Document : 1775-07-00a
Références / localisation du document
Mémoire sur les Acadiens présenté à Nosseigneurs du clergé de France assemblés à Paris au mois de Juillet 1775, en vue d'obtenir une subvention annuelle de 300,000 livres pour faire face aux frais d'établissement de Montoiron (Poitou), transcription : Louis Duval, Niort, L. Clouzot, 1867. # 1137
Date(s)
1775-07-00a
Auteur ou organisme producteur
Pérusse [probablement] // Abbé de L'Isle-Dieu [Isle Dieu] (?) // gouvernement (?) // Acadiens ?
Résumé et contenu
Mémoire présenté en 1775 à l'assemblée du clergé de France dans le but d'obtenir une subvention annuelle de 300,000 livres pour secourir les Acadiens de l'établissement du Poitou.
Résumé :
Introduction : noter la désignation des Acadiens comme "concitoyens vertueux" ; "horde de frères", l'emploi du champs lexical du patriotisme et de la religion ; flatterie du clergé patriote. Présentation du problème : des pauvres gémissent ; on va leur présenter leur histoire.
Présentation historique (largement erronnée) : Commencement du Règne de Louis XIV, France hérite de l'Acadie ; 24 familles partent coloniser un terrain très fertile et "ouvert" ; mais revers de la fin du règne de Louis XIV, l'Acadie passe à l'Angleterre, mais les Acadiens conservent religion et "cet amour que tout Français porte à son souverain." Les Anglais sont obligés de leur reconnaitre le droit à la religion et à la fidélité à la France. Les Acadiens fleurissent ; Paradis sur terre : moeurs aussi pures que les premiers hommes et foi aussi vive que les premiers chrétiens.
En 1755, non respect de la neutralité des Acadiens qu'on veut forcer à combattre contre "les Français leurs compatriotes" et gêner le libre exercice de leur religion. Refus des Acadiens. Emprisonnement des chefs de famille et massacre des vieillards. Fuite de ceux qui peuvent au Canada ou à l'ile Saint-Jean d'où ils passent en France. Le duc de Nivernais réclame ensuite les chefs de familles [confusion historique flagrante]. Le duc se rappelle encore avec émotion le rappel des Acadiens.
Arrivés en France [leur patrie], on leur donne 6 sols par jour et assurance du Roi qu'on leur procurerait des établissements dont ils seraient propriétaires. Mais les fonds distribués sur la marine n'étaient jamais distribués qu'avec des retenues considérables ; les familles nombreuses n'en touchaient en général que la moitié. Les Acadiens ont été oubliés sur la cote ; personne ne s'est occupé d'eux ; abandonnés ils ont cependant conservé leurs moeurs pures (aucune friponnerie ou bassesse) ; les enfant ne volent même pas les fruits dans un jardin. Ils ont refusé les offres généreuses de gouvernements étrangers, malgré l'oubli dont ils semblaient victimes.
Mais en 1772, les Espagnols, alliés, Bourbons, leur ont offert des établissements en Louisiane ou Sierra-Morenna ; les Acadiens ont voulu d'abord demander au Roi la confirmation qu'il ne voulait pas les établir et l'autorisation de sortir du royaume.
Le Roi, surpris de ce que 3,000 de ses plus fidèles sujets ne soient pas encore établis malgré ses ordres, s'est plaint à ses ministres ; on a alors décidé de les fixer sur des terrains incultes dans le Poitou, sur les terrains de l'évêché de Poitiers (pas de mention de Perusse), mais à cause des dettes de l'Etat, il est à craindre qu'on ne puisse consolider l'établissement. Si les Etats pouvaient contribuer 300,000 livres par an pendant 5 ans, cela permettrait à l'Etat de consolider l'établissement. Flateries bis du clergé.
dernier paragraphe peut laisser à penser que ce sont les Acadiens qui sont les auteurs de ce texte.
