Document : 1774-03-00 // 1774-04-00

Références / localisation du document

BM Bordeaux, MS 1480, f° 573-590 // f° 300-308

Date(s)

1774-03-00 // 1774-04-00

Auteur ou organisme producteur

Lemoyne

Destinataire

Controleur général (Terray)

Résumé et contenu

Mémoire : historique des secours (cause = fidélité à la France) et demande d'un cadre légal à l'établissement du Poitou. Acadiens = "Regardés comme sujets des colonies", "auxquelles le gouvernement me semblait devoir plus d'affection" [qu'aux Allemands].

Résumé : "Les Acadiens français d'origine ne sont en France que parce qu'ils n'ont jamais voulu manquer à la fidélité qu'ils s'étaient juré de conserver au Roi. Ils ont préféré de souffrir les vexations les plus outrées, d'abandonner leurs biens, leurs richesses, d'exposer leur famille à l'existence la plus dure, de vivre épars en fuite dans les bois, plutôt que de prêter serment de fidélité au Roi de la Grande-Bretagne, quoique le terrain qu'ils occupaient lui eut été cédé par des traités."
A la paix : retour d'Angleterre de ceux qui n'étaient pas morts. D'autres arrivent en France ayant fuit directement l'Amérique. "Regardés comme sujets des colonies", ils sont secourus par le ministre de la marine, 6 sous par jours. Plusieurs acceptent de passer dans les colonies. Beaucoup de morts dans les colonies (climat). L'administration lui incombait à Rochefort naturellement (allemands qui n'avaient finalement pas été envoyés à Cayenne). Il est chargé d'étudier des possibilités d'établissement pour les Allemands. Il pense aux Acadiens, "auxquelles le gouvernement me semblait devoir plus d'affection".
Après le départ des Allemands, convoqué à Paris par de Boynes. De Boynes regrette que les chose n'aient pas été prises en main plus tôt. Lemoyne propose de les établir. Renvoi à Bertin (agriculture). Bertin s'adresse au C.G. pour un financement. Pérusse propose ses terres. Rédaction du plan. Recensement nécessaire des Acadiens dont se charge Lemoyne. Idée d'un contrat entre le C.G. et les familles acadiennes (droits et devoirs).
Secours simples aux Acadiens ne suffisent pas. Il fallait les établir. Distinction en deux classes : les ouvriers de l'industrie, et les agriculteurs. Chacun a été pourvu. Le C.G. "a plus fait, les intentions paternelles de sa majesté pour ce peuple qu'il a adopté pour ses sujets, l'ont décidé à donner à l'humanité tout ce qu'elle pouvait exiger". Tous les individus secourus.
"Certainement tous les ordres préliminaires qu'il [C.G.] a donné tendent au but, mais je le répète, il en faut qui aient la force légale, pour consolider une opération qui flatte son c?ur et qui doit faire une époque glorieuse à son ministère. [passage souligné]"
2.542 "individus vraiment acadiens ou ayant acquis cette qualité par les établissements qu'ils avaient formé et par les services qu'ils ont rendu dans l'Acadie et le Canada pendant les dernières guerres."
1.500 choisis pour l'agriculture secourus par le Roi jusqu'à ce qu'ils soient autosuffisants.
1.042 individus doivent vivre de leur industrie. Certains ne peuvent pas gagner leur vie.
Détail du coût des opérations : total de la dépense pour les Acadiens (évaluation) : 890 757 #
Lemoyne veut ensuite montrer "tous les objets qui doivent faire le fond de l'arrêt du conseil qui doit déterminer la marche dans l'exécution des intentions du gouvernement, fixer les engagements réciproques du gouvernement, de M. le Marquis de Pérusse et des familles acadiennes et enfin assurer immuablement les grâces du Roi à ceux qui doivent en jouir.
Résumé ensuite des propositions de Pérusse [cf. fiche # 0000337] :
1. détail du projet ; 2. engagements de Pérusse vis à vis du gouvernement et des familles ; 3. engagements du gouvernement vis à vis de Pérusse : a. payement de 600 000 # en huit payement tous les trois mois ; b. jouissance pour les colons des avantages des défrichements (arrêt du conseil de 14 juin 1763) : exemption de corvée royale, grand chemin, milice, etc... ; 4. engagement des Acadiens vis à vis de Pérusse : notamment les différentes taxes et rentes sont énoncées.
Projet se termine par un "détail des grâces particulières que les familles espèrent du gouvernement", notamment il faudra fixer pour combien de temps ils seront exemptés de tailles, etc...
il faudra peut-être faire une distinction entre les familles affectées au défrichement et celles qui resteront dans les villes.
pas besoin selon L., enfin de dire dans cet arrêt ce qui convient de laisser aux vieillards, etc... ni ce qui concerne les jurandes dans les villes (exemptions de maîtrises je pense).

