Document : 1768-04-26
Références / localisation du document
SHM Rochefort, 1 R 12
Date(s)
1768-04-26
Auteur ou organisme producteur
Lemoyne
Destinataire
SEM Berryer
Résumé et contenu
Lemoyne à propos des Acadiens de retour de SPM et qui doivent y repartir.
Document de Lemoyne relativement difficile à comprendre concernant l'embarquement pour retourner à SPM d'Acadiens revenus en France de SPM ; peut-être embarquement également pour les Antilles. Incompréhension de Lemoyne quant à pourquoi on a fait partir ces Acadiens (qui vivaient bien à SPM) de l'archipel.
résumé long :
A reçu les ordres du ministre de "retenir en France les familles émigrées de Saint-Pierre et Miquelon" (1768-04-17b). Ne comprend pas pourquoi Dangeac a ordonné une émigration aussi générale, mais il a sûrement de bonnes raisons. Le 11 mars, SEM prescrivait de renvoyer les familles à Saint-Pierre et Miquelon (pas retrouvé cette lettre, mais retrouvé probablement une copie adressée à Guillot le 1768-03-11b). Il s'est conformé à cela et a fait l'examen de celles qui pouvaient être renvoyées.
Il a lors de cet examen pris connaissance de la situation de ces familles avant leur retour en France : certaine aisance : plusieurs avaient des maisons bâties, des équipages de pêche, des terrains à cultiver. Malgré leur pauvreté résultant de leur émigration forcée, ils ont accepté de retourner à Saint-Pierre et Miquelon avec chacun un baril de farine (= condition que L. a exigé pour qu'ils puissent embarquer). Un passage pas très compréhensible : Lemoyne semble dire que les Acadiens se sont cotisés pour envoyer devant des personnes chargées de remonter les établissement à Saint-Pierre et Miquelon. Ils iront ensuite les rejoindre par un prochain bateau (sous entendu il ne faut pas les empêcher de partir car ils seront sans ressource et ont engagé leurs économies dans cette affaire).
Secours du Roi = insuffisant pour des gens qui n'ont " aucun talent utile en France " et qui ont " fait usage du presque rien qui leur restait ". Si par contre on les renvoie à Saint-Pierre et Miquelon, ils seront très utiles. Ils ne craignent pas de manquer de moyens de subsister sur l'archipel et pensent atteindre l'aisance sous deux ans. Allusion assez obscure au départ du Sennac, un bateau allant vers Saint-Pierre et Miquelon (je ne sais pas s'il est déjà parti). Un autre passage peu compréhensible : il semble que le CG a critiqué Lemoyne d'avoir laissé retourner des personnes (famille Origneau ?) à Saint-Pierre et Miquelon ? Se défend d'avoir fait autre chose qu'appliquer les ordres. Il avait fretté un navire quand il a reçu les ordres que le ministre avait changé d'avis. Très difficile à comprendre ce à quoi Lemoyne fait allusion : il parle de deux navires : la Louise (visiblement à destination de Saint-Pierre et Miquelon) et Le Sennac (visiblement à destination des Antilles). Il semble que sur ces deux bateaux il y ait eu des Acadiens, mais que le ministre a changé d'avis et Lemoyne doit retenir l'un des deux bateaux (pour l'autre c'est déjà trop tard).
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26 avril 1768.
J'ai l'honneur de répondre à votre dépêche du 17 de ce mois [1768-04-17] que M. de Ruis m'a remis. Vous ordonnez de retenir en France ces familles émigrées de SPM en septembre dernier.
Je ne puis discuter les motifs qui ont pu déterminer M. Dangeac à une émigration si générale, je suis persuadé qu'il ne s'y est déterminé que par des raisons qui lui ont parues très fortes, mais je crains qu'on ne lui ait présenté les objets sous un aspect à l'obliger de prendre vos ordres dans l'interprétation la plus extrême.
Votre dépêche du 11 mars [non retrouvée] prescrivait à M. de Villehelier de disposer les familles à repasser à SPM mais de ne permettre le retour qu'à celles qui avaient les moyens de se passer des secours de la ration, ce qui pouvait donner des assurances qu'elles ne serait à charge ni au Roi ni à la colonie.
D'après ces conditions exprès de votre dépêche M. de Villehelier a scruté les facultés de chaque famille. J'ai de mon côté été obligé de le faire et ce n'est que d'après l'examen des moyens qu'ils prévoyaient que je m'étais assuré du nombre que je pouvais en exécution des ordres faire embarquer.
L'examen des facultés actuelles m'a forcé de prendre connaissance de celles dont ces mêmes familles jouissaient lors (?) de l'émigration. La plus grande part avaient des maisons bâties ; plusieurs avaient des pêcheries montées, des équipages et des voitures de pêche ; d'autres avaient des terrains qu'ils cultivaient et un grand nombre avaient des moyens préparés pour la prochaine pêche, à l'exception de quelques gens isolés. On peut dire qu'en général ces Acadiens pouvaient vivre par la pêche et avaient leur subsistance assurée par leurs travaux.
