Document : 1763-03-03
Références / localisation du document
ANC, MG6 C3 [microfilm 12881] // Archives du port de Cherbourg (minute des lettres adressées par le commissaire des classes à Cherbourg, Defrancy, du 1er mars 1763 au 2 avril 1768) // 4 P 2 / 1* f° 3 [référence de Guillaume Eckendorff]
Date(s)
1763-03-03
Auteur ou organisme producteur
De la Rue de Francy, commissaire des classes à Cherbourg
Destinataire
Choiseul
Résumé et contenu
Defrancy à Choiseul : enquête sur un anglais qui cherche à faire passer des Acadiens à Guernesey. Un Acadien jaloux de n'avoir pas été député. Passage à SPM = pour passer en Acadie. Projet de supprimer la subistance des Acadiens au 1er avril 1763 = certains habitants refusent d'aider les Acadiens à cause de cela.
[résumé] Suite à sa lettre du 13 février, a fait toutes les recherches possibles sur le compte de l'Anglais qui cherche à débaucher les familles acadiennes en leur promettant un sort heureux en Acadie et des prêtres irlandais. Anglais est commerçant de Guernesey. En causant, il a dit qu'il y avait des Acadiens à Guernesey. Visite de Sureau [ = ancien habitant de l'île Royale, qui a un oncle apothicaire à Versailles connu de Mr Accaron et qui bénéficie de la subsistance]. L'Anglais a demandé à Sureau et à un autre Acadien venu lui faire des sabots si les Acadiens ne voulaient pas repartir en Acadie, rien de plus (l'aubergiste confirme). Ne sait rien de plus. Il fera veiller l'Anglais pour qu'il n'ait plus de contact avec les Acadiens.
Ce que Choiseul a appris de l'affaire provient probablement de la lettre écrite par Sureau à son oncle apothicaire laquelle lettre a été vue par Accaron [premier commis et conseiller de la marine à Versailles]. Sureau n'a rien voulu dire ni montrer cette lettre, et s'est contredit. Mais il a appris par "plusieurs autres Acadiens, Canadiens et habitants des îles royales et Saint-Jean que piqué de ce qu'il n'avait pas été choisi pour avoir l'honneur de vous présenter la requête ces gens vous ont adressé sur leur sort à venir, il s'était hautement vanté qu'il avait écrit qu'ils ne demandaient à aller aux îles Saint-Pierre et Miquelon que pour être plus à portée de passer au premier moment en Acadie sur les promesses qui leur avaient été faites par ce marchand anglais et que loin d'obtenir leur demande le député pouvait s'attendre à un mauvais sort de votre part". Sureau pas pu nier devant lui certain de ces faits, mais il ne faut pas trop prendre au sérieux ces propos : "lesquels propos prouvent plus son étourderie que la réalité de tout ce qu'il a écrit à son oncle et de ce qu'il a écrit ailleurs."
Les Acadiens se sont inquiétés de ce que ceci pouvait leur valoir le retrait des bienfaits du roi. Ils ont répété les sentiments d'attachement à la France, etc... en faisant valoir qu'après avoir vu égorger leurs femmes, enfants, etc... on ne pouvait pas les soupçonner de vouloir "prendre le parti d'un ennemi". Ils disent qu'ils préfèrent la misère aux belles promesse faites dans leur pays même, etc...
de Francy accorde foi à ces témoignages et "présume que les soupçons sur le compte de ce marchand de Guernesey ne sont pas fondés et ceux sur la fidélité des Acadiens le sont encore moins". Explication : étourderie de ce chirurgien et propos tenus sous l'emprise de la jalousie. Il l'a réprimandé et prévenu qu'il ne pourrait pas éviter d'en parler à Choiseul pour le bien des autres.
A ce sujet, rappelle les retards dans le versement de la subsistance, les Acadiens ont fait des dettes auprès des habitants qui commencent à rechigner à payer puisque la paye doit être suspendue au 1er avril 1763. D'ici quelques jours lui adressera la liste de ceux qui veulent passer dans les colonies.
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Au duc de Choiseul.
