Document : 1773-07-27
Références / localisation du document
BM Bordeaux, MS 1480, f°407-410// cf° 217-218
Date(s)
1773-07-27
Auteur ou organisme producteur
Lemoyne
Destinataire
Abbé de L'Isle-Dieu [Isle Dieu]
Résumé et contenu
A l'abbé de l'Isle-Dieu : compte-rendu de Lemoine de sa visite au Havre, Cherbourg, Saint-Malo : donne de nombreux détails notamment de l'organisation de la seconde visite :
CR de ses visites :
- au Havre : soumission et confiance
- à Cherbourg : idem, sauf D'Entremont et Landry (fausse noblesse)
- Saint-Malo : peu de réussite. Mutinerie. Les principaux traitent avec les anglais, font de la contrebande. Ils répandent des faussetés sur les terres, en espérant qu'on leur continuera la paye sans les déplacer. Ils cherchent à gagner du temps.
Il a du organiser une seconde visite pour détruire les faussetés de la première. Cite un extrait d'une lettre de Pérusse. Il a pris le risque de payer de sa poche 90 ou 100 livres pour faire envoyer les Acadiens et pour ne pas faire capoter l'entreprise, car le C.G. les aurait abandonnés.
Il a essayé d'écarter les deux "chefs de meute" JJ L. et S.A., qui ont des préjugés sur les terres mais qui ont le choix de tous les Acadiens du coin. Ils ont demandé à aller en voiture, quand lui voulait les envoyer à pied. Il a choisi un troisième acadien qui a accepté d'aller à pied.
Les Acadiens sont des "révoltés". Ne comprend pas les éloges de l'abbé LL. Manquent même de respect pour ce dernier, JJ en dit des horreurs.
Portrait de ce JJ Leblanc, le plus dangereux : toujours maître de lui, fait semblant d'être soumis, reste toujours maître de lui, a fait semblant de ne pas être intéressé à partir avec les autres, a voulu avec lui Simon Aucoin, et rejetter Joseph Doucet, mais pour de fausses raisons.
Détail des mesures prises pour la seconde visite : séparation de JJ LL et S. A. , etc...
Il pensait partir de SM au bout de deux semaines, il devra rester 6 semaines. Il saigne pour les veuves et les enfants. Un passage peu compréhensible : Acadiens ne sentent rien ou sont les plus grands misérables qu'il ait vu.
Guillot lui a communiqué la lettre qu'il a écrit aux Acadiens de Morlaix. Le remercie mais ne crois pas à la manière douce : il faut écarter ce mauvais sujet : Séverité est douceur. [cf. la lettre de l'île Dieu fiche @ 1773-07-20]
Le remercie pour tout et lui rappelle son attachement pour l'abbé depuis de nombreuses années.
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M. L'abbé de L'Isle Dieu, supérieur des missions étrangères
A Saint-Malo le 27 juillet 1773
Vous avez été M., et très respectable abbé, informé par M. Guillot de mon peu de réussite à Saint-Malo. Je n'avais trouvé au Havre que de la soumission et de la confiance, à Cherbourg le même sentiment se sont démontrés à en excepter seulement les familles de Dantremont et de Landry, [en marge : infatués (? tronqué) de leur prétendue (? tronqué) noblesse et les Landry de l'honneur qu'ils ont d'être alliées]. Aux (? Les) Dantremont regardent la profession de laboureur comme au dessous d'eux, tandis qu'ils s'adonnent aux plus vils métiers, même à vider des latrines. Ici je ne trouve que mutinerie qu'entêtement que déraison, la cause en existe dans les allures (?) que certains d'entre eux, les principaux, ont avec les Anglais, de ce qu'un grand nombre sont en traite avec eux, et des habitudes qu'ils ont contractés de faire la contrebande. Pour couvrir le vrai de leur conduite, ils ameutent (?), ils insinuent mille doutes sur la qualité des terres, et sur la réalité de ce qu'on leur promet ; ils le fortifient dans l'exagéré de leurs prétentions, et ils leur font entendre que la résistance (?) forcera à leur continuer la subsistance sans les déplacer. Par cette conduite, ils gagnent du temps, éloignent le soupçon (?) et espèrent conduire leur projet à la fin, que leur importe les autres pourvu qu'ils réussissent.
J'ai démontré les mensonges de ceux qui ont été visiter les terres, mais il était trop accrédité (?) pour le détruire. J'ai été forcé à me prêter à une seconde visite. M. de Pérusse par une de ses lettres dans laquelle il me dit : "Je voudrais pour beaucoup de choses que les mêmes Acadiens qui ont vu les terres de Monthoiron [légérement différente de la fiche # 241] l'automne dernier les vissent présentement, ils verraient pour qu'ils jugeassent par leur production de leur qualité".
A cette demarche, MM. les intendants de Bacancourt et de Blossac, car j'ai été les voir tous deux pour les consulter du même avis [il manque un mot], mais n'ayant point de fonds à y employer, j'en ai fait les avances à tous risques. Je n'ai pas voulu avoir à me reprocher pour 90 ou 100 # qu'il peut m'en...(?) de ruiner cette affaire et me forcer à décrier (?) ce misérable peuple. Ce que je ne pouvais me dispenser de faire si je l'eusse pris au mot : vous savez, M. que M. le C.G. les eut abandonné et eut fait cesser toute grâces à leur égard. Que de victimes de la crainte, car les chefs de la mutinerie leur en inspirent ! Que des vicitimes de la subornation [ Vx Détourner du droit chemin, du devoir] ! C'est ce que m'arrête [ou : m'a arrêté].
