Document : 1784-04-04 // 1784-03-31

Références / localisation du document

AMAE, Correspondance politique, Espagne, vol. 612 f° 287 [vol. DCXII, f° 287] // AGI, Papeles Procedentes de Cuba, legajo 197, fo. 954 // RAPC 1905-II p. 228

Date(s)

1784-04-04 // 1784-03-31

Auteur ou organisme producteur

Acadiens de France [nantes]

Destinataire

Vergennes, Charles de [ministre des affaires étrangères]

Résumé et contenu

Lettre d'Acadiens au ministre Charles de Vergennes pour leur passage en Louisiane [4 avril 1784]. Les Acadiens affirment leur patriotisme et leur reconnaissance au Roi mais évoquent leur misère et leur désir de passer à la Louisiane (motif officiel : regroupement familiaux) ; le Roi d'Espagne est un allié de la France (c'est donc différent de passer à l'ennemi) et il fait des propositions très avantageuses. 31 signatures d'Acadiens.

Le 4 avril 1784

A son excellence Monseigneur le Comte de Vergennes ministre des finances et des affaires étrangères

Monseigneur,

Les Acadiens qui ont l'honneur de vous adresser leur humble supplique vivaient autrefois avec aisance dans la province d'Acadie ; mais les ennemis de la France ayant, en 1755, envahi cette province, le pays fut entièrement dévasté, les maisons brûlées, les plantations ravagées, et les habitants dispersés. Une partie de ceux qui ont échappé à la mort s'est rendue dans divers endroits à la Louisiane, où sa majesté catholique les a tous accueillis comme s'ils eussent été ses propres sujets. La fertilité de cette province et les bienfaits du gouvernement espagnol les ont bientôt mis dans un état de prospérité qui leur a fait oublier tout ce qu'ils avaient souffert. Une autre partie plus considérable d'Acadiens se trouvant en Angleterre à la paix de 1763 a résisté à toutes les sollicitations qu'on lui a faites pour l'engager à s'établir dans les colonies anglaises. L'amour de ces Acadiens pour leur légitime souverain les a fait passer en France. Ils sont répandus dans la Bretagne principalement à Nantes et ce sont eux qui aujourd'hui supplient votre excellence de les écouter favorablement.
[début du passage cité dans le RAPC ou Lauvrière ou Fonteneau] :
En arrivant en France, sa Majesté nous reçut avec une bonté touchante. Et en attendant qu'elle pût nous donner des terres qui valussent celles que nous avions perdues en Acadie, elle accorda six sols par jour à chaque individu, laquelle solde a été depuis réduite à trois sols. Pénétrés d'une juste reconnaissance pour ces bienfaits, il n'y a pas un seul d'entre nous qui ne voulût vivre et mourir sous le gouvernement français. Mais, Monseigneur, voyez notre situation présente : après 28 années depuis la perte de nos biens, nous trouvons dans la pauvreté et la misère. Les propriétaires de maison refusent tous les jours de nous loger et sans les secours de sa majesté il nous serait impossible de subsister.
Il est bien douloureux, Monseigneur, de voir que nous sommes à charge à l'Etat sans avoir l'espoir de lui être utile en France : les terres de ce royaume appartenant à des seigneurs qui ne nous offrent que les plus stériles. Dans cette perplexité nous pensons que le sort le plus fortuné pour nous serait de rejoindre nos parents, nos amis établis sur les rives du Mississippi et qui vivent heureux sous la puissance d'un roi qui est l'ami, le parent et l'allié de notre monarque. Nous ne dissimulerons pas à votre excellence que depuis quinze ou seize ans la plupart de nous ont désiré constamment d'aller en cette colonie [contradictoire avec la lettre du 1784-06-26 où 30 familles acadiennes disent vouloir rester en France selon Calonne] ; mais ce désir est devenu infiniment plus vif depuis que nous sommes informés que la Cour d'Espagne est disposée à nous faire des avantages inattendus jusqu'à ce jour.
Nous n'ignorons pas que M. le Chevalier de Hérédia, chargé des affaires d'Espagne, vous a instruit des démarches qui ont été faites et des dispositions de sa cour. C'est pour le seconder dans cette demande que nous supplions votre excellence d'obtenir qu'il nous soit permis de sortir librement du royaume pour aller rejoindre nos familles de la Louisiane ; il en coûtera cher à notre coeur de quitter notre patrie ; mais en considérant que l'estimable puissance qui nous tend les bras est unie avec cette chère patrie, ce sera pour nous un puissant motif de consolation. Daignez donc, Monseigneur, nous être favorable. Que votre coeur compatissant prenne en pitié les restes d'un peuple infortuné qui s'est sacrifié avec joie pour les intérêts de son souverain. Eh ! comment refuseriez vous à nos prières ? N'êtes-vous pas reconnu par toute la terre pour le pacificateur de l'Europe, pour le bienfaiteur du genre humain ? Vous êtes le digne favori et le meilleur ami du meilleur des rois ; ainsi vous pouvez facilement obtenir du trône cette faveur. Puissions nous par vous l'obtenir, cette nouvelle faveur ; alors, pénétrés de reconnaissance, nous ne cesserons d'adresser des voeux au Ciel pour la conservation du ministre bienfaisant qui fait le bonheur de la France.