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Titre donné par la publication : Mémoire sur les Acadiens présenté à nosseigneurs du clergé de France assemblés à Paris au mois de juillet 1775.
Si l'humanité souffre au spectacle des malheurs de nos semblables, combien n'est-elle pas attendrie à la vue de l'infortune de concitoyens vertueux, et surtout quand c'est une horde entière de frères qui depuis un si longtemps gémissent sous le poids de la misère et que l'origine de ses maux vient d'un sentiment aussi respectable que celui qui naît du patriotisme et de la religion. Cet intéressant tableau est digne d'être offert au corps respectable du Clergé de France qui, dépositaire des vérités de la foi, ne respire que le bien de la Patrie.
Pour attacher les regards de cette illustre assemblée sur ces victimes qui lui tendent les mains, l'éloquence serait inutile, l'histoire de leurs vertus suffit.
Au commencent du règne de Louis XIV dont la gloire et le nom tenaient déjà la balance dans l'Europe, les puissances souveraines ayant fait entre elles le partage du Nouveau-Monde, l'Acadie échut à Louis le grand ; vingt quatre familles sorties de la France furent habiter ce nouveau climat où la nature féconde ne demandait que des bras pour ouvrir son sein et leur faire part de ses richesses. Tant que les conquêtes du monarque s'étendirent, cette peuplade fut heureuse ; mais dans les jours de son déclin, sa fortune changée changea aussi la destinée des Acadiens par la guerre qui plongea la France dans cette crise funeste dont le souvenir est encore à peine éteint ; l'Acadie passa aux Anglais. Comme vainqueurs, ils donnèrent la loi. Ces colons, quoique sous une domination étrangère, n'en conservèrent pas moins leur religion, et cet amour que tout Français porte à son souverain. Leur nouveau maître pouvait bien leur ravir la liberté avec leurs possessions, mais la perte de leur vie ne fut pas capable de leur faire abandonner le culte qu'ils avaient embrassé, ni la fidélité qu'ils avaient jurée à leur véritable souverain. Le vainqueur, malgré tous les droits que donne la victoire, dans le pacte qu'il fit avec eux, fut forcé d'y consigner ces deux clauses et de s'obliger à les ratifier tous les ans.
Cependant, le sol amélioré de jour en jour, la population singulièrement augmentée, offraient dans un coin de l'univers l'image d'un petit peuple heureux ; partout on voyait régner dans cette colonie la probité, la bonne foi dans le commerce, la concorde dans les familles, la paix dans la société, et surtout ce zèle pour la religion qui ne s'est jamais ralenti ; en un mot, ces heureux habitants jouissaient du double avantage d'avoir des m?urs aussi pures que les hommes du premier âge, et une foi aussi vive que les premiers chrétiens.
En 1755, époque malheureuse à la France et fatale aux Acadiens, la guerre se ralluma. L'Anglais voulut les forcer à porter les armes contre les Français leurs compatriotes, et gêner le libre exercice de leur religion ; ce peuple, tout prêt à s'immoler pour la foi de ses pères, réclama les conditions du traité ; on viola les droits sacrés du pacte, on jeta les chefs de famille dans les cachots ; et presque tous les vieillards, les femmes et les enfants, pour avoir montré qu'ils avaient le courage de mourir dans leur fidélité à la religion et au roi de France, furent impitoyablement massacrés. On ne peut fixer longtemps sans horreur de pareils objets ; mais on y admire un héroïsme digne des premiers âges du christianisme, les restes qui échappèrent donc à cette barbarie se jetèrent, les uns dans le Canada, les autres dans l'île Saint-Jean, d'où ils passèrent en France en 1758, 59, 60, et 61, où ils furent rejoints par leurs chefs de famille qui, détenus dans les cachots les plus affreux depuis l'infraction du traité arrivée en 1755, furent réclamés à la paix par M. le duc de Nivernais, ayant résisté non-seulement aux souffrances inouïes qu'on leur faisait éprouver, mais même aux tentations les plus flatteuses qu'on leur présentait pour éteindre en eux les sentiments de religion et de patriotisme dont ils étaient les martyrs ; ce respectable ministre qui les a retirés de la captivité, citoyen aussi sensible qu'éclairé, ne peut encore se rappeler qu'avec attendrissement le souvenir de ces malheureux, et c'est avec d'autant plus de vérité qu'il fait l'éloge de leurs m?urs, qu'il a été en quelque sorte témoin de leurs vertus. [les infos viennent peut-être du Duc de Nivernais, à moins que ce soit lui même l'auteur ?]
