Document : 1773-11-30

Références / localisation du document

BM Bordeaux, MS 1480, f° 526-529// f° 276-278

Date(s)

1773-11-30

Auteur ou organisme producteur

Lemoyne // Acadiens

Destinataire

Blossac

Résumé et contenu

Suggestions à Blossac pour améliorer la situation des Acadiens à Châtellerault. Perception locale, difficultés, etc....
Lemoyne se fait le porte-parole des revendications des Acadiens.

A vu à Châtellerault les chefs des familles acadiennes contents d'être arrivés et plein d'espérance pour l'avenir. Il faut cependant quelques réflexions qu'il espère que Blossac accueillera favorablement. Blossac doit les traiter comme un père plutôt que comme un administrateur. Les habitants de Châtellerault regardent les Acadiens comme des personnes à exploiter ou une concurrence de la main d'oeuvre :
"Ayez, M., la bonté de faire attention que les habitants de Châtellerault regardent les Acadiens sous un point de vue ou comme un moyen pour eux de profiter des besoins que des gens absolument isolés trainent après eux, ou comme une augmentation de bras qui rendra les leurs bien moins précieux enfin comme à charge à beaucoup d'égards. Sous le premier point de vue les misérables familles sont rançonnées sur plusieurs objets et même sur tous ceux d'un détail nécessaire à l'existence."
Suggestions pour remédier à cette exploitation :
A. Le bois : on leur vend le bois trop cher, plus que le double du prix (détails). Suggère qu'il soit acheté (par le maire) plusieurs milliers de fagots, mis en lieu sûr, et revendus à prix coûtant aux Acadiens seulement, avec retenue sur leur paye. Il fait confiance pour cela au maire dont on lui rend de bons témoignages. Il pourra regarder d'autres objets (légumes, etc...), mais le bois est le plus important en cette saison.
B. Les crédits : s'ils sont obligés de demander des crédits, cela leur coûtera fort cher. Il faudrait veuiller à ce que le versement des secours ne souffre pas de retard. Ils ne peuvent souffrir qu'un mois de retard, et par ailleurs il vaudrait mieux qu'on leur donne un mois d'avance, cela se révelerait sans doute une économie car moins de maladies.
C. Logement : "L'habitant regarde les Acadiens comme à charge. Il n'a pas absolument tort cependant il en est beaucoup qui se sont prêté à les loger et qui leur ont donné des marques de la plus grande humanité". D'autres cependant les logent très mal : pas de fenêtres, de vitres, de couvertures, etc... Les Acadiens n'osaient s'adresser au maire ou au subdélégué.
D. Instruction : Acadiens = "gens plein de moeurs". On leur refuse l'instruction pour leurs enfants à cause des classes surchargées d'enfants de la ville. Demande s'il ne serait pas possible d'établir deux classes, une pour garçon, une pour filles.
E. Travail rémunéré pendant l'hiver : Les Acadiens lui ont aussi demandé s'il pouvait intercéder pour qu'on leur procure de l'occupation : 6 sous ne suffisent pas pour vivre pendant l'hiver. On a proposé aux femmes du filage, mais à des prix abusifs. "Quant aux hommes la jalousie est un obstacle que la haine augmentera s'ils se donnent à meilleur marché que celui d'usage". Ils demandent du travail qui ne retranche rien aux gens du pays, si possible.
Les Acadiens ont été très sensibles aux traitements affectueux des maires de Niort et de Saint-Mexant.

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M. de Blossac intendant de Poitiers du 30 novembre 1774

a vu à Châtellerault les chefs des familles acadiennes contents d'être arrivés et plein d'espérance pour l'avenir. Il faut cependant quelques réflexions qu'il espère que Blossac accueillera favorablement.