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Les Acadiens français d'origine ne sont en France que parce qu'ils n'ont jamais voulu manquer à la fidélité qu'ils s'étaient juré de conserver au Roi. Ils ont préféré de souffrir les vexations les plus outrées, d'abandonner leurs biens, leurs richesses, d'exposer leur famille à l'existance la plus dure, de vivre épars en fuite dans les bois, plutôt que de prêter serment de fidélité au Roi de la Grande-Bretagne, quoique le terrain qu'ils occupaient lui eut été cédé par des traités.
A la Paix, le Roi réclamant ses sujets, ceux que les Anglais avaient fait passer en Angleterre et qui n'ayant pas succombé aux misères de tout genre qu'ils avaient éprouvé, étaient gardés dans les prisons ; ils furent ramenés en France. D'autres qui étaient restés dans l'Amérique et qui avaient échappé en fuyant dans les bois aux poursuite des Anglais, à force de recherches et de ruses parvinrent, enfin, à s'y rendre, tous regardés comme sujets des colonies, ils étaient sous la main du ministre de la marine, qui suivant les intentions du Roi, se proposait de leur procurer des propriétés en France et dans les colonies, et en attendant leur faisait payer six sols par jour et par tête pour les aider à subsister. Le nombre en était considérable.
M. le duc de Choiseul leur présenta des moyens d'établissement qui convenaient à leur état et profession habituels. Un très grand nombre accepta de passer aux Iles du vent et sous le vent, où le gouvernement leur procurait de la terre et des moyens de s'y établir, beaucoup furent envoyés à Cayenne.
Le climat de ces colonies chaudes, si différent de celui dans lequel ils avaient vécu et été élevés, fut funeste à la plupart ; peu y sont restés établis et plusieurs ont obtenu de repasser en France, leur tempérament ne pouvant se faire au climat. La majeur partie de l'administration qui intéressait les Acadiens tenait au détail des colonies, dont j'étais chargé au port de Rochefort ; j'avais eu dans ce même détail l'administration des familles allemandes qu'on avait appelé en France, pour employer à l'établissement d'une nouvelle colonie à Cayenne. La première destination qu'on se proposait de leur donner n'ayant pu avoir lieu, il fut question de les placer en France sur les terres vagues et vaines et de protéger leur établissement dans les villes ou leur industrie et leurs talents pouvaient être utiles et leur procurer les moyens de subsister. J'eus ordre d'étudier et de rechercher tout ce qui pourrait faire réussir ces vues. Mon attention se porta naturellement à rendre ce que l'on projettait pour les familles allemandes, comme aux familles acadiennes, auxquelles le gouvernement me semblait devoir plus d'affection ; tout ce que je proposai convenait aux uns et aux autres.
Les familles allemandes ayant été dédommagées et renvoyées dans leur pays, mon travail n'eut plus d'autre objet que les familles acadiennes.
En 1771, M. de Boynes se fit rendre compte de ce qui pouvait avoir rapport à ces familles. Elles lui parurent mériter sa protection. Il m'ordonna en décembre de me rendre à Paris, pour lui rendre compte du travail que j'avais fait précédemment et des vues que j'avais présenté pour leur établissement.
Le secours de six sols par jour et par tête exigeait un fond annuel considérable qui l'avait frappé ; cette dépense ne terminait rien et n'était qu'une expectative, des vues bienfaisantes du Roi que ne changeait rien à la position de ces familles. Il calcula la dépense depuis 1758 qu'elle existait et le fruit qu'on en eut tiré, si on se fut occupé sérieusement des le premier moment, des moyens de mettre ces familles en état de subsister de leurs travaux et industries. J'eus l'avantage de lui montrer la possibilité qu'il y aurait eu de les leur procurer et la nécessité de prendre un parti, d'assigner un terme à cette dépense, et d'employer les fonds qui seraient fixés, de façon que partie fut donnée à la subsistance des familles pendant que l'autre serait employée aux moyens qu'on leur donnerait, pour se former eux mêmes des établissements.
M. de Boynes gouta cette idée, mais les moyens de la mettre en pratique ne se trouvant pas dans le cercle de son ministère il engageat M. Bertin à procurer ceux que l'agriculture permettait et me donna ordre de lu participer le travail que j'avais fait. M. Bertin gouta le plan que j'avais présenté, il s'en occupa, mais la destination des fonds appartenant à M. le contrôleur général il intéressa ce ministre [C.G.] à la nécessité de l'exécution qui promit ceux qui seraient nécessaires.
M. de Pérusse d'Escars avait eu connaissance par M. Bertin et M. de Boynes de mon travail de mon plan et de mes calculs économiques. Ayant dessein de défricher ses terres de Monthoiron et de Target en Poitou, près Châtellerault, il vit qu'il pouvait appliquer les vues du ministère à ses dossiers particuliers de défrichements. Il résuma les différents mémoires qu'il avait eu en communication, il me fit l'honneur de conférer avec moi et d'après les études qu'il fit de la chose il présenta à M. le C.G. un projet pour établir les familles acadiennes sur ses terres.
Le plan discuté, examiné et combiné fut rédigé, souscrit de M. de Pérusse et accepté du ministre [C.G.] qui fixa les fonds sur les différents objets.
J'eus ordre alors et de M. Bertin et de M. de Boynes de remettre à M. le C.G. le travail que j'avais fait. Les témoignages que M. de Boynes avait eu la bonté de lui rendre de moi le déterminèrent à m'honorer de ses ordres pour suivre les opérations qui devaient précéder les arrangements définitifs qu'il se proposait.
En conséquence, je me rendis dans tous les lieux où résidaient les familles, j'en fis la revue générale ; elle était indispensable pour assurer les connaissances sur leur nombre, leur formation et leurs talents ; je n'avais pu me procurer cette connaissance avec l'exactitude qui convenait ; une correspondance par lettre est toujours pleine d'erreur.
Les ordres dont j'étais porteur dictaient les grâces que je pouvais promettre à ce peuple de la part du gouvernement. Les engagements que je pouvais annoncer pris par M. le Marquis de Pérusse vis à vis du gouvernement sur ce qui pouvait les intéresser et ceux que le gouvernement exigait que prissent les familles acadiennes vis à vis de lui et de M. de Pérusse.
Mais pour consolider et rendre immuable les engagements réciproques et les grâces que ce gouvernement veut (?) procurer aux familles acadiennes, il est je crois indispensable de donner des ordres qui soient dans la ... qui caractérise la loi. [tout ce passage peu lisible, raturé, mais également souligné, ce qui veut dire que c'est important pour L.]
Le gouvernement a jugé que la fidélité de ce peuple et l'abandon qu'il a fait de ses biens méritaient les bienfaits du Roi. Il est venu à son secours, mais ce secours tel qu'il était réparti n'assurant à ce peuple que l'existence du moment, sans montrer le terme de sa nécessité, M. le C.G. adopté une autre forme de répartition, il y a ajouté des grâces qui mettent les chefs de famille en état de s'établir, par l'emploi utile soit de leur industrie, soit de leurs talents, et par ces moyens il a atteint le vrai bien que le gouvernement se proposait.
M. le C.G. a distingué dans la composition de ce peuple deux classes, l'une d'hommes n'ayant que des métiers et l'industrie à employer pour subsister, l'autre d'hommes propres à l'agriculture et désirant de reprendre leur profession d'habitudes, celle de leur père. Il a satisfait aux desirs des uns et des autres, de ceux là en leur accordant des grâces propres à leurs positions et en prolongeant le secours de subsistance jusqu'à la fin de 1774 ; de ceux-ci en leur faisant concéder des terres en propriété et obtenant du Roi les moyens de les faire valoir.
Il [le C.G.] a plus fait, les intentions paternelles de sa majesté pour ce peuple qu'il a adopté pour ses sujets, l'ont décidé à donner à l'humanité tout ce qu'elle pouvait exiger ; il a voulu ne négliger aucun des individus, les vieillards, les infirmes, les orphelins, êtres incapables de subsister de leur travail, ont été l'objet de son attention. Il leur a réservé des grâces propres à leur situation.

