Document : 1768-08-00 // 1768-07-00
Références / localisation du document
Joseph-Marie Lanco, "Les Acadiens à Belle-Île en-Mer. Correspondance de M. l'abbé le Loutre, Missionnaire apostolique, avec M. le baron de Warren, Maréchal des camps et armées du Roy, commandant pour le Roy à Belle-Isle", Supplément au "Lys", Bulletin mensuel de la paroisse et du pèlerinage de Notre-Dame du Roncier, Josselin, diocèse de Vannes, Morbihan, (mars 1924) . // AD Morbihan, Série E, correspondance de Warren (série 1-2 E)
Date(s)
1768-08-00 // 1768-07-00
Auteur ou organisme producteur
Le Loutre
Destinataire
Warren
Résumé et contenu
Le Loutre à Warren : gouvernement pris entre deux feux : Précieux habitants ou dépense inutile ?
Le Loutre est à Paris, où il sollicite le gouvernement pour établir les Acadiens. A vu divers ministres [les ministres se repassent le dossier] , écrit divers mémoires ; les dépenses pour les Acadiens sont inutiles ; il faut ou les établir ou les laisser partir. Misère des Acadiens qui ne reçoivent pas leur paie régulièrement. Projet de donner les Acadiens à l'Espagne qui veut bien les accueillir. Gouvernement pris entre deux feux : la dépense trop grande vs. la honte de laisser partir de bons laboureurs. Espère que les Acadiens à BIM ont fait une bonne récolte et conseille de creuser des fossés pour éviter les disputes. Le remercie pour la défense de Laurent Babin.
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L'abbé Le Loutre au Baron de Warren.
Début de la lettre : concerne un nouveau billet pour Le Maigre qui a des problèmes pour se faire payer des Etats. Le Loutre est très mortifié de ce que ces billets ne peuvent pas être payés : "J'aime cet habitant, que je connais depuis bien des années. C'est un vieillard respectable et un parfait honnête homme."
"Vous savez qu'il y a plus d'un an que je suis à Paris pour engager le Ministre de décider l'affaire de l'établissement de nos pauvres Acadiens. J'ai fait plus de cent voyages à Versailles. J'ai été à Compiègne et à Fontainebleau. J'ai vu plusieurs fois M. le duc de Praslin. Je l'ai pressé, sollicité, jusqu'à l'importunité. Enfin il m'a répondu que désormais je devais m'adresser à M. le contrôleur général, que cette affaire ne le regardait plus. J'ai donc présenté, au nom des Acadiens, à M. le contrôleur général, un mémoire très détaillé et dans lequel je démontre la nécessité où se trouve le gouvernement d'opter où établir promptement les Acadiens, parce que les dépenses considérables qu'ils occasionnent à l'Etat tombent en pure perte et ne produisent aucun bien, et que d'ailleurs ils sont réduits à la dernière misère depuis plus de cinq ans qu'ils sont en France sans autre secours que la paye modique que le Roi a bien voulu leur accorder, et comme il arrive qu'on demeure quelquefois 5 ou 6 mois sans leur donner de l'argent, ils ont été dans la nécessité, et surtout l'hiver dernier, de s'endetter et même de vendre leurs hardes ; ou bien, si cet établissement devenait trop difficile ou trop dispendieux, qu'il fallait les laisser libres, et, dans ce cas, les Acadiens sortiraient dans peu du Royaume et, par ce moyen, feraient cesser les dépenses inutiles, puisqu'elles ne produisent aucun bien. Ils se donneraient à l'Espagne qui veut bien faire tous les frais du transport. J'attends une réponse et je la sollicite fortement, par des personnes d'une grande considération qui veulent bien s'intéresser pour nos pauvres Acadiens. Je sais bien qu'on voudrait les voir établis, mais la dépense fait peur à M. le contrôleur général. Il n'y a point d'argent, dit-on, et d'un autre côté, il semble qu'on ait honte de laisser sortir du royaume tant de bon laboureurs. Voilà, Monsieur le Baron, ce qui fait trainer en longueur et qu'on demeure indécis sur la décision de leur sort. Aussitôt que j'en aurai quelque nouvelle, j'aurai l'honneur de vous en faire part. Ceux qui sont établis dans votre Empire sont bien plus heureux. Vous voulez bien les prendre sous votre protection et les défendre contre ceux qui voudraient les tracasser ou leur faire quelque injustices. Je suis très reconnaissant du service que vous avez rendu au pauvre Babin. Ces Messieurs, en se liant ensemble, n'avaient d'autre dessein que de le ruiner et par ce moyen, le dégoûter et le forcer, peut-être, à abandonner son habitation.
J'espère que nos acadiens feront cette année une bonne récolte, du moins nous avons ici une belle apparence. J'espère aussi qu'on leur continuera jusqu'à la fin de décembre la paye de six sols, du moins on me l'a promis.
Je n'attends que la décision du contrôleur général pour sortir de Paris, où je m'ennuie et dépense beaucoup d'argent ; et je ferai mon possible pour passer à Belle-Île. Je désire sincèrement de voir encore une fois les pauvres familles, connaître par moi-même leur situation, et les engager à entourer leur terrain d'un bon fossé, afin d'éviter toutes disputes et procès avec leurs voisins. C'est l'unique moyen de conserver l'union et la paix entre eux, ce qui est fort à souhaiter."
J'espère que vous voudrez bien me permettre de passer quelques jours dans votre royaume, comme de vous offrir l'hommage du respect avec lequel je suis et serai toute ma vie, Monsieur le Baron, votre...
Notes
été 1768 ; [Font. p. 380-381 ; pas de réf.] ; Lanco précise que cette lettre n'est pas datée mais qu'elle date probablement de fin juillet ou début août 1768 ; [note de Lanco : le baron de Warren mentionne en anglais, qu'il y a répondu le 6 août].
Mots-clés
// Gouvernement pris entre deux feux : la dépense trop grande vs. la honte de laisser partir de bons laboureurs.
// démarches de Le Loutre
// conseils pour éviter les disputes
// les ministres se repassent les dossiers
// repartir : Louisia
Numéro de document
000064