Malgré le dérangement affreux que l'émigration a causé à leurs affaires déjà trop ruinées par les circonstances dans lesquelles ils s'étaient trouvés, ils se sont tirés (?) soumis à transporter avec eux un baril de farine ; le plus mal à son aise ne s'est pas refusé à cette condition que j'imposais comme de rigueur pour obtenir l'embarquement.
Par suite de leur embarquement, ces malheureux ont refondu tout ce qu'ils avaient, ils en ont envoyé partie par leur père, leur mère, leurs parents qui ont pris les devants pour travailler à remonter leurs établissements de pêche et rétablis leurs moyens d'industrie. Ils sont commissionnaires de ceux qui sont restés pour s'embarquer dans le Senac, et ceux ci sont de ceux déjà partis pour convertir utilement ce qui leur restait ; ils n'ont plus rien pour s'aider, les familles ne sont plus entières, que deviendront-ils s'ils restent ? Le soulagement que le Roi leur donne est leur unique ressource, mais est insuffisant à des gens qui n'ont aucun talent utile en France, ni moyens, ayant fait usage du presque rien qui leur restait. Si au contraire Mgr veut les renvoyer, de quelle utilité ne seront-ils pas pour établir ce seul point de pêche pour ainsi dire qui nous reste en propriété ; aucun de ceux disposés à retourner ne m'a paru douter sur les moyens de subsister, beaucoup ont mis en avant l'existence dure qu'ils éprouveraient jusqu'à ce qu'ils fussent rétablis, mais pas un ne m'a paru craindre de manquer de subsistance, enfin un grand nombre par les détails dans lesquels je suis entré m'a démontré qu'ils étaient établis de façon à espérer l'aisance sous deux ans. M. Dangeac n'a peut être pas cru devoir approfondir ce fait, il s'en est tenu au nombre de familles que vous lui exprimiez pour vous y aider.
J'avais pris toutes les précautions possibles pour remplir l'esprit de votre ordre. Le Sieur Munié armateur du Senac homme facile lorsqu'il faut faire le bien s'était rendu leur commissionnaire et chargeait une petite cargaison en farine et autres choses d'essentiel besoin qu'il voulait leur donner au prix le plus modique, il avait des arrangements dictés par la charité, et sans doute il était assuré du payement.
Quant à ma conduite, je la crois irréprochable. Par votre dépêche du 11 mars vous donnez des ordres pour le retour des Acadiens. J'exécute sans perdre un moment ce que vous ordonnez, je frette le Senac. La famille Origneau (?) me propose de retourner dans un bâtiment appartenant à un d'eux, j'acquiesce à leur demande, je presse, deux motifs l'exigèrent. Le 1er, mon devoir obéir à l'instance. J'en eusse usé de même si le retard en eusse (?) l'exécution ; le second, le bien essentiel qui devait rejaillir sur ces pauvres gens s'ils pouvaient arriver assez à temps pour profiter de la première pêche.
J'ai eu l'honneur de vous rendre compte de ma demande le 19 mars. Je reçois le 16 (?) une lettre de M. Dubuq datée du 11. Il me prévient que je suspende, que vous avez d'autres vues sur les Acadiens, que je recevrai incessamment vos ordres. Je me trouve dans l'embarras le plus inimaginable, la Louise armée, dehors, ayant déjà tenté de sortir, elle est partie le lendemain le Senac ayant sa cargaison d'artillerie pour Saint-Domingue et pour la Guadeloupe à bord prêt à charger, les vivres des personnes qu'il devait passer, le munitionnaire ayant tout disposé et prêt à livrer tout ce peuple, ces arrangements faits soupirant après la fin du chargement pour s'embarquer je ne puis vous exprimer ma position. Je répondis le même jour à M. Dubuq et je le priai de vous faire part des observations que je jetai à la hâte sur le papier, il aura reçu ma lettre le 21. J'ai reçu votre dépêche le 23 si M. Dubuq juge que mes observations doivent vous être présentées je puis recevoir vos ordres mercredi ou vendredi au plus tard. Je lui ai promis le secret. Je l'ai assuré que je suspendrais toute opération jusqu'à sa réponse. Je lui fais en biaisant, je le priais, sans rien compromettre, de ne pas différer un moment de me faire passer vos ordres définitifs. Trouvez bon que je suspende jusqu'à ce jour si je ne reçois point vos ordres j'annoncerai cette cruelle nouvelle à ce peuple quoique je sois assuré de l'accabler. Je ne souffrirai pas moins que lui, mais je connais mon devoir, j'obéirai.
L'armateur aura des dédommagements considérables à répéter (?) ce qui ne serait pas si les moyens de le charger existaient à Rochefort. Il est tout prêt ses pièces et l'eau à bord. Les emménagements faits, l'armateur se trouve un vide qu'il ne peut remplir pour son compte, ayant disposé ses affaires en conséquences de ce fret, le munitionnaire avait livré les vivres exprès à mettre à bord. Enfin les réclamations pleines de douleur de ces malheureux auxquelles votre coeur compatissant ne pourra se refuser.
Notes
DSCN4962.JPG
Mots-clés
// Rochefort
// SPM
// repartir : SPM, Antilles (?)
Numéro de document
002144