Document : 1767-03-30

Références / localisation du document

ADIV 7 B 44

Date(s)

1767-03-30

Auteur ou organisme producteur

Charles Auguste Trablet (?) de la Flourie, entreposeur du tabac en la ville de Saint-Malo, pour JJ Provost, adjudicataire de la ferme du Roi

Destinataire

Jean Thibaudeau (acadien), Françoise Huere, sa femme, François Guillou (possiblement acadien) ; d'autres Acadiens

Résumé et contenu

Plainte criminelle contre Jean Thibaudeau, sa femme, François Guillou et d'autres Acadiens pour rébellion armée contre des employés de la ferme et contrebande de tabac.
Document très intéressant qui commence par : "Ayant été informés que presque tous les Acadiens habitants de la paroisse de Pleudihen faisaient journellement et à main armées des versements et transports de faux tabacs et autres marchandises prohibées". Récit de la surveillance de la maison de Jean Thibaudeau. Voient du mouvement, veulent intervenir, prétendent qu'un coup de feu est tiré contre eux et que les particuliers s'avancent contre eux armés de batons et quelques uns de pistolets. Un des employés réplique par un coup de pistolet. Tous prennent la fuite sauf un homme [François Guillou]. Saisie de quatre ballots de tabac "manufacture de Jersey" sur le seuil de la porte. Récit de l'interrogatoire de François Guillou : dit n'être là que par hasard (mais il a en main un bâton avec une massue au bout et affirme avoir été avec les autres chercher le tabac dans une "rabine") ; il a été dans la rabine avec Jean Thibaudeau, sa femme, et deux autres Acadiens et ont attendu que Thibaudeau et les autres Acadiens rapportent le tabac. Ensuite, ils ont été rejoints par 4 autres (acadiens probablement). Tous n'étaient armés que de baton selon lui, mais il sait que Thibaudeau a un pistolet qui selon lui est resté sur sa cheminée.
Les employés entrent ensuite dans la maison de Thibaudeau et veulent interroger sa femme qui ne leur profère que des injures et les menace de les faire attaquer par une "bande d'Acadiens et le peuple qui allait se rendre à la première messe". Elle refuse de coopérer, mais les employés saisissent néanmoins encore quatre ballots de tabac dans la maison.
Le document se termine par une demande d'ouverture d'enquête et différentes considérations juridiques ne mentionnant plus les Acadiens.

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30 mars 1767. Messieurs les juges du siège royal des traites et fermes du Roi des évêchés de Saint-Malo, Dol et dépendances. Supplie humblement maître J.-J. Prévost, adjudicataires général des fermes unies de France et de la vente exclusive du tabac dans tout le Royaume, poursuite et diligence du Sieur Charles Auguste Trablet (?) de la Flourie son entreposeur du tabac en la ville de Saint-Malo.