"J'ai, Monsieur, en passant à Châtellerault, vu les chefs des familles acadiennes très satisfaits d'y être rendus et (?) pleines d'espérances d'un avenir heureux. Permettez moi, M. quelques réflexions sur leur position actuelle (?). Elles seront je crois bien accueillies de vos sentiments (?) pour l'humanité.
Ces familles ont plus beson d'un coup d'oeil de p[ère](?) de familles que de celui d'administrateur qui n'a qu'un but à atteindre par les moyens ordinaires dictés. Ayez, M., la bonté de faire attention que les habitants de Châtellerault regardent les Acadiens sous un point de vue ou comme un moyen pour eux de profiter des besoins que des gens absolument isolés trainent après eux, ou comme une augmentation de bras qui rendra les leurs bien moins précieux enfin comme à charge à beaucoup d'égards.
Sous le premier point de vue les misérables familles sont rançonnées sur plusieurs objets et même sur tous ceux d'un détail nécessaire à l'existence.
Je ne m'attacherai qu'à ceux auxquels il me parait fort aisé de remédier. Outre le bois nécessaire pour la triste cuisine de ces pauvres gens, il leur en faut dans une saison pour se chauffer et plus à proportion des enfants qu'ils ont. On leur vend (?) le bois au détail. Le fagot de 7 pieds de long dans lequel il doit se trouver du bois presque buché en une certaine quantité ne vaut que 28 à 30 # le cent ce qui fait six sols le fagot et on leur vend celui de 4 pieds à 4 pieds 1/2 jusqu'à 7s. 6 d., ce qui est plus que le double. Il me semble qu'en père de famille il est aisé d'apporter le remède à cette vexation. Qu'il soit acheté plusieurs milliers de fagôts de sept pieds, que le maire de la ville soit chargé de les faire mettre en lieu sûr et qu'il donne ordre de les délivrer au prix d'achat, mais aux seules familles acadiennes et à raison du besoin de chacun par semaine et que le prix de la quantité délivrée soit retenue sur la paye tous les mois. Il n'y aura plus d'abus sur ce besoin, la réputation de M. le maire dont les Acadiens se louent beaucoup est assez bien établie pour que je sois persuadé qu'il rendra volontiers ce service à l'humanité et qu'il veillera comme sur d'autres articles intéressants, légumes, menus grains, etc., l'article du bois est bien intéressant vu la saison et la quantité d'enfants.
J'ai encore, M., aperçu que les crédits longs qu'ils seraient forcés de demander seraient payés par eux et fort cher plusieurs l'ont éprouvé sur quelques points, tous souffriraient ce mal si la paye de la subsistance ne leur était pas faite avec la plus grande exactitude tous les mois. Un mois de retard est tout ce qu'ils peuvent souffrir de délai, tous m'ont engagé à vous prier d'avoir égard à leurs désirs à cet égard. J'étends cette réflexion à vous représenter qu'il serait très utile de leur faire payer un mois d'avance vu la saison pour habiller les enfants dont la plupart sont nus à faire pitié. Il serait peu intéressant pour la finance que ce mois fut le dernier qu'ils auraient à recevoir. Il sauvera bien des maladies et des frais d'hôpitaux je le crois d'économie.
L'habitant regarde les Acadiens comme à charge. Il n'a pas absolument tort cependant il en est beaucoup qui se sont prêté à les loger et qui leur ont donné des marques de la plus grande humanité. J'ai vu avec plaisir la reconnaissance de quantité d'Acadiens, mais il est des habitants qui se sont refusés et qui se refusent aux arrangements les plus indispensables, des couvertures non étanchées (?), des fenêtres sans croisées [Châssis vitré, ordinairement à battant, qui ferme une fenêtre.] ni contrevent [Grand volet extérieur.], des chassis sans verres auxquels ces malheureux sont obligés de supléer avec du papier que le premier grain de pluie déchire, des portes non fermantes, etc. etc.
J'ai eu nombre de plaintes à cet égard. Ces pauvres gens n'osaient s'adresser au maire ni au subdélégué je les ai assuré qu'ils pouvaient y avoir recours que certainement ils n'étaient point obéis dans les ordres qu'ils avaient donné, et que votre intention était que les logements fussent convenablement disposés.
Voici, M. une autre supplique je me suis chargé de vous faire. Ces gens là pleins de moeurs voient avec peine une suspension à l'instruction de leurs enfants. On les leur refuse aux écoles de charité qui je les crois sont surchargées des enfants de la ville. S'il était possible, Monsieur, de leur en établir une de charité pour les filles et une pour les garçons vous satisferiez bien la façon de penser de ces honnêtes gens.

Une autre, M., très intéressante qu'il m'ont prié de vous faire est de leur procurer de l'occupation pendant l'hiver, six sols étant bien court pour faire subsister leur famille et les entretenir de vois (?) et de vêtements.
On a proposé aux femmes du filage mais à un prix qui démontre l'abus que l'on veut faire de leurs besoins. Par votre autorité, Monsieur, ne serait-il pas possible de leur procurer au même prix que les manufactures en donnent ? Quant aux hommes la jalousie est un obstacle que la haine augmentera s'ils se donnent à meilleur marché que celui d'usage. Vous connaissez leurs talents, aussi M., soit pour le Roi soit pour les particuliers par votre crédit, ils vous supplient de leur en procurer qui ne retranche rien aux gens du pays, s'il est possible. Plus M. de Pérusse en occupera, mieux ce sera, mais ne les occupera pas tous et surtout cet hiver moment le plus intéressant aux pères de familles nombreuses. Voilà, M., des idées que j'ai cru devoir vous présenter, je les crois dans vos vues d'humanité, les pauvres acadiens méritent votre protection.
Je ne doit point vous taire toutes les assurances de reconnaissances qu'ils m'ont démontré, des traitements affectueux qu'ils ont reçu de M. Le maire de Niort et à Saint-Mexant, ces honnêtes gens ont senti vivement les bontés que ces deux officiers municipaux ont eu pour eux. J'ai l'honneur d'être avec l'attachement le plus respectueux, M. etc...

Notes

voir aussi les requêtes des Acadiens au C.G. fiche suivante (en fait fiche @ 320)

Mots-clés

// perception locale
// perception des locaux, conditions de logement, problème du travail moins cher etc...
// paternalisme
// hostilité
// exploitation
// 6 sous : signification
// dettes
// logement
// instruction
// percepti

Numéro de document

000316