Document : 1778-03-01

Références / localisation du document

ANC, MG6 A15, série C [microfilm F 849] // AD Calvados [Caen], C 1021

Date(s)

1778-03-01

Auteur ou organisme producteur

Necker

Destinataire

Esmangart, intendant de Caen

Résumé et contenu

lettre sévère de Necker : "Corps de nation, dispersion etc..." (changement de ton avec les précédents). Mesure à prendre à l'égard des Acadiens. Necker a cherché dans les papiers des Acadiens [filiation avec Lemoyne]

à reçu les états de paiement faits aux Acadiens. A bien reçu l'état au 1er janvier 1777, mais Necker veut un état au 1er janvier 1778. Il faudra trouver une solution pour mettre un terme aux paiements de soldes aux Acadiens. Necker a fait des recherches "dans les papiers des Acadiens" et n'a pas trouvé la décision de donner un secours extraordinaire de 12 sol aux d'Entremont. Lui demande l'envoi de la lettre qui contient cette décision. Il faut mettre un terme au secours aux autres familles.
"Mon objet est de disperser les Acadiens de manière qu'ils cessent de faire un corps de nation, et que se mêlant avec la société ils en partagent les avantages et les charges sans que le gouvernement ait à leur payer une solde qui lui est onéreuse et qui ne fait que les entretenir dans l'inaction. J'ai conçu aisément comment 1 400 individus réunis à Nantes avaient de la peine à y trouver les moyens d'y subsister de leur travail ; mais cette considération ne pouvant pas s'appliquer à 113 individus qui se trouvent à Cherbourg et à Grandville, il est impossible d'entendre comment au milieu d'un grand nombre de sujets du Roi qui vivent uniquement de leur travail, ils se flattent d'obtenir perpétuellement un secours qui au fond n'est que le fruit des sueurs des Français au milieu desquels ils ont trouvé un asile."
Il a trouvé dans l'état envoyé des personnes de 16 à 40 ans qui ne travaillent pas tandis que d'autres sont matelots ou artisans : "Il est impossible de se familiariser avec l'idée de payer une solde à des hommes valides et dans la force de l'âge, par la seule raison qu'ils ne font absolument rien quoiqu'ils puissent et qu'ils doivent travailler, vous concevez que c'est un abus qu'on ne peut trop tôt réformer."
instructions sur les mesures à prendre en faveur des Acadiens : il faudra leur procurer une instruction, s'occuper d'eux, et lui se charge de les disperser. Il faudra également continuer à payer leur solde sur les fonds de la capitation.

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A Versailles le 1er mars 1778

J'ai reçu, Monsieur, avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 18 du mois passé neufs états justificatifs des payements faits aux Acadiens retirés dans votre généralité, pour la solde et les secours extraordinaires qui leur ont été accordés pendant l'année 1776. Ces états montent à la somme de 8361 l. 10 s. que vous avez fait payer sur les fonds libres de la capitation.
Vous y avez joint un dénombrement général arrêté le 1er janvier 1777 des différentes familles acadiennes qui se trouvaient alors dans votre généralité. J'aurais préféré un dénombrement qui présentât leur état au 1er janvier dernier vu les changements qu'elles doivent avoir éprouvés dans le cours de l'année 1777. Je vous prie donc de me l'envoyer le plus tôt qu'il sera possible, ainsi que les pièces justificatives des payements qui ont pu leur être faits dans la même année ; il devient indispensable d'être entièrement au courant sur ce qui les concerne pour pouvoir prendre à leur égard un parti définitif qui cesse de mettre à la charge du Roi ceux de ces Acadiens qui doivent et peuvent vivre de leur travail.
On n'a pas trouvé dans les papiers des Acadiens la décision qui paraît régler un secours extraordinaire de 12 sols par jour et par tête pour les familles d'Entremont et de Bellefontaine retirées à Cherbourg, indépendamment de la solde de six sols qu'elles reçoivent comme les autres. Je vous prie de m'envoyer un duplicata de la lettre qui contient cette décision et qui sans doute en rappelle les motifs.
En supposant que par leur naissance ces deux familles privilégiées ne puissent subsister qu'avec ce secours, ce qu'il est juste d'examiner, il l'est également de mettre un terme au secours qui peut être continué aux autres.