Disant que les sieurs François Vannier, René Le Moye, Michel Geoffroy, Claude Chapuy, Yves Loudé et Pierre Juhel, employés préposés pour la conservation des droits du Roi.
Ayant été informés que presque tous les Acadiens habitants de la paroisse de Pleudihen faisaient journellement et à main armée des versements et transports de faux tabacs et autres marchandises prohibées, ils se transportèrent dans ladite paroisse le huit mars 1767 ou étant embusqués environ cinquante pas de la maison du nommé Jean Thibaudeau l'un d'eux, cabaretier demeurant au bourg de ladite paroisse de Pleudihen, ils aperçurent plusieurs mouvements faits par plusieurs particuliers leurs inconnus, qui à leur aspect se mirent en devoir tous armés de bâtons et quelqu'un d'eux sans pouvoir les dénommer, de pistolets, de leur faire résistance, l'un desquels particuliers tira un coup de pistolet sur le sieur Le Moye qui sur le champ en tira aussi un, ce que voyant les dits particuliers avec ledit Jean Thibaudeau qui est le seul que les employés reconnurent, prirent la fuite, malgré les poursuites desdits employés, à l'exception d'un homme à eux inconnu, qui resta à la porte dudit Thibaudeau, à laquelle porte les employés trouvèrent quatre ballots de tabac manufacture de Jersey sans plomb ni marque de ferme, dont ils se saisirent, ainsi que de l'homme resté à ladite porte, tant pour la complicité de la fraude que de la rébellion leur faite, lequel était armé d'un bâton ayant une massue à une des extrémités.
Ils lui déclarèrent la saisie des dits quatre ballots de tabac et de son bâton, et le sommèrent de nommer ceux de ses associés qui avaient fait feu sur eux pour se favoriser l'enlèvement des dits tabacs et de déclarer s'ils appartenaient tous à un seul ou à plusieurs, à quoi on les destinait, d'où il était, son nom, son âge, sa demeure actuelle et sa profession à quoi le dit particulier répondit se nommer François Guillou, âgé de 20 ans, de la paroisse de Plégat-couclante [non réussi à identifier ; d'après le PV d'arrestation, probablement Plouégat-Guérand] près Morlaix ; qu'autant qu'il pouvait croire les tabacs appartenaient audit Thibaudeau pour la majeure partie et à d'autres Acadiens qui ainsi que lui comme ils l'avaient vu leur avaient fait violence et pris la fuite, qu'il ne se trouvait là qu'accidentellement, qu'il n'avait aucune part dans les tabacs et qu'environ deux heures avant que les employés l'avaient arrêté il avait été conduit par ledit Thibaudeau et sa femme dans une rabine près la maison de Monsieur Guay Brillant où il avait resté pendant qu'ils furent chercher avec d'autres Acadiens les quatre ballots de tabac saisis et quatre autres qui étaient encore dans l'allée dudit Thibaudeau, que les tabacs y avaient été conduits par les dits Thibaudeau et femme, deux autres Acadiens et quatre qui survinrent à l'arrivée, à la maison du dit Thibaudeau, qu'il n'avait vu les dits particuliers armés que de marottes [Dans la haute Bretagne, marotte signifie un bâton avec un gros bout (Littré)], qu'il a bien eu connaissance d'un coup de pistolet qui leur avait été tiré, sans pouvoir dire par qui, que le dit Thibaudeau avait en sa possession un pistolet et qu'il croyait qu'il l'avait laissé sur sa cheminée.
Les employés étant entrés dans la maison du dit Thibaudeau en déclarant à sa femme leurs qualités, ledit Thibaudeau ayant pris la fuite après avoir fait comme ses associés la violence que dit est [sic], ils firent sommation à la dite femme de reconnaître quatre autres ballots qu'ils trouvèrent dans son allée et d'être présente à l'ouverture. Elle ne leur répondit que des injures atroces, en les frappant de ses poings et les menaçant de les faire assaillir par une bande d'Acadiens et le peuple qui allait se rendre à la première messe, et malgré ses efforts les employés firent ouverture des dits quatre ballots trouvés dans son allée, qu'ils reconnurent être des tabacs de manufacture de Jersey, sans plomb ni marques du fermier, dont ils lui déclarèrent la saisie ainsi que des quatre ballots trouvés à sa porte, gardés par son mari et associés, ainsi que procès verbal, tant de la dite fraude que de la rébellion, coup de feu, qu'ils avaient essuyé tant de la part de son mari et associés que de la sienne.

De tout quoi et autres circonstances lesdits employés ont rapporté leur procès verbal et du dépôt qu'ils ont fait au bureau des fermes à Saint-Malo des dits huit ballots de tabac par eux saisis, ainsi que de l'emprisonnement aux geôles et prisons du dit Saint-Malo de la personne dudit François Guillou et ont déposé au greffe du siège des traites le bâton dont il était armé.
Et comme les ordonnances, les déclarations du Roi et les règlements défendent expressément à toute personne d'interrompre les employés dans leurs fonctions, ni de leur faire rébellion, à peine d'être procédé contre eux par le voie extraordinaire, le suppliant requiert ce considéré.
Qu'il vous plaise, Messieurs, voir attaché à la présente plainte d'office et criminelle, le procès-verbal de rébellion rapporté par lesdits employés le huit mars 1767, au pied duquel est leur répétition du neuf, l'extrait d'écrou de la personne du dit François Guillou, et l'acte de dépôt fait par les employés en votre greffe le dit jour neuvième du bâton dont il était armé, et permettre au suppliant de faire assigner devant vous, Messieurs, de moment à autre lesdits employés qui ont rapporté le dit procès verbal pour être répétés sur icelui par voie d'office criminelle et par surabondance etc. (?) sans déroger aux preuves résultantes du dit PV permettre au suppliant en tant que besoin serait d'informer par la même voie d'office et criminelle tant par témoin que toutes autres voies de droit, des faits contenus au PV des employés et autres circonstances et dépendances pour partie (?) de le (?) et sur les conclusions de Messieurs les gens du Roi, être prononcés tels décrets de justice, statué et ordonné ce que de raison, tant contre lesdits François Guillou, Jean Thibaudeau, sa femme, que les autres complices, coupables de la dite rébellion et voies de fait par eux commises, réservant le suppliant de prendre à la suite les conclusions qu'il verra bon et ferez justice.
Signatures : Thublet de la Flores (?) ; Lonnel ;
[plus bas, en petit : Permis d'appeler à mercredi premier avril neuf heures du matin les employés en la chambre du conseil pour être reportés sur leur procès verbal, au surplus permis d'informer d'office à Saint-Malo le 30 mars 1767. - signé : Delaunay].

Notes

DSCN5133.JPG et suivantes ; 7 B 44. Jean Thibaudeau, François Guillou (PV du mars 1767) ; à noter que Guillou est un nom acadien aussi ; un Jean Guillou mentionné dans Robichaux, pas de François)

Mots-clés

// fraude de tabac
// procès

Numéro de document

002117