En exécution des ordres contenus en la dépêche que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser le 13 du mois passé, j'ai fait toutes les recherches possibles su rle compte de cet anglais contrefaisant le marchand qui cherchait, suivant ce que vous me marquez vous être revenu, à débaucher les familles acadiennes qui sont en ce port en leur promettant un sort heureux en Acadie et en les assurant qu'on y ferait passer des prêtres irlandais pour l'exercice de la religion catholique. J'ai appris que cet homme qui se nomme Carrey est effectivement un marchand de Guernesey qui était venu ici pour la vente d'une prise ; qu'il n'a séjourné en cette ville que dix jours pendant lesquels ayant la goutte il n'a sorti qu'une fois pour aller chez un négociant du lieu ; qu'en causant dans son auberge avec son hôtesse il lui dit qu'il y avait des Acadiens à Guernesey et qu'il serait bien aise de savoir de quelqu'un de ceux qui sont ici s'ils les connaissent ; qu'on lui fit venir le nommé Léonard Sureau, chirurgien de profession, natif d'Angoûlemes, fils de François marchand de bois. Ce sureau a un oncle à Versailles apoticaire rue de la paroisse connu de Monsieur Accaron. Il s'était ci devant habitué à l'île Royale où il exerçait sa profession, après la prise de cette île il a passé en cette ville avec les autres et y jouit des bénéfices de subsistance que le Roi lui accorde ainsi qu'à sa famille ; le marchand de Guernesey lui demanda, avoue ledit Sureau, si les Acacdiens qui sont ici ne seraient pas bien aise de retourner dans leur pays. Il assure qu'il ne lui fut rien dit ni proposé de plus. ce même marchand fit encore venir un autre Acadien pour lui faire une paire de sabots. Son hôtesse m'a assuré qu'elle y était présente et qu'il ne lui fut fait aucune proposition ; elle ajoute qu'il avait dit qu'il reviendrait sous peu de temps ; je ferai veiller de près sa conduite et j'empêcherai autant que je pourrai ses liaisons avec les Acadiens. Voilà, Mgr, tout ce que j'ai pu découvrir des démarches de ce prétendu marchand anglais. Ce qui vous est revenu sur son compte est sans doute fondé sur les propos indiscrets que le chirurgien Sureau a tenus à son oncle dans la lettre qu'il lui a écrite, laquelle a été vue d'ailleurs de Mr Accaron. Cet homme m'a refusé de me faire voir la copie de cette lettre, il m'a paru embarassé et même se couper dans ses réponses aux questions que je lui ai faite sur ce qu'il avait écrit et qur ce qui l'avait engagé à écrire ; mais j'ai su par plusieurs autres Acadiens, Canadiens et habitants des îles royales et Saint-Jean que piqué de ce qu'il n'aviat pas été choisi pour avoir l'honneur de vous présenter la requête ces gens vous ont adressé sur leur sort à venir, il s'était hautement vanté qu'il avait écrit qu'ils ne demandaient à aller aux îles Saint-Pierre et Miquelon que pour être plus à portée de passer au premier moment en Acadie sur les promesses qui leur avaient été faites par ce marchand anglais et que loin d'obtenir leur demande le député pouvait s'attendre à un mauvais sort de votre part. Ledit Sureau n'a pu disconvenir d'une partie de ceci en ma présence ainsi que plusieurs autres mauvais propos qu'il a encore tenus depuis surtout qu'il a su que vous avez reçu favorablement et même gratifié le député ; lesquels propos prouvent plus son étourderie que la réalité de tout ce qu'il a écrit à son oncle et de ce qu'il a écrit ailleurs.
Ces pauvres gens, effrayés de toutes ces faussetés et saisis de crainte que cela ne devint un motif pour que le Roi leur retire ses bienfaits étaient déjà venus assurer Mr Eustache de toute leur fidélité envers leur prince ; sitôt qu'ils ont su que je venais ici pour régir le département ils sont venus me répéter les mêmes assurances et me représenter comme il serait possible de concevoir que des gens qui ont vu égorger leurs femmes, enfants, pères mères, parents, amis, enlever leurs biens et le fruit de leur travaux pussent après de tels sacrifices être soupçonnés prendre le parti d'un ennemi qui leur a fait tant de mal et abandonner leur souverain dans lequel ils trouvent tant de commisération et de bontés ; ils m'ont ajouté qu'ils préféreront toujours la misère où ils sont réduits par les malheurs de la guerre aux plus belles promesses qui leur seraient faites dans leur pays même sous un autre roi, qu'ils ne reconnaissent que le leur et qu'ils veulent mourir soumis à ses lois. Je n'ai pu refuser ma confiance à la sincérité que j'ai cru remarquer dans les discours qu'ils m'ont tenus ; d'où je présume que les soupçons sur le compt ede ce marchand de Guernesey ne sont pas fondés et que ceux sur la fidélité des Acadiens le sont encore moins ; mais je me persuade qu'ils ne viennent que de l'étourderie de ce chirurgien et des propos que la jalousie lui a fait tenir et écrire. En l'en réprimandant, je lui ai dit que je ne pouvais m'empêcher de vous en rendre compte pour la justification des autres qui sûrement à tous égards méritent votre commisération et la continuation de vos bontés.
A leur sujet permettez moi, Mgr, d'avoir l'honneur de vous représenter qu'il leur est dû la subsistance des 6 derniers mois 1762 et que voici le 3e courant de cette année ; que les habitants de cette ville qui par charité pour eux leur ont avancé la nourriture, le vêtement et les autres besoins les plus indispensables de la vie commencent à les leur refuser sur ce que cette subistance, ainsi que le roi l'a décidé, doit cesser au premier avril prochain ; voudriez vous bien par de si justes considérations donner vos ordres à M les trésoriers des colonies de me faire passer des fonds pour payer à ces gens ce qui leur est dû. Sous peu de jours je vous adresserai les listes de ceux qui auront choisi telle ou telle colonie pour leurs demeures à venir, et je suivrai exactement les ordres que vous me donnerez en conséquence.
Notes
la cote précise du document en France n'est pas indiquée.
consulté en parallèle à l'instrument de recherche n° 1373 ( (Raymonde Litalien et M. Wyczynski)
cité par Hodson, p. 10
résumé - incorrect -de l'instrument de recherche n° 1373 [cote des archives du Canada] :
3 mars 1763. Lettre de M. de la Rue defrancy au duc de Choiseul. Les Anglais essaient de persuader les Acadiens de rester en Acadie. Un marchand de Guernesey offre ses services pour transporter les Acadiens en Acadie. M. Léonard Sureau a déjà été chirurgien à cet endroit. Il veut aller à SPM pour ensuite passer et s'installer en Acadie. Les Acadiens ont droit de réclamer de l'argent pour les neufs derniers mois.
Mots-clés
// repartir : Acadie - colonies - SPM
// retard
// charité - aumone
// hospitalité (pas désintéressée)
// désertion
// coercition
// contrôle
// dettes
// secours
// Cherbourg
// Robin
// Jersey
// Guernesey
// cha
Numéro de document
001020