Certainement tous les ordres préliminaires qu'il [C.G.] a donné tendent au but, mais je le répète, il en faut qui aient la force légale, pour consolider une opération qui flate son coeur et qui doit faire une époque glorieuse à son ministère. [passage souligné]
Avant de proposer ce qui doit être ordonné légalement, il est je crois bon de présenter les différents points, qui doivent en faire l'objet.
Suivant toutes les vérifications que j'ai eu ordre de faire, il existe en total 2 542 individus vraiment Acadiens ou ayant acquis cette qualité par les établissements qu'ils avaient formé et par les services qu'ils ont rendu dans l'Acadie et le Canada pendant les dernières guerres.
De ce nombre 1 500 sont choisis pour l'agriculture. Le Roi outre la subsistance qu'il a bien voulu accorder à ces cultivateurs pendant les six derniers mois 1773, consacre un fond suffisant pour les faire subsister pendant le temps qu'ils employeront à former les établissements et pour leur procurer les moyens de les mettre en valeur.
IL reste 1042 individus qui aidés des secours et des grâces que sa majesté veut bien leur accorder doivent vivre de leurs talents et industrie, les secours qui leur sont accordés sous la paye de six sols par jour et par tête de tout sexe et de tout âge qui doit leur être continuée tout 1774 et des retraites dans des maisons de piété pour ceux hors d'état de gagner leur vie. Les autres grâces qui leur sont promises sont analogues à leur position et tombent sur tout ce qui peut faciliter leur établissement dans les villes du Royaume ; elles seront détaillées en traitant de celles communes à toutes les familles.
Les fonds étant le seul moyen d'exécuter les vues de M. le contrôleur général, je vais d'abord discuter ceux nécessaires sur tous les objets.
Ce peuple en total a jouit pendant les six derniers mois 1773 de la subsitance.

