le S. Peyroux. Balais prit des informations, et décide de faire observer le S. Peyroux (mais ne l'arrête pas). Le 25 mai [1784] on a informé Balais que Peyroux avait assemblé les Acadiens pour leur dire qu'ils aller passer à la Louisiane et qu'ils fallaient qu'ils avertissent leurs compatriotes. " Mon subdélégué n'eut-il été muni d'aucun ordre il eut été de son devoir de faire arrêter un homme qui se permettait de faire assembler les sujets du Roi pour les déterminer à passer sous la domination d'une puissance étrangère ". Les ordres du C.G. ne sont pas parvenus à temps au C.G. ; il ne les a eus que le 31 mai, et il a fait aussitôt libérer Peyroux. Soutient son subdélégué qui a fait son devoir. De plus, Peyroux s'est mal conduit puisqu'il n'a vu aucune autorité avant d'assembler les Acadiens. Diatribe contre Peyroux, " qui n'est qu'un ancien marchand épicier ayant fait banqueroute, et qui ne jouit d'aucune considération " qui ose insulter son subdélégué. Quant à la question du sentiment des Acadiens par rapport à la Louisiane : difficile à dire ; le subdélégué enquête et il envoie des lettres à Saint-Malo à ce sujet ; les négociations pour l'émigration des Acadiens devraient être concertées à l'intendant ; il ne faut pas s'en rapporter au Sieur Peyroux qui n'agit que pour ses intérêts particuliers (il a un frère à la Louisiane, selon l'intendant) ; de plus, il n'est pas Acadien.
--------------
Copie de la lettre de M. de Bertrand à M. le Contrôleur général datée de Lorient
Le 5 juillet 1784
M.
J'ai l'honneur de vous envoyer la lettre adressée à M. le Comte d'Aranda par le S. Peyroux de la Coudrenière pour se plaindre de ce que le S. Ballayn (?) mon subdélégué à Nantes, l'a fait arrêter et mettre en prison, sous prétexte qu'il négociait avec les Acadiens pour les engager à passer à la Louisiane.
Je m'empresse de vous répondre sur cet objet parce que je vois avec peine que mon subdélégué de Nantes, qui est un homme distingué par son mérite et son honnêteté, se trouve inculpé sans fondement et pour avoir fait son devoir.
M. le comte de Vergennes écrivit à M. de la Borde [ancien intendant de Bretagne], le 11 août 1783 [1783-08-11] que des émissaires secrets répandus en Bretagne et dans la Normandie travaillaient à faire émigrer les sujets du Roi et qu'on lui désignait particulièrement le S. Peyroux de la Coudrenière, qui travaillait à embaucher les Acadiens résidant à Nantes. M. de Vergennes recommandait à M. de la Bove de ne rien négliger pour punir cette trame criminelle en lui observant qu'il fallait faire arrêter le S. Peyroux si on acquérait des preuves contre lui.
M. de la Bove envoya le 22 [1783-08-22] du même mois copie de cette lettre à son subdélégué de Nantes, et le charge du soin de remplir les vues du ministre. Le Sieur Ballays fit des informations, mais les résultats ne lui ayant pas paru suffisants, il prit le parti de faire observer le S. Peyroux.
Le mardi 25 mai, on vint l'informer que ce particulier avait assemblé les Acadiens le jour de l'ascension pour leur lire une lettre qu'il disait être du secrétaire d'ambassade de la cour d'Espagne, par laquelle on leur annonçait qu'ils allaient incessamment passer à la Louisiane et qu'il fallait en prévenir leurs compatriotes de St Malo, de Morlaix et du Havre, afin qu'ils se rendissent à Nantes.
Mon subdélégué n'eut-il été muni d'aucun ordre il eut été de son devoir de faire arrêter un homme qui se permettait de faire assembler les sujets du Roi pour les déterminer à passer sous la domination d'une puissance étrangère, mais d'après la lettre de M. de Vergennes du 11 août 1783 [1783-08-11], le S. Ballays ne balança pas à faire arrêter et mettre en prison le S. Peyroux.
Vous avez, M., présumé que ce subdélégué avait connaissance de la lettre que vous avez écrite à M. de Saint-Ange le 27 avril dernier, pour lui annoncer que S. M. consentait à ce que les Acadiens allassent s'établir à la Louisiane, mais M. de St Ange avait retenu cette lettre à Paris sans en donner connaissance à personne, et ce n'est que par moi que le S. Ballays en a été informé le 31 mai dernier, et il a fait aussitôt élargir le S. Peyroux.
Vous voyez donc, M. , que mon subdélégué n'est aucunement répréhensible et qu'au contraire il eut très essentiellement manqué à son devoir si, n'ayant pas connaissance des dernières intentions du Roi concernant les Acadiens, il n'eut pas exécuté ceux de M. le Comte de Vergennes du 11 août 1783, et n'eut en conséquence fait arrêter un homme qui assemblait les sujets du Roi pour leur proposer de sortir du royaume.
Au reste, quels que fussent les ordres du S. Peyroux, il ne doit imputer sa détention qu'à son imprudence parce qu'avant de faire aucune démarche auprès des Acadiens, il convenait qu'il allât voir mon subdélégué pour le prévenir de sa mission, mais au contraire il s'est conduit mystérieusement, il n'a pris l'attache ni de mon subdélégué, ni des juges de police ; de sorte qu'il a très bien mérité la punition qu'il a reçue et je trouve fort déplacé que ce particulier, qui n'est qu'un ancien marchand épicier ayant fait banqueroute, et qui ne jouit d'aucune considération, se doit permis de déprimer [sic] mon subdélégué auprès de M. le Comte d'Aranda en lui marquant que c'est un homme de néant qui s'érige en petit tyran, etc...
Le Sieur Ballayn est un avocat distingué sur le compte duquel mes prédécesseurs m'ont donné les témoignages les plus avantageux et qui étant venu me voir à Lorient m'a donné une haute idée de son mérite, de sorte que j'ai d'autant moins balancé à lui communiquer votre lettre et la plainte du S. Peyroux que je savais d'avance qu'il ne pouvait être répréhensible ; puisqu'il n'avait eu connaissance que le 31 mai dernier des ordres relatifs à l'émigration des Acadiens.
Il m'est au surplus impossible de vous dire dans ce moment quelles sont leurs dispositions sur l'établissement qu'on leur propose à la Louisiane ; j'ai chargé mon subdélégué de faire, à cet égard, les informations les plus exactes ; j'écrirai sur le même objet à Morlaix et à Saint-Malo et j'aurai l'honneur de vous faire part des éclaircissements que je recevrai, mais j'ai celui de vous observer en tous évènement que les négociations à faire avec les Acadiens pour leur émigration, s'il paraît utile de l'autoriser, devraient être concertées avec l'intendant ou ses subdélégués et qu'il peut y avoir de l'inconvénient à s'en rapporter à un homme tel que le S. Peyroux qui a un frère établi à la Louisiane et qui selon toute apparence ne se met en mouvement dans cette affaire que par quelque intérêt particulier.
Je suis, etc...
PS : j'ai l'honneur de vous observer que le S. Peyroux n'est point acadien comme vous paraissez l'avoir cru.
Mots-clés
// nouveau(2005-01)
// Nantes
// repartir : Lousiane ? (enquête)
Numéro de document
001987