J'ai envoyé trois acadiens à Monthoiron, JJ L. en est un, un nommé S.A., que J.J. a demandé absolument avec lui, tous deux chefs de meute, mais du choix absolue des Acadiens, quelque chose que j'ai pu faire pour les rejeter parce que je les crois déterminés d'avance à nier la bonté de la terre, et même à la décrier encore plus. Prévenus comme ils sont pour la connaissance qu'ils ont de la supériorité de celle de l'Acadie, j'ai été forcé de consentir.
Le 3e est un nommé Joseph Doucet, bonhome, qui sur la résistance des autres qui voulaient qu'on fournit des voitures à JJ vû que M. l'abbé Le Loutre le faisait aller en chaise de porte, me dit qu'il s'offrait et qu'il irait bien à pied comme je le proposais. Je le pris au mot, enfin pour satisfaire au préjugé des habitants de S. M. j'y ai joins un quatrième, un breton regissant des biens depuis longtemps, bon agriculteur, estimé et comme (?) pour expert et intelligent ; ils sont partis mercredi dernier j'en ai rendu compte au ministre avec tous les ménagements que vous pouvez penser.
En vérité, M., ces gens là ne sont pas ceux que je croyais trouver. Ce sont des révoltés. L'expression n'est point outrée, sur quoi l'abbé Le Loutre fondait-il ses éloges ? D'où lui venait sa tendresse de prédilection pour ceux de Saint-Malo ? Bien ....[latin ?], que Saint-Malo les a gâtés ? Leur ingratitude pour l'abbé Le Loutre est imaginable [sic] Jean-Jacques en dit des horreurs.
Ce Jean-Jacques Le Blanc, est l'homme le plus dangereux de tous par l'estime qu'il s'est acquis chez ce peuple et par sa finesse. Cet homme est toujours maitre de lui, il écoute et se tait sans perdre de son calme quelque vivement qu'on le pousse. Il se contient, met un mieleux (?) à tout, ce qu'il dit est toujours respectueux, ne s'écarte jamais. On ne peut le prendre en défaut. Il est froid comme glace et par cela je le redoute plus que les autres. Plus cet homme met de la résistance plus il se décore de soumission. C'est vraiment un homme mais un homme dangereux ; je savais qu'il mourrait d'envie d'être nommé pour la visite, il se démontrait très fâché de ce que son frère le désignait, il paraissait refuser avec fermeté, il ne parû se rendre que comme forcé, et par la crainte qu'un choix qui pourrait déplaire ne fit manquer ce que je paraissais désirer. Jamais fourbe n'a si bien joué son rôle, vous eusse-il détrompé (?). Il se démarque cependant par l'obstination qu'il met à vouloir avec lui Simon Aucoin, et à (le ?) rejeter Joseph Doucet n'appuyant cependant que sur le soins qu'il espérait de cet homme s'il lui arrivait quelqu'accident en route.
Il faut maintenant que j'attende ces messieurs, j'ai recommandé le plus d'authenticité possible dans cette visite et tout ce qui pourrait empêcher la connivence. J'ai demandé qu'on sépare JJ L. de S. A. de faire deux bandes pour que chacune ignora l'avis de l'autre visitant néanmoins les mêmes terrains l'un après l'autre. J'ai recommandé qu'on leur joignit des cultivateurs poitevins. J'ai prié M. de Pérusse d'être présent dans une bande et que M. de Sutière ou un homme à lui fut présent avec l'autre, de bien fouiller et montrer des terres en rapport semblables à celles en friches, de dresser un verbal bien exact sur le lieux même et le faire signer sur le terrain etc.
Si ce que je ne puis imaginer, les terres étaient démontrées improductibles, ce sera à M. de Pérusse et M. de Sutière à s'exercer vis à vis du gouvernement. Je comptais expédier S.M. en 15 jours, j'y serai plus de 6 semaines. Je ne me plaindrai pas si je réussi et si mes peines me font toucher le but que je me suis proposé : le bonheur de ce malheureux peuple. Les hommes me touchent peu, mais le coeur me saigne pour les veuves et les enfants, si l'affaire réussit, combien de graces nécessaires pour ceux qui ne pourront pas être attachés à la glèbe, mais aussi le principal manquant que devient l'accessoire ? Cela fait trembler. Ces gens là ne sentent rien, où sont les plus grands misérables que j'aie jamais vu.
M. Guillot m'a communiqué, M., la lettre que vous avez la charité d'écrire à ceux de Morlaix. J'y reconnais votre âme et votre zèle, mais Alexis Trahan à mis le feu dans les esprits et vous ne gagnerez rien. Je crois qu'il convient d'écarter ce mauvais sujet, pour remettre le calme. L'effet se fera sentir à S.M. il faut un exemple. Sévérité est douceur.
J'ai l'honneur de vous remercier de toute l'amitié et des sentiments dont vous m'honorez. Je veux les mériter et je les mérite par l'attachement (?) le plus vif, le respect et le sentiment de vénération que je vous ai voué pour la vie.
Mots-clés
// chefs de meute
// révoltés
// coercition
// DV
// Cherbourg
// Havre
// SM
// Poitou
// Morlaix
Numéro de document
000248