Mon objet est de disperser les Acadiens de manière qu'ils cessent de faire un corps de nation, et que se mêlant avec la société ils en partagent les avantages et les charges sans que le gouvernement ait à leur payer une solde qui lui est onéreuse et qui ne fait que les entretenir dans l'inaction. J'ai conçu aisément comment 1 400 individus réunis à Nantes avaient de la peine à y trouver les moyens d'y subsister de leur travail ; mais cette considération ne pouvant pas s'appliquer à 113 individus qui se trouvent à Cherbourg et à Grandville, il est impossible d'entendre comment au milieu d'un grand nombre de sujets du Roi qui vivent uniquement de leur travail, ils se flattent d'obtenir perpétuellement un secours qui au fond n'est que le fruit des sueurs des Français au milieu desquels ils ont trouvé un asile.
En descendant dans les détails, je trouve dans un dénombrement de 113 individus plus de 30 personnes de l'un et de l'autre sexe depuis 16 ans jusqu'à quarante ans qu'on dit être sans aucune occupation tandis que quelques autres sont matelots ou artisans. Il est impossible de se familiariser avec l'idée de payer une solde à des hommes valides et dans la force de l'âge, par la seule raison qu'ils ne font absolument rien quoiqu'ils puissent et qu'ils doivent travailler, vous concevez que c'est un abus qu'on ne peut trop tôt réformer.
En partant de ces principes, ce qu'il y a faire au moment présent pour les Acadiens qui sont dans votre généralité se réduit à prendre une connaissance précise de ceux qui sont hors d'état de gagner leur vie à cause de leur vieillesse ou de leurs infirmités ; il faudra trouver à les placer dans quelque hôpital en leur assurant une solde au moyen de laquelle on consente de se charger de leur nourriture et de les entretenir le reste de leurs jours.
Il y a également à pourvoir au sort des orphelins et cela me parait se réduire à trouver pour eux des écoles et des ateliers dans lesquels on se charge de les élever et de leur apprendre un métier, moyennant une rétribution que l'administration prendrait à son compte jusqu'au moment où ils pourront vivre de ce métier.
A l'égard des quatre familles comprises dans le dénombrement sous les n° 21, 22, 23 et 24 et qui viennent de m'adresser un mémoire pareil à celui que vous avez joint à votre lettre, vous concevez aisément qu'ayant cessé de recevoir une solde depuis le 1er avril 1773 par les mêmes raisons sans doute pour lesquelles on cherche aujourd'hui à faire cesser cette charge, ce n'est pas le moment de revenir sur ce qui a été réglé pour elles ; et leur demande parait d'autant moins favorable que les chefs de ces familles sont encore en âge de gagner leur vie et qu'aucune n'est chargée de beaucoup d'enfants dans lesquels il y en a qui peuvent travailler.
Au surplus à quelque somme que puissent monter les secours que vous estimerez devoir être continués jusqu'à nouvel ordre aux Acadiens qui en ont reçu jusqu'ici dans votre généralité, il n'est pas possible de donner à ces secours une autre assignation que sur les fonds libres de la capitation et cette règle est commune à toutes les généralités où il y a des Acadiens à l'exception de la Bretagne parce que la capitation y est abonnée et qu'il y a d'autres mesures à prendre à l'égard des Acadiens pour le petit nombre qui pourra y rester quand ils seront dispersés dans les autres provinces, suivant le plan dont je m'occupe.
J'ai l'honneur d'être avec un très sincère attachement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Necker

Mots-clés

// CDN corps de nation
// dispersion
// rassemblement
// filiation avec Lemoyne
// RED
// DAN
// asile
// secours : entretient l'inaction ; fruit des sueurs des Français (argent public)

Numéro de document

001137