Document : 1772-04-11b
Références / localisation du document
BM Bordeaux, MS 1480, f°49-53 ; 35-36
Date(s)
1772-04-11b
Auteur ou organisme producteur
Lemoyne
Destinataire
Nardot
Résumé et contenu
Lemoyne à de Boynes. Blaye: agitations locales autour de la vente de terre à des étrangers. Recul de Lemoyne.
On ne peut pas ne pas secourir les Acadiens et les aider à s'établir. Solution la plus simple et la plus efficace : le faire "cultivateur propriétaire." État de ses recherches.
Présente les dispositions concernant le comtau de Blaye. L'intendant qui voulait aliéner les terres a été nommé au ministère peu de temps après et les agitations locales ont alors été plus fortes que lui.
Compte-rendu du rendez-vous de Lemoyne avec Cochin, plus intéressant. Cochin explique à L. que même le Roi ne peut pas faire changer un certain nombre de décisions qui ont été prises localement, notamment que les terres ne peuvent être vendues à des "étrangers" [sic]. Lemoyne craint de plus des violences physiques et renonce donc au projet : "à ces réflexions j'ajoute celle des oppositions et peut-être des violences que les paysans pourraient faire aux acquéreurs qu'ils sauraient [? savaient ?] ne pas avoir le droit direct d'acquérir, n'étant point liés à la commune par aucun titre, d'où je conclus qu'il ne faut plus penser à ces terrains pour y établir des familles."
En revanche, un montage serait réalisable pour la forêt du Roi.
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11 avril 1772. Le Moyne - Notes sur ce que M. de Boynes désire pour l'établissement des Acadiens, dont l'entretien coûte à l'Etat plus de 250 000 livres quoique on ne secoure les individus au dessus de 10 ans que de 6 sols par jour et aux au dessous que de trois sols (f° 49). Remises à M. Nardot le 11 avril 1772.
Il est certain qu'on ne peut refuser d'assurer une existence solide à ce peuple qui par attachement à son prince, sa patrie, et sa religion a préféré l'abandon de son pays et de ses biens à l'aisance et même aux richesse que lui assurait sa soumission à une puissances étrangère.
Pour assurer cette existence, ôter au ministère la sollicitude et soulager l'Etat d'une dépense qui quoique forte ne peut suffire aux besoins les plus urgents de ce peuple malheureux, il n'est point d'autres moyens que de le faire cultivateur propriétaire. Comment y réussir ? On ne le peut qu'en lui donnant des terres et des terres de l'Etat puisque c'est l'Etat qui doit le faire subsister. A quoi donc peut on mieux employer les terres vagues et vaines et celles qui par le peu de produit qu'elles donnent peuvent être regardées comme telles. Comme s'y refuserait-on ? Le profit retiré de l'épargne de ce que ce peuple coûte annuellement à celui qu'assure le produit de ces terres une fois en culture, doit lever toutes difficultés. Les vues de M. de Boynes sont d'après ces motifs de demander qu'il en soit concédé aux Acadiens ou à des capitalistes qui se chargeront de l'établissement des familles et de leur rétrocéder en propriété la portion qui sera jugée nécessaire au nombre de sujets qui la composeront. Il désirerait en connaître (?) et il m'a chargé d'en solliciter la connaissance au bureau de M. Cochin (?). Celles qui peuvent le mieux convenir à son projet sont celles pas ou peu distantes de la mer.
M. de Boynes a connaissance d'une quantité de 7 000 journaux de landes terres vagues et vaines commune à 25 paroisses dans la comtau de Blaye qui en 1764 furent reconnues inutiles à 19 paroisses trop éloignées pour en faire usage. Sur les représentations de M. Boutin lors intendant à Bordeaux intervint un arrêt le 3 mars qui ordonna qu'il serait procédé un partage des dits 7 000 journaux par devant le dit sieur intendant entre les 25 paroisses et que ce qui en reviendrait aux 19 paroisses et qui leur serait jugé inutile serait vendu au plus offrant etc. au profit des 19 paroisses. [...][on s'aperçoit alors qu'il y a eu des usurpations]. La recherche des usurpations devait être faite et ceux qui avaient usurpé devaient être condamnés à payer sur évaluation le prix des terres dont ils s'étaient emparés pour le prix être réparti aux paroisses. M. Boutin fut fait conseiller d'Etat peu de temps après qu'il eut entamé cette opération, son successeur ne l'a pas suivi et les choses sont restées dans le même état.
Les avantages qui devaient résulter de la culture de ces terres n'ont point cessés de se présenter. Ils se présentent encore. L'arrêt du conseil du 3 mars a prononcé sur des motifs qui ne sont point anéantis, qu' ils pourraient arrêter son exécution ; celui survenu et présente aujourd'hui n'est il pas assez puissant pour la décider, s'il est des difficultés insurmontables, je supplie de me les faire connaître si on peut les lever je ne doute pas que l'objet ne porte à le faire ; il est si intéressant.