[à partir d'ici résumé]
[total du coût :
6 mois de subsistance pour tous = 140 318 #
1 042 individus pour 1774 = 113 198 #
1 500 cultivateurs ont : 600 000 # [cf. notes ci dessous]

Total : 853 517 #

fonds de 600 000 # doit suffire à la subsistance pendant 1774 et 1775, à la construction des bâtiments, achats bétail et outils, etc....

+ le Roi paye le transport à part : évaluation du cout du transport à 35 000 livre environ.

total de la dépense pour les Acadiens (évaluation) : 890 757 #

Lemoyne veut ensuite montrer "tous les objets qui doivent faire le fond de l'arrêt du conseil qui doit déterminer la marche dans l'exécution des intentions du gouvernemnet, fixer les engagements réciproques du gouvernement, de M. le Marquis de Pérusse et des familles acadiennes et enfin assurer immuablement les grâces du Roi à ceux qui doivent en jouir.

Résumé ensuite des propositions de Pérusse [cf. fiche # 0000337]

1. détail du projet

2. engagements de Pérusse vis à vis du gouvernement et des familles
[en note le détail de la dépense des 600 000 #]

3. engagements du gouvernement vis à vis de Pérusse :
a. payement de 600 000 # en huit payement tous les trois mois ;
b. jouissance pour les colons des avantages des défrichements (arrêt du conseil de 14 juin 1763) : exemption de corvée royale, grand chemin, milice, etc...

4. engagement des Acadiens vis à vis de Pérusse
notamment les différentes taxes et rentes sont énoncées.

projet se termine par un "détail des grâces particulières que les familles espèrent du gouvernement", notamment il faudra fixer pour combien de temps ils seront exemptés de tailles, etc...
il faudra peut-être faire une distinction entre les familles affectées au défrichement et celles qui resteront dans les villes.

pas besoin selon L., enfin de dire dans cet arrêt ce qui convient de laisser aux vieillards, etc... ni ce qui concerne les jurandes dans les villes (exemptions de maîtrises je pense).

Notes

// date : Lemoyne, dans un mémoire ultérieur (000347) fait allusion probablement à ce mémoire en date d'avril 1774. C'est probablement celui-ci.

Mots-clés

// Acadiens = Français d'origine // chair à colon
// secours
// désignation : français d'origine
// Français / étrangers
// statut
// allégeance
// recensement FE : 2,542
// Poitou

Numéro de document

000342