Rendus enfin à leur patrie, sans biens et sans secours, le feu roi ne put voir d'un oeil indifférent tant de sujets fidèles errants et abandonnés dans ses Etats ; il leur fit assigner une solde de 6 sols par jour à chaque individu, ordonna qu'on leur format des établissements sur des terrains incultes de son royaume et permit même qu'on leur en donnât de sa part l'assurance par écrit. Ce peuple infortuné, à qui la bonté du souverain assurait la subsistance et des établissements dont ils devaient être propriétaires, avait lieu de se croire à la fin de ses malheurs ; mais la bonté du roi à son égard a été trompée, et lui est en quelque sorte devenue inutile, car la solde de subsistance qu'il avait plu à ce monarque de lui accorder et dont les fonds étaient faits au département de la marine, a toujours éprouvé des retenues si considérables que, surtout les familles nombreuses, n'en recevaient qu'environ moitié.
C'est dans cette cruelle position que tous les Acadiens ont été oubliés pendant quinze ans sur les cotes maritimes où ils étaient répandus et où, trop distants du trône, ils ont gémi sans que personne leur ait servi d'interprète auprès de sa Majesté et plongés si longtemps dans la misère la plus affreuse qui en a fait périr un grand nombre, le reste quoique découragé, abattu et dans une sorte d'engourdissement total de corps et d'esprit, a cependant encore conservé ses vertus et ses m?urs, fruits précieux des vrais principes de religion si profondément gravés dans leurs c?urs que, quoique manquant souvent des choses les plus nécessaires à la vie, aucun parmi eux ne s'est encore porté à commettre la moindre friponnerie ni bassesse, au point que dans les endroits où ils ont habité depuis 15 ou 18 ans, personne n'a pu se plaindre de la plus petite rapine de leur part, même de leurs enfants qui n'oseraient dérober des fruits dans un jardin.
Tel est le tableau fidèle de la suite de leur infortune et de la constance de leurs vertus qui s'est soutenue au point de refuser les propositions les plus flatteuses que plusieurs puissances étrangères leur ont fait pendant cette longue suite d'années où le gouvernement semblait avoir oublié les promesses que le roi avait bien voulu leur faire.
Mais en 1772, les Espagnols, alliés naturels de la France, et gouvernés par un prince de la maison de Bourbon, leur ayant fait entrevoir que, n'ayant pas été établis dans le royaume depuis quinze ans qu'ils y étaient, ils ne devaient pas s'attendre à y avoir jamais de propriétés, leur firent offrir les établissements les plus avantageux, tant à la Louisiane qu'à la Sierra-Morenna, mais les fidèles Acadiens ne voulurent écouter ces propositions qu'après être assurés que le Roi, ne jugeant pas à propos de les fixer par des propriétés dans son royaume, approuverait leur sortie pour passer sous la dénomination de l'Espagne ; et ce fut à cette occasion qu'ayant fait demander au feu roi son agrément et un passeport pour sortir de ses Etats, sa Majesté, surprise que près de 3,000 de ses plus fidèles sujets, dont elle avait ordonné l'établissement depuis plus de douze ans, fussent forcés de lui demander la permission de sortir du royaume, faute d'y être établis, en témoigna du mécontentement à ses ministres, et donna des ordres précis pour que l'obligation qu'elle avait bien voulu contracter en faveur de ces infortunés fut promptement remplie.
