Document : 1768-01-23

Références / localisation du document

ANC, MG6 C3 [microfilm 12881, troisième registre, p. 13-14] // Archives du port de Cherbourg (minute des lettres adressées par le commissaire des classes à Cherbourg, Defrancy, du 1er mars 1763 au 2 avril 1768)

Date(s)

1768-01-23

Auteur ou organisme producteur

De la Rue de Francy, commissaire des classes à Cherbourg

Destinataire

Mistral, commissaire général de marine, ordonnateur au Havre

Résumé et contenu

Francy envoie à Mistral les comptes de la "subsistance" (= les secours). Il décrit la grande misère des Acadiens (certains n'ont pas de chemises pour se changer ou pas de draps, etc...). Misère d'autant plus grande qu'ils étaient riches avant. Répugnance à entrer à l'hôpital. Les nobles demandent des pensions.

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23 janvier 1768

M. Mistral

"[...] Je vous adresse les rôles [...] de la subsistance de mes [sic] Acadiens pendant [...] 1767 montant à la somme de 12 805 l. 3 sols. Je vous répète ma prière de me faire passer le plus tôt que vous pourrez des fonds pour leur payer le 4e quartier 1767, car leur état vous toucherait sûrement si vous le voyiez particulièrement les nobles, depuis le retranchement des 6 sols de supplément qu'on leur accordait pour maladie, étant pour la plupart grabataires, absolument hors d'état de faire le moindre travail pour s'aider un peu, ou bien des vieilles femmes, des filles et enfants, qui ne sont pas plus en état de travailler, il en est qui réduite à garder le lit par leurs infirmités, n'ont pas une paire de draps à changer, d'autres n'ont qu'une seule chemise, d'autres n'ont point de hardes pour se garantir du froid ; ajoutez à cela la cherté des vivres les plus communs, qui augmente chaque jour et jugez si des personnes qui ont possédé autrefois de grands biens, qui s'en souviennent, qui ont quelque sentiment et qui y comparent l'état présent où ils sont réduits par leur fidélité à leur prince sont à plaindre de se voir réduits à 6 sols, 5 sols et 3 sols par jour et de ce qu'ils souffrent. Il est vrai que les malades pourraient un peu soulager leur extrême misère par les secours de l'hôpital, mais ils y ont tous, nobles et autres une répugnance si invincible ou bien si entêtée, qu'ils le regarderaient comme une plus grande misère encore et que tous disent qu'ils préféreraient dépérir sur la paille que de consentir à entrer dans ce lieu qu'ils regarderaient comme le comble de leur déshonneur ou comme leur tombeau.

Les nobles m'ont fait ces jours ci de nouvelles représentations et m'ont demandé mon avis sur un placet qu'ils avaient dessein de réitérer au ministre pour en obtenir le soulagement des pensions qu'on leur fait espérer depuis si longtemps et semblables à celles qu'on a accordées à leurs parents de Rochefort ; je leur ai répondu que si ce placet ne faisait pas de bien il ne ferait pas de mal. Je leur ai conseillé d'y détailler le plus qu'ils pourront l'état de leur misère ; je pense qu'ils ont adressé ce placet à M. le duc de Praslin sous la signature même des échevins et principaux de cette ville ; je leur ai promis même que j'aurais l'honneur de vous prier de vous employer pour leur plus prompt soulagement.

Mots-clés

// secours = subsistance
// misère
// pensions
// Cherbourg
// signification des 6 sous
// cherté

Numéro de document

001060