Au sud de ces landes terres vagues et vaines il est une autre portion de terres de 1 000 journaux appelé la forêt du Roi, qui appartient réellement au Roi, dont 650 journaux sont absolument en landes et 350 en bois par bouquet entre coupé de bois dégradés et qui s'amenuisent tous les jours. [un passage pour expliquer que les terres ne rapportent rien].
M. de Boynes a des vues sur cette portion de terres très intéressantes aux besoins de l'établissement des familles et souhaite qu'elle puisse être aliénée incommutablement à des capitalistes qui se chargeront d'en établir. Il semble que malgré le bois qui se trouve dessus, on peut bien à raison du produit regarder le tout comme terres vagues et vaines. [...]
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Le Samedi onze avril j'ai vu M. Nardot 1er commis de M. Cochin ; il m'avait donné rendez-vous. Je lui ai donné un sommaire de ce que j'avais à traiter avec lui qui est le mémoire ci-dessus touchant l'établissement des familles acadiennes dans les terres vagues et vaines du Comteau de Blaye et je lui ai montré le plan de la Comteau ou le terrain que j'avais en vue est placé, ainsi que la forêt du Roi. Nous sommes entrés en matière sur l'arrêt du conseil du 3 mars 1764, qu'il a qualifié de règlement sur l'intérêt des copropriétaires de la commune ; il a retrouvé le dossier de cette affaire pour faciliter l'acquisition de ces communaux ou en partie, pour des capitalistes qui voudraient se charger de l'établissement des familles acadiennes. Il m'a démontré que l'intendant de Bordeaux ne pouvait que suivre strictement l'arrêt du conseil ; que le terrain appartenait absolument en commun à 25 paroisses, que le Roi ne pouvait en rien toucher à cette propriété, que l'arrêt ne permettant de vendre que depuis 2 journaux jusqu'à 10 seulement, prescrivant la vente au profit des gentilshommes, bien tenants et autres domiciliés dans l'étendue du dit comte [comtau, mot tronqué ?] ce qui excluait les étrangers ne touchait point essentiellement à la propriété, et n'était qu'un simple arrangement entre les copropriétaires auquel tous autres ne pouvaient participer, que de plus l'intendant n'était autorisé à la vente que pour [dépétiller ?] des petites ?] portions de 2, 3, 5 et 10 journaux, le prix d'acquisition si tant était qu'on peut y admettre des étrangers, sera porté si haut qu'il ne pourrait convenir à des entrepreneurs, qui d'ailleurs avaient des avances considérables à faire ; à ces réflexions j'ajoute celle des oppositions et peut-être des violences que les paysans pourraient faire aux acquéreurs qu'ils sauraient [? savaient ?] ne pas avoir le droit direct d'acquérir, n'étant point liés à la commune par aucun titre, d'où je conclus qu'il est ne faut plus penser à ces terrains pour y établir des familles.
L'article de la commune traité j'ai passé à la question de la possibilité de l'aliénation des 1 000 journaux de la foret du Roi. M. Nardot m'a dit que l'on ne pouvait regarder le terrain de la foret du Roi comme terres vagues et vaines puisqu'il y avait encore du bois en coupe réglée, mais qu'il était un moyen très praticable de réduire toute cette étendue de terre à la qualification de terres vagues et vaines, qu'il fallait d'abord obtenir l'acquisition des bois et leur coupe plein et entière ce qui ne serait pas difficile vu le mauvais état des bois ; que ce point terminé, le sol découvert, on pourrait demander la concession du sol comme de terres vagues et vaines en fief et propriété incommutable, et sous les conditions ordinaires que le concessionnaire étant acquéreur des bois serait le maître de les couper ou non, sans pouvoir être inquiété parce que la qualité de concessionnaire du sol indépendante de celle d'acquéreur des bois, l'acquéreur des bois ne pouvait être poursuivi à découvrir le sol que par le concessionnaire qui étant le même pourrait agir ainsi qu'il pourrait lui convenir.
Notes
11 avril 1772. N°12. Le Moyne - Notes sur ce que M. de Boynes désire pour l'établissement des Acadiens, dont l'entretien coûte à l'Etat plus de 250 000 livres quoique on ne secourt les individus au dessus de 10 ans que de 6 sols par jour et aux au dessous que de trois sols (f° 49)
Mots-clés
// Acadiens étrangers
// hostilité et violences locales
// Blaye
// impuissance du pouvoir central pour certains problèmes locaux
// intendant perd son pouvoir local dès qu'il s'éloigne
Numéro de document
000096