Ce fut alors qu'on décida de les fixer presque tous sur des terrains incultes, si communs dans les provinces de Poitou et de Berry, où M. l'abbé Terray [écrit Terrey] en envoya 1500 dont on a commencé l'établissement sur des terrains de l'évêché de Poitiers et de quelques seigneurs voisins ; mais il est à craindre que malgré les vues humaines et bienfaisantes du gouvernement, les dettes de l'Etat ainsi que beaucoup d'autres objets intéressants qui gênent aujourd'hui les finances, ne retardent trop longtemps les secours indispensables pour achever et consolider l'établissement de ce peuple infortuné, ce qui engage à réclamer ceux de Nosseigneurs du Clergé de France qui, s'ils voulaient bien leur accorder pendant cinq ans une somme de 300,000 l. chaque année (ce qui fait le montant de leur solde), donneraient au gouvernement la facilité d'employer uniquement aux dépenses de l'établissement, les fonds qu'il est aujourd'hui forcé d'employer à leur solde de subsistance.
La cause des Acadiens est celle de l'humanité et de la religion tout ensemble. Quel autre corps de l'Etat que celui du clergé pourrait-on se flatter d'intéresser davantage en leur faveur, lui qui, nous faisant aimer l'une et respecter l'autre, s'est empressé dans tous les temps de secourir les malheureux et de contribuer à tous les établissements qui ont pour objet le bien de l'Etat ?
Celui-ci réunissant les différents motifs qui ont toujours si puissamment intéressé la charité de Nosseigneurs du clergé de France, les infortunés qui la réclament aujourd'hui osent se livrer à la plus douce espérance et croient même avoir à se reprocher leur timidité qui depuis 18 ans les a empêchés de recourir aux bontés de cet illustre corps.
Notes
Note de Duval : On ne sait pas quelle fut la réponse de l'assemblée (mais probablement négative). Document trouvé parmi les papiers provenant du cabinet de M. Pilotelle [?] et acquis par la bibliothèque publique de Niort. Aucune indication sur l'auteur. Peut-être possibilité de retrouver en regardant si les minutes ou le CR de l'Assemblée de 1775 ne sont pas publiés [l'auteur est probablement l'abbé de l'Isle Dieu ou à son instigation ; l'abbé meurt en 1779 et est encore en charge des Acadiens à ce moment là, même s'il se fait moins présent].
Historique est faux : Acadie = française avant le début du règne de Louis XIV.
Les auteurs sont peut-être Acadiens (cf. le dernier paragraphe), mais à la relecture je ne crois pas, ou peut-être le gouvernement ou peut-être l'abbé de l'Isle-Dieu. [une lettre dans ADV J dépôt 22 art. 124-1 de l'évêque de Chartres à Pérusse dit : "Paris, le 20 septembre 1775. J'ai reçu, Monsieur, le mémoire que les Acadiens ont présenté à l'assemblée du clergé. Je souhaiterais que le clergé fut dans le cas de leur accorder les secours qu'ils demandent ; mais je doute fort qu'il ait des fonds pour cet objet. J'ai l'honneur d'être avec l'attachement le plus respectueux, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur". P. Ev. de Chartres.]
voir une lettre de l'abbé DesMarais du 29 août 1775 [ou 1774] [1775-08-29] (ADV 2 J dépôt 22 art. 124-2) qui dit que le mémoire en question a été rejeté par le clergé. Cette dernière lettre laisse entendre, par les termes "votre mémoire" que le mémoire a été écrit par Pérusse. Par ailleurs, la rhétorique "contre la marine" signale également très probablement Pérusse.
Mots-clés
// Acadiens = concitoyens, compatriotes, frères
// désignation
// patriotisme
// méconnaissance historique
// idéalisation de l'Acadie
// pureté des moeurs des Acadiens
// allégeance
// perception
// repartir : Sierra Morena,
Numéro de document
000931