Document : 1765-09-06
Références / localisation du document
Joseph-Marie Lanco, "Les Acadiens à Belle-Île en-Mer. Correspondance de M. l'abbé le Loutre, Missionnaire apostolique, avec M. le baron de Warren, Maréchal des camps et armées du Roy, commandant pour le Roy à Belle-Isle", Supplément au "Lys", Bulletin mensuel de la paroisse et du pèlerinage de Notre-Dame du Roncier, Josselin, diocèse de Vannes, Morbihan, (mars 1924) . // AD Morbihan, Série E, correspondance de Warren (série 1-2 E)
Date(s)
1765-09-06
Auteur ou organisme producteur
Le Loutre
Destinataire
Warren
Résumé et contenu
Le Loutre à Warren. Visite de Le Loutre à Morlaix : envoi de deux émissaires à BIM pour préparer le terrain. Organisation pratique du travail. Demande l'assistance de Warren pour se prémunir de l'hostilité de la population. Demande que les Acadiens ne soient pas mal lotis. Demande de regroupement des Acadiens qui ne comprennent pas le breton. Il a reçu l'aide de Guillot.
----
De Brest, ce 6 septembre 1765
"Monsieur, j'arrivai lundi dernier à Morlaix. J'ai engagé mes Acadiens à choisir deux d'entre eux pour aller à BI préparer les logements, les nettoyer, et les tenir prêts pour recevoir les 77 familles à leur arrivée. Je leur ai recommandé de visiter le terrain qu'on leur destine, de faire marquer les emplacements afin qu'à leur arrivée il n'y ait plus qu'à travailler. La saison presse et nous n'avons point de temps à perdre. Ils doivent aussi faire le plan des maisons, granges, etc., afin de savoir la qualité et la quantité de bois qui sera nécessaire pour cet établissement. Ils doivent aussi s'informer du prix des pailles propres à couvrir, et, si l'ardoise à prendre sur les lieux ne coûtait pas plus cher que la paille, on couvrirait les maisons d'ardoises et les granges de paille - ce sera une affaire de supputation - car il faut bien ménager l'argent, si l'on veut qu'il suffise pour avoir tout ce qu'il faut pour un pareil établissement.
Nous aurions besoin, pour le présent, de vingt paires de boeufs pour le charrois des pierres et bois nécesaires à la construction de nos bâtiments ; mais ce qui m'embarasse, c'est le foin pour la nourriture des dits boeufs pendant l'hiver. J'écris en conséquence à M. Isambert ; comme il est fertile en expédient, j'espère qu'il nous en procurera.
Les deux Acadiens qui vont à Belle-Ile se nomment Armand Granger et Joseph Le Blanc. Ils auront l'honneur de vous présenter une lettre du ministre. J'espère, Monsieur, que vous voudrez bien leur accorder votre protection ; ils auront besoin, à leur arrivée, d'un lit et de quelques autres meubles pour se loger et faire leur cuisine ; car ils ne sont pas assez riches pour se mettre en pension : ce serait une trop forte dépense pour eux. Je vous prie et vous supplie, Monsieur, de donner vos ordres pour les leur faire fournir.
Une grâce que j'ai à vous demander, c'est de veiller à ce que nous n'ayons pas le rebut des habitations, mais que nous partagions dans le bon comme dans le mauvais. Dans ce point, nous aurons besoin de votre autorité pour mettre à la raison les anciens habitants et plusieurs personnes mal intentionnées qui leur donnent de mauvais conseils. Vous aurez la bonté, si nous sommes dispersés dans les quatre paroisses, de faire mettre du moins nos Acadiens de proche en proche, afin qu'ils puissent s'entr'aider dans leurs travaux, et n'être pas confondus avec les belleislois qui ne les regardent pas d'un bon oeil et dont ils n'entendent pas le langage. [remarque de Lanco à ce sujet : langue bretonne = la seule langue parlée à BI en dehors de la ville de Palais.].
J'ai vu ce matin M. de Cluny, et aussitôt il a donné ses ordres pour préparer les vaisseaux pour le transport des familles et me faire délivrer tous les outils portés dans le mémoire que j'avais eu l'honneur de présenter à M. de Choiseul.
L'on travaille à nous faire expédier promptement, et je pense que nous serons prêts à partir de Brest dimanche prochain ; les vaisseaux iront à Morlaix pour embarquer les familles et leurs effets, et, si les vents nous favorisent, nous serons, Dieu aidant, dans le cours du mois à Belle-Ile.
Aussitôt que j'aurai fait embarquer les familles qui sont à Morlaix, je partirai en poste pour Saint-Malo, mais je n'y serai pas longtemps ; M. l'intendant écrit, par cette poste, à M. Guillot pour frêter un bâtiment et le tenir prêt pour faire embarquer les familles à mon arrivée.
De Saint-Malo, je me rendrai à Vannes où j'ai affaire pour un jour ou deux, et ensuite je m'embarquerai pour Belle-Ile. Si j'osais prendre la liberté, je vous prierais de dire à un quelqu'un de me choisir une chambre meublée et de convenir du prix par mois.
Je vous demande pardon et excuse, mon commandant ; ce sont vos bontés qui m'inspirent cette confiance, et la consolation que je ressents de vous témoigner dans peu ma sincère reconnaissance et le profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
J.L. Le Loutre, prêtre missionnaire.
Notes
cité aussi par Fonteneau ; la réponse de Warren à le Loutre (du 16 septembre) est aussi retranscrite dans Lanco p. 9, mais RAS. Les deux Acadiens sont bien arrivés. Il a trouvé un logement pour Le Loutre chez une veuve. Enfin, la nourriture des boeufs ne devrait pas poser problème.
Mots-clés
// Morlaix
// BIM
// SM Saint-Malo
// hostilité des populations locales
// demande de regroupement des Acadiens
// motif de cette demande : entraide et problème de langue
// intégration
// dispersion
// RED
// culture
Numéro de document
000050