Document : 1767-08-01 // 1767-10-10

Références / localisation du document

ANC, MG6 C3 [microfilm 12881, troisième registre, p. 9-10] // Archives du port de Cherbourg (minute des lettres adressées par le commissaire des classes à Cherbourg, Defrancy, du 1er mars 1763 au 2 avril 1768)

Date(s)

1767-08-01 // 1767-10-10

Auteur ou organisme producteur

De la Rue de Francy, commissaire des classes à Cherbourg

Destinataire

Moreau, directeur général des pépinières

Résumé et contenu

Projet d'établissement dans les forêts de Brix et de Valognes. Demande ce qu'il convient de faire pour les pensions et les secours aux Acadiens, en particulier pour les familles nobles.

De Francy s'est renseigné pour Brix : possibilité d'un établissement de 50 maisons avec 30 arpents / maison. Matériaux de construction à proximité. Les Acadiens pourrait y aller vu qu'ils ne veulent pas s'éloigner de Cherbourg.
Que faire de ceux qui ne pourront pas travailler ? On leur a promis ou fait espérer des pensions, dont il faudra régler les détails : qui peut en bénéficier, pour combien de temps, etc... Il vaudrait mieux donner des terres que des pensions à tous ceux qui ont des enfants ou qui pourraient en avoir, lesquels pourraient les exploiter par la suite plutôt que des pensions. Comme ça il n'y aura pas de réclamations. L'informera de cela lors de sa venue. Recommandation de la famille Broussard. Il essaie aussi de trouver 3,000 livres pour une fille acadienne qui veut rentrer au couvent, il travaille un homme riche à en payer une partie, et demande à ce que le C.G. en fournisse une partie. [réponse du C.G. le 1767-10-10 : il répugne à doter la jeune fille et lui conseille plutôt d'épouser un Acadien].


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1er août 1767. A M. Moreau

Je n'ai différé [...] à vous répondre que pour pouvoir vous envoyer le détail ci joint des parties propres à mettre en rapport de blé ou de prairies dans les forêts de Brix et de Valognes qui en quelque façon et par leur jonction n'en font qu'une ; vous y verrez qu'en donnant à chaque famille environ 30 arpents de terre et deux arpents de près ou moins suivant qu'elle seront fortes, nombreuses et actives, vous pourrez y placer la cinquantaine de maisons que vous désireriez y planter, les matériaux de toute espèce nécessaires pour la construction des habitations sont ou sur les lieux ou à porté, ou peu éloignées. Si vous disposiez les choses de façon que les terres soient données aux familles acadiennes de ce pays je crois qu'elles se détermineraient à les prendre aux propositions que vous leur en avez faites car c'est toujours leur point de vue fixe de ne se point éloigner de Cherbourg.
Je vous demande la préférence pour celles de mes familles nobles ou non qui ne sont nullement propres à la culture des terres, soit par leur vieillesse, infirmités ou état. Que deviendront elles si on ne leur accorde pas les pensions projettées et en quelque façon promises ou au moins qu'on leur a fait espérer lors de la distribution de ces terres. Vous viendrez sans doute la faire vous même et alors vous verrez mieux que je ne pourrais vous la détailler ce qu'il y aura de bon à faire. Ces pensions, si l'on en accordait à tous, ou une partie de ceux qui sont proposées seront sans doute durables pour leur vie aux enfants comme aux pères et mères ; mais ces enfants actuellement hors d'état de rien faire par leur bas âge, deviendront capables de travailler et travailleront, continueront ils alors de jouir de ces pensions ? Mais les pères et mères qui sont mariés actuellement et qui feront encore des enfants après ces pensions accordées qu'auront-ils ? Et ceux qui se marieront aussi après ces pensions accordées, que leurs enfants auront-ils à espérer ? Rien sans doute, il vaudrait donc beaucoup mieux pour tous ceux nobles et autres qui ont ou qui pourront avoir des enfants de prendre de ces terres et de leur proposer l'alternative du tout et de s'en tenir ne donner de pension qu'à ceux et celles qui, absolument hors d'état de travailler par leur vieilesse, infirmités ou autres justes raisons, ne sont point dans le cas de laisser de suite parce qu'eux finis et leurs pensions éteintes personne n'aura plus de représentations ni de demandes à faire. C'est encore un examen que vous ferez mieux que personne lors du second voyage que je suppose que vous viendrez faire ici et en quoi je vous donnerai bien volontiers tous les éclaircissements que je pourrai.
Je vous recommande particulièrement, Monsieur, les Broussards qui montrent la plus grande volonté et la meilleure envie de prendre des terres partout où l'on voudra leur en donner et qui sont en effet les plus en état de les bien cultiver.
Vous trouverez aussi sur le rôle des Acadiens résidants à Cherbourg une nommé Marguerite Bazer de 17 à 18 ans, fille d'un chirurgien de la ville de Toulouse, qui depuis son retour en France en 1759 l'a abandonné. Elle dit avoir la vocation pour être religieuse, elle est d'une conduite sage et a de la voix, elle en serait d'autant plus facilement reçue chez les Dames Ursulines de Valognes où elle est connu y ayant été pensionnaire si elle avait le moyen de payer 3000 L. de dot. Je travaille auprès d'un homme riche et pieux pour l'engager à en payer une partie, si vous pouviez déterminer M. le C.G. à fournir au surplus, ce serait une fille tirée de dessus le pavé et de la charge du Roi pour une somme une fois payée.

[cf. Une autre lettre du 10 octobre, à Mistral: [...] le C.G. répugnait beaucoup à doter la jeune fille qui voudrait être religieuse [...] qu'il était d'avis qu'elle épousât plutôt un Acadien, sauf à lui donner le présent de nous" [pas retrouvé dans RAPC en tout cas]

Notes

// réticence à s'éloigner de Cherbourg = volonté de rester groupés ?

// Valognes = 20 kms S/E de Cherbourg. Brix = environ mi-chemin entre Valognes et Cherbourg.

// Chris Hodson # 1472 écrit avec référence à cette lettre (celle du 1er août, pas celle du 1767-10-10) : "Marguerite Bazer's wish to join an Ursuline convent near Cherbourg confounded observers, who expected all Acadien girls to marry Acadian men." ceci me semble exagéré : d'abord, les interlocuteurs ne montrent pas de surprise ni d'étonnement ; deuxièmement, la répugnance à payer s'explique beaucoup plus sans doute par l'absence de fonds...

Mots-clés

// projet d'établissement
// RED
// mariage
// pensions
// secours
// Cherbourg
// Brix / Valognes

Numéro de document

001056