A Nantes, ce 4 avril 1784

Signé, au nom des suppliants, savoir :

Olivier Terrio
Olivier Aucoin
Eustache le jeune
Simon Mazerolle
Isaac Hébert
Honoré Braud
Olivier Leblanc
Pierre Leblanc
Danielle Benois
Le Blanc
Jean Leblanc
Pierre Boudraux
Charles Landry
Jean Daigle
Charles Hébert
Pierre Dugast
Eustache Daigle
Joseph Hébert
Marin Gautreau
Laurent Blanchard
Jacques Terrio
Gabriel Mauvau
Antoine Joseph Trahan
Simon Leblanc
Prosper Landry
Pierre Landry
Pierre Richard
Charles Hébert
René Thibaudeau
Pierre Gautro
Antoine Aucoin


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"En arrivant en France, sa Majesté nous reçut avec une bonté touchante. Et en attendant qu'elle pût nous donner des terres qui valussent celles que nous avions perdues en Acadie, elle accorda six sols par jour à chaque individu, laquelle solde a été depuis réduite à trois sols. Pénétrés d'une juste reconnaissance pour ces bienfaits, il n'y a pas un seul d'entre nous qui ne voulût vivre et mourir sous le gouvernement français. Mais, Monseigneur, voyez notre situation présente : 28 années après la perte de nos biens, nous trouvons dans la pauvreté et la misère... Sans le secours de sa Majesté, il nous serait impossible de subsister... Nous pensons que le sort le plus fortuné pour nous serait de rejoindre nos parents et amis établis sur les rives du Mississippi et qui vivent heureux sous la puissance d'un roi qui est l'ami, le parent et l'allié de notre monarque... Ce désir est devenu infiniment plus vif depuis que nous sommes informés que la Cour d'Espagne est disposée à nous faire des avantages inattendus jusqu'à ce jour... Nous supplions votre excellence qu'il nous soit permis de sortir librement du royaume pour aller rejoindre nos familles de la Louisiane..."
[suivent divers noms acadiens]

Notes

cité aussi par Lauvrière # 102 p. 199 et Fonteneau (cf. fiche ProCite)

[j'avais mis comme indication : date probablement fausse, antérieure ; en fait, c'est bien la date qui figure sur le manuscrit (note du 12 janvier 2005)]
voir aussi le document même date tiré du RAPC 1905-I sur le même sujet (1784-04-04)

vu de visu au MAE le 12 janv. 2005
une copie de cette pièce se trouve dans AGI, Papeles Procedentes de Cuba, legajo 197, fo. 954, pièce n°6 ; vue le 14 avril 2005 ; collationnée avec la pièce précedente : identique ; cette copie ne contient cependant pas de signatures (aucune signature).

Mots-clés

// repartir : Louisiane
// RED
// Nantes
// nouveau(2005-01)
// patriotisme
// secours : six sols par jour à chaque individu, laquelle solde a été depuis réduite à trois sols
// logement : Les propriétaires de maison refusent tous les jo

Numéro de document

000068