Document : 1784-06-01

Références / localisation du document

MAE Correspondance Politique Espagne vol. 613 (1784) folio 107

Date(s)

1784-06-01

Auteur ou organisme producteur

Peyroux de la Coudrenière

Destinataire

Hérédia ?

Résumé et contenu

Récit de Peyroux concernant son arrestation le 25 mai. Critique virulente du subdélégué.
se sont saisi de ses papiers, conduit en prison ; ont fait répondre le bruit que Peyroux = espion ; ordre également d'arrêter un Acadien ayant correspondu avec lui, mais Acadien averti à temps, s'est enfui. Peyroux n'a été liberé que le 31 mai et a dû payer les frais de sa capture. Critique très virulente du subdélégué : "On est surpris de ce que cet homme qui n'est qu'un parvenu, un homme de néant, s'érige en petit tyran et outrage impunément des gens d'honneur". Il dit que son action "comble les voeux de deux ou trois mille malheureux [Acadiens]". Il demande l'autorisation de rendre compte à Vergennes de ce qui lui est arrivé.


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J'ai l'h. d'informer v. exc. que le S. Ballais, subdélégué de l'intendant de Bretagne me fit arrêter chez moi, le mardi 25 mai, sur un ordre vrai ou supposé de M. le comte de Vergennes. On fouilla dans tous mes papiers, on prit ce qu'on voulut, et l'on me fit conduire en prison comme criminel d'Etat. On fit ensuite répandre dans le public que j'étais un espion de la Cour d'Espagne et un embaucheur qui cherchait à faire passer furtivement les Acadiens chez l'étranger. Cependant le Sieur Ballais n'ignorait pas que les Acadiens avaient adressé une requête à M. le C. de V. et que SMTC avait enfin consenti à leur départ pour la Louisiane. Non content de cette violence tyrannique, ce subdélégué ordonna le lendemain d'aller chez un père de famille Acadien, de s'en saisir et de le constituer prisonnier comme ayant entretenu une correspondance avec moi pendant mon séjour à Paris. Mais cet Acadien ayant été averti à temps se réfugia chez un magistrat de cette ville et s'y tint caché. ce ne fut que hier 31 mai que le S. Ballais me fit élargir et il me contraignit de payer les frais de ma capture.
Une conduite aussi contraire aux intentions de sa majesté qui est le père de son peuple à de quoi surprendre ; mais ce n'est pas la seule violence dans ce genre que ce subdélégué se soit permise. On est surpris de ce que cet homme qui n'est qu'un parvenu, un homme de néant, s'érige en petit tyran et outrage impunément des gens d'honneur et des familles qu'il devrait respecter. L'insulte personnelle qu'il vient de me faire outrage aussi M. le ch. de Hérédia dont il a méprisé les lettres et il a compromis M. le Comte de Vergennes en se servant du nom de ce grand ministre pour exécuter ce qu'un intérêt sordide, la furie et le délire lui ont suggéré.
Dans des moments aussi douloureux pour moi, permettez, M. que je me jette aux pieds de votre excellence pour la supplier d'avoir pitié de mon innocence, de mon honneur et de ma réputation aussi vivement outragée. J'ai toujours vécu en bon citoyen, chéri de mes parents, et estimé de tous les honnêtes gens. Serais-je ainsi flétri par la conduite oppressive d'un furieux dans une affaire qui intéresse les deux couronnes et qui comble les voeux de deux ou trois mille malheureux ? Non, Monseigneur, j'espère que vous ne serez pas insensible à mes prières. Les Acadiens vont me donner des certificats de la conduite que j'ai tenue avec eux : j'y joindrai un petit mémoire de ce qui s'est passé lors de ma détention. Que votre excellence me permette donc de lui adresser le tout et de la supplier d'en parler à M. le comte de Vergennes, afin que ce ministre bienfaisant sache au juste de quelle manière le S. Ballais s'est comporté à mon égard et comment il abuse de la confiance de ses supérieurs.

J'ai l'honneur, etc....

Peyroux de la Coudrenière. Nantes, 1er juin 1784

Mots-clés

// nouveau(2005-01)
// Nantes
// repartir : Louisiane

